Le projet d’extension et de modernisation de l’aéroport Marseille Provence baptisé « Cœur d’aéroport », est actuellement soumis à enquête publique. Dans un contexte de crise sanitaire et économique inédit, des associations de protection de l’environnement se dressent contre sa mise en œuvre.

Le projet « Coeur d’aéroport » vise à créer 22 000 m² d’espaces supplémentaires sur le Terminal 1 et connecter les principaux bâtiments. L’objectif : créer un nouveau hall d’embarquement avec ses commerces pour faire face à l’augmentation du flux de visiteurs de ces dernières années (hors crise du Covid). Le projet retenu a été imaginé par l’architecte star Norman Foster, que l’on connaît bien pour l’ombrière du Vieux-Port ou le Viaduc de Millau, réalisé aux côtés des Marseillais de l‘agence Tangram.

En 2019, l’aéroport Marseille Provence a engrangé une hausse de +8,1% du nombre de passagers par rapport à 2018 et dépassé la barre des 10 millions de passagers. Avant la crise, l’aéroport se hissait ainsi à la 3e place des aéroports régionaux français. La plateforme enregistrait ainsi la plus forte croissance en 2019, devant Lyon (7%), Nice (4%), Toulouse (pourcentage légèrement négatif).

Ces nouveaux aménagements visent donc à moderniser des infrastructures pour se mettre au standard de ses homologues internationaux. Mais aussi, mettre en œuvre la mutualisation des zones d’enregistrement, de contrôle de sûreté et de livraison des bagages de soute, aujourd’hui réparties dans les différents halls de l’aéroport pour gagner en efficacité et assurer une meilleure maitrise des flux. Un sujet devenu majeur, à l’heure de la crise sanitaire que nous traversons.

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Le coeur d’aéroport va permettre de combler l’espace entre les deux principaux terminaux.

Pour le président du directoire de l’aéroport, Philippe Bernand, « cette restructuration a un quadruple objectif ». Il en va de « la rationalisation des flux de passagers en mutualisant tout un ensemble de fonctionnalités aéroportuaires, l’amélioration de la qualité de service, la mise en conformité de l’aéroport aux nouvelles normes de contrôle des bagages de soute » ainsi que du « réaménagement des zones commerciales ».

« La phase du projet soumise à autorisation aujourd’hui vise à donner une cohérence attendue depuis 20 ans à notre aéroport en unifiant et rationnalisant des bâtiments datant des années 50 à 90 ; à mettre en conformité les équipements aux dernières normes européennes et à améliorer la qualité de service aux passagers », conclut le président dans un communiqué.

Quelle légitimité pour le projet à l’heure de la crise économique ?

Alors que le trafic aérien en métropole ne cesse d’augmenter depuis les années 80, passant de 45 millions de passagers en 1986 à 172 millions en 2018 selon les chiffres de la DGAC, la crise de la Covid-19 a mis a mal cette industrie en plein essor, notamment sur le plan du marché international où les échanges restent en grande partie fermés. Portes closes aux frontières, craintes des consommateurs…

Sur le territoire, le trafic a connu un recul de 54,6% en mars 2020 par rapport à 2019, avec la fermeture des frontières ; et une chute de 99% du trafic passager au mois d’avril par rapport à la même période l’année dernière. Avec la période de confinement, l’aéroport Marseille-Provence a connu un véritable effondrement de son activité. En effet, 90% de son chiffre d’affaires dépend du trafic et de l’activité aérienne, soit 13 millions d’euros de pertes mensuelles. A savoir qu’avant la crise, les retombées économiques pour le territoire étaient estimées à un milliard d’euros, avec un plan d’investissement de 500 millions. 

Un coup dur pour le secteur, qui pourrait ne pas retrouver sa force de frappe avant plusieurs années, à l’heure où le chômage partiel perdure et où les suppressions de poste menacent les employés de différentes compagnies.

Cette situation exceptionnelle a contraint l’aéroport à revoir certains investissements. « Il faut être réaliste et cohérent, on différera probablement l’ensemble des travaux à vocation capacitive. Le redémarrage et la croissance ne vont pas être là immédiatement, mais nous allons faire le maximum pour préserver des investissements de rénovation, de mise aux normes, d’optimisation opérationnelle et environnementale. Ceci est cohérent à partir du moment où nous avons des incertitudes sur le trafic. Il est logique de se focaliser sur l’efficacité et l’amélioration du service », indiquait Philippe Bernand, président du directoire de l’aéroport AMP, en avril dernier. 

Le projet Cœur d’aéroport, imaginé par l’architecte Norman Foster, est la conjonction de l’ensemble de ces facteurs, et se voit en partie impacté. Le projet est composé de deux phases : la construction du « cœur d’aéroport » proprement dit, d’une surface de 20 000 m2. Une seconde phase était programmée après 2023 : une jetée d’embarquement international, d’une surface de 13500 m2, construite dans le prolongement du Cœur, à horizon 2027. 


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Un « projet totalement déconnecté des objectifs climat »

Des associations environnementales s’élèvent aujourd’hui contre ce projet. Soumis à enquête publique depuis le 15 septembre, le projet fait, en effet, face à de vives oppositions de la part d’associations telles que Alternatiba, ANV-COP21, Greenpeace, Extinction Rebellion, Attac, Les Amis de la Terre, la FNE 13, Citoyens pour le Climat, Youth For Climate, Climat Pays d’Aix, Vitrolles en transition et Vitrolles verte. Elles remettent en cause un « projet totalement déconnecté des objectifs climat », comme nous l’indique Charlène Fleury, porte-parole d’Alternatiba et ANV-COP21.

« Nous sommes inquiets d’une part que des projets d’extension veuillent encore voir le jour alors que nous sommes dans l’urgence climatique, d’ailleurs officialisée par l’accord de Paris. Créer de nouvelles infrastructures aéroportuaires, c’est totalement déconnecté des objectifs climat de la France, s’indigne-t-elle. Parmi nos revendications nationales, nous montrons qu’il faut supprimer les créneaux de vols faisables en moins de cinq heures en train afin de limiter les taux de pollution de CO2. Arrêtons de jouer à ce jeu-là et stoppons les extensions ».

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Informer la population

Les opposants dénoncent aussi le « double discours » de l’aéroport. « Ce qui coince avec le projet d’extension de l’aéroport, ce n’est pas le fait qu’il veuille se refaire une beauté, mais la raison pour laquelle il le fait. Car, quand il a été présenté en 2019, il annonçait clairement la construction d’une nouvelle jetée d’embarquement pour faire venir des longs courriers. Cette année, le projet a été « saucissonné » en deux, en commençant par la présentation des rénovations et donc faire adhérer la population. Cependant, cette consultation publique passe en-dessous des radars, aucune réunion d’information n’est organisée, ni aucune communication en ligne. On veut alerter le plus grand nombre pour qu’il se prononce massivement en faveur ou en désaccord du projet, en créant un exercice démocratique qui n’est pas effectué ici ».

Le samedi 3 octobre, 11 associations et collectifs locaux ont répondu présent à l’appel de mobilisation nationale organisée par Alternatiba / ANV COP-21, baptisé « Marchons sur les aéroports ! Pour la réduction du trafic aérien ». Une « action de désobéissance civique non-violente, permettant de mettre en scène l’absence des figures imposées d’une consultation publique digne de ce nom ».

Dans le cadre de l’enquête publique, l’aéroport Marseille-Provence est soumis à un droit de réserve et n’a donc pas pu répondre à nos questions. Celle-ci se terminera le 16 octobre, à minuit.

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