Le tribunal administratif de Marseille a examiné cet après-midi le recours en référé-liberté visant à suspendre l’arrêté préfectoral qui décrète la fermeture des bars et restaurants à Marseille et Aix, pendant 15 jours. La décision sera rendue demain à 15h.
Ils se sont une nouvelle fois mobilisés devant le tribunal administratif de Marseille cet après-midi. Dimanche, restaurateurs, cafetiers et collectivités avaient décidé de saisir le tribunal administratif pour contester la décision du préfet de fermer les établissements à Aix et Marseille pour 15 jours pour enrayer l’épidémie de Covid-19.
Le recours porté par le président (LR) de la Région Sud, Renaud Muselier, aux côtés des restaurateurs, est soutenu par une vingtaine de requérants, parmi lesquels des professionnels ; des chambres consulaires (CCIAMP, CMAR…), des associations d’entreprises (UMIH13, U2P, UPE13, CPME13…) et des institutions (Métropole, Département). « Le président n’est pas favorable à la désobéissance civile. Lorsque l’on conteste les règles, il faut le faire dans les règles, et ce qui est sûr c’est qu’on ne laissera personne au bord du chemin », assure Isabelle Campagnola-Savon, conseillère régionale déléguée à l’économie et aux entreprises, venue soutenir les professionnels.
L’autre démarche de la Ville de Marseille
Si la Ville d’Aix-en-Provence est partie prenante de cette initiative collective, la municipalité marseillaise a décidé de se tenir en retrait car elle soutient une autre démarche. « Nous refusons de tomber dans le piège de mettre en opposition la santé, d’un côté et la situation économique de l’autre. La santé a toujours été la priorité de la Ville de Marseille », nous confie Yannick Ohanessian, adjoint en charge de la sécurité.
Des tests à la prévention, en passant par la distribution de masques et même la verbalisation, l’élu rappelle toutes les mesures mises en œuvre depuis début juillet, par la municipalité. « Nous trouvons bien entendu cette décision injuste, mais elle s’impose à nous aujourd’hui. Les coups de communications politiques ne m’intéressent pas. Maintenant que ces mesures s’imposent à nous, il est important de déterminer comment on aide de façon factuelle, concrète et durable les restaurateurs et cafetiers impactés dès leur réouverture ». En concertation avec l’Umih, et même si elle n’a pas la compétence économique, la Ville devrait faire des annonces dans ce sens, car « il y a des marges de manœuvre ».
« Nous considérons qu’il y a une atteinte aux libertés »
Toute la semaine, les élus, et les représentants du monde économique ont fait des propositions au gouvernement. Elles concernaient la mise en place de mesures supplémentaires à l’entrée des établissements, en plus de celles déjà instaurées depuis la sortie du confinement : une distanciation entre les tables plus importante, la prise de température à l’entrée, un registre des clients pour les rappeler en cas de cluster et la mise à disposition de gel hydroalcoolique sur toutes les tables et même si nécessaire des rappels à l’ordre. Toutes ont reçu une fin de non-recevoir.
Bernard Marty, président de l’UMIH espère que le tribunal prendra la décision d’annuler l’arrêté du préfet. « Le Covid ne circule pas dans les bars, pas dans les restaurants et encore moins dans les cafés. Puisque nous sommes les seuls à avoir des gestes barrières, un protocole sanitaire, que l’on propose de renforcer. J’espère que nos avocats seront assez forts pour convaincre le juge de retirer cet arrêté ».
Ce recours en justice apparaît donc comme la dernière tentative légale pour faire reculer le gouvernement. Le référé-liberté vise à obtenir en urgence la suspension de l’arrêté préfectoral parce qu’il serait attentatoire à une liberté fondamentale.
« Nous comprenons l’enjeu, mais pas pourquoi il y a une absence de graduation. Nous considérons qu’il y a une atteinte aux libertés ; d’autant que cela crée des situations de concurrence déloyale. Cela pose un vrai problème global pour l’ensemble de nos collaborateurs pour déjeuner, et au-delà cela touche différentes filières, pas seulement les bars et les restaurants, mais le commerce, le secteur agro-alimentaire… », exprime Jean-Luc Chauvin, président de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence. « Au coût sanitaire, on rajoute une crise économique et sociale désastreuse ».
« Ça alimente le conflit Marseille – Paris, Véran – Raoult »
Ainsi, parmi les principaux arguments de défense avancés, celui selon lequel les bars et les restaurants ne sont pas plus des clusters que des universités, ou les transports en commun.
La jeunesse trouvera des moyens de se réunir, « et dans la sphère privée où les gestes barrières ne sont pas aussi respectés que dans un restaurant », reprend le président de la CCI AMP. Tout en restant sur le principe de la loi, il remet une nouvelle fois en cause la méthode et le retard sur la prise de décision de l’État. « Ça alimente le conflit Marseille – Paris, Véran – Raoult. Le Premier ministre a fixé une règle, pourquoi aujourd’hui en changer », juge-t-il.
Comme lui, nombre de restaurateurs estiment qu’il s’agit d’une « punition », à l’effet Raoult. « On paye ça, sinon pourquoi nous sommes traités d’une autre manière », souligne Jimmy, cuisinier dans les collèges et venu soutenir ses collègues.
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Mobilisation en cours devant le tribunal administratif de Marseille qui examine cet après-midi le recours sur la fermeture des bars et restaurants à Marseille et Aix.
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Pour Maryline Jacquet venue revendiquer « son droit à retrouver nos libertés », c’est une guerre entre territoires qui se jouent : « les restaurants universitaires restent ouverts, la ville des Pennes-Mirabeau avec Plan-de-Campagne brassent du monde, ce n’est pas tolérable, les boulangeries sont autorisées à rester ouvertes et certaines servent en terrasse… », explique cette gérante du restaurant la Tomate Verte, situé à Aix-en-Provence. « Je demande la liberté d’entreprendre avec ou sans masque, c’est une mascarade », clame-t-elle clairement en résistance.
Dans le cadre de la dégradation de la situation sanitaire dans le département des Bouches-du-Rhône, l’État a décidé de renforcer le dispositif de soutien aux entreprises et associations impactées par les nouvelles restrictions d’accueil au public. Les montants du fonds de solidarité ont été gonflés jusqu’à 10 000 euros par mois pour les « entreprises fermées administrativement », de moins de 20 salariés et affichant un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros.
Mis en place dès le début du confinement en mars, celui-ci prévoyait une aide mensuelle de 1 500 euros pour toute TPE perdant 50 % de son chiffre d’affaires. Des exonérations de charges sont aussi prévues, ainsi qu’une prolongation du chômage partiel.
« La suite, c’est le dépôt de bilan »
Avec un sentiment « d’être stigmatisés », « pas écoutés » et « même pas respectés », les patrons réunis devant le tribunal administratif sont catégoriques : « Nous, on ne veut pas d’aides, on veut bosser ! Ces aides ne concernent pas tout le monde. On parle de 10 000 par mois, mais on ferme 15 jours, donc c’est déjà la moitié ».
En fonction du jugement, Bernard Marty décidera de la marche à suivre. « Si vraiment il y a un réel problème dans le pays, qu’ils prennent tous leur responsabilités, au risque d’un confinement général. Car si c’est la seule solution pour sauver la population de notre pays, eh bien qu’ils aient le courage de le faire », s’insurge-t-il. Ce qui est sûr c’est « qu’on ne se laissera pas faire ».
Pour Grégory Nicolaï, avocat au barreau de Marseille et représentant l’Umih sur ce dossier : « L’arrêté est disproportionné. Dans les rapports de l’ARS, il est stipulé que les gros foyers de contamination sont les universités et en aucun cas étaient indiqués les restaurants. Donc, il n’y aucune raison que les restaurants soient fermés », plaide-t-il tout en précisant que« la bataille est difficile face à l’Etat ».
Pour nombre de patrons, le maintien de l’arrêté sonnerait le glas de leur activité. « La suite, c’est le dépôt de bilan ». La décision sera connue demain à 15 heures. Et si elle va dans le sens des requérants, certains craignent déjà le retour de bâton du Conseil d’Etat. Affaire à suivre…
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