Le projet « Rocher Mistral » vise à rénover le château de La Barben pour en faire un parc à thème autour de l’environnement, de l’agriculture et des traditions. Mais il se heurte à la contestation d’habitants, et l’État demande désormais une étude d’impact. Pas de quoi décourager le propriétaire Vianney d’Alançon, qui espère toujours ouvrir au printemps prochain et accueillir 300 000 visiteurs la première année.
Il trône au-dessus de La Barben depuis près de 1 000 ans « et s’est construit avec les meilleurs artistes et architectes de chaque période », nous confiait Thomas Bricheux, architecte en patrimoine. Des fresques de Granet ornent les murs du château, alors que d’autres ont peint « des plafonds exceptionnels ». Le jardin à la française est, quant à lui, signé par André Le Nôtre, jardinier de Louis XIV.
La valeur patrimoniale du château de La Barben n’est pas à démontrer. Il est pourtant à l’abandon depuis des années et des infiltrations d’eau menacent l’intégrité de certains éléments. Mais l’entrepreneur en patrimoine historique*, Vianney d’Alançon, a récupéré les clés de l’édifice en 2019 pour mettre en œuvre son projet : « Rocher Mistral ».
Un « parc culturel et naturel provençal »
Entre patrimoine, tourisme, environnement et agriculture, il prévoit d’investir 30 millions d’euros pour redonner vie au château et aux 400 hectares du domaine. « Un Puy du Fou provençal », comme le décrivent certains, avec des animations et grands spectacles sur l’histoire locale qui animeront les deux jauges : l’une en capacité d’accueillir 1 000 personnes et l’autre 2 000.
À côté, un « village provençal traditionnel fin XIXe » sera créé pour accueillir des artisans et commerçants de terroir et de tradition.
23 hectares de terres agricoles seront réhabilités, dont 15 voués à l’horticulture et 8 à la viticulture. Sans compter les 63 hectares destinés à accueillir de l’élevage pastoral (chèvres et moutons) et de l’apiculture. Enfin, aux côtés d’associations environnementales, la SAS La Barben entend valoriser l’espace naturel du domaine, situé en zone Natura 2000 et en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF).
Un « parc culturel et naturel provençal », comme il se décrit, qui impliquerait selon le propriétaire la création de 200 emplois directs (et 200 indirects) et dont l’ouverture est prévue au printemps 2021. 300 000 personnes sont attendues la première année.
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« Il faut une offre touristique raisonnée »
C’est justement sur ce point que des crispations se cristallisent depuis cet été. Avec un peu moins de 900 habitants, La Barben accueille déjà plus 300 000 visiteurs annuels dans son zoo, voisin direct du château, un des sites touristiques les plus fréquentés des Bouches-du-Rhône.
Et cela semble suffisant pour certains habitants. « On a décidé de vivre à la Barben par rapport au cadre de vie, à la tranquillité, aux balades paisibles dans le massif », raconte Sandrine Girod. Elle tient les Écuries du Baou, en contrebas du château. Cette équithérapeute a créé l’association Bien vivre à La Barben et ses environs, qui rassemblerait une cinquantaine d’habitants et conteste le projet jugé « démesuré par rapport à la commune ».
« Nous n’avons rien contre la rénovation, le jardin potager et le projet agricole », poursuit la présidente de l’association, pour qui le problème vient de « la halle commerciale [« village provençal » avec la création de 18 bâtiments sur 2,8 hectares, ndlr] et du parc à thème. En plus de leur impact environnemental et des nuisances sonores et lumineuses (6 spectacles sont prévus par jour en saison, dont un à 22 h avec sons, lumières, et pyrotechnie), ils devraient attirer 3 000 voitures par jour l’été. Avec des problématiques de circulation et de sécurité conséquentes pour les riverains ».
Des réticences auxquelles s’associe la branche régionale de France nature environnement (FNE). Elle ne se considère toutefois pas « dans l’opposition », précise son président départemental Richard Hardouin, et a été appelée à collaborer avec les nouveaux propriétaires. « Nous disons seulement qu’en l’état, nous ne pouvons nous prononcer favorablement, qu’il y a des points à régler ». Le premier d’entre eux : la dimension du projet et des flux de visiteurs prévus. « Il faut une offre touristique raisonnée. Aujourd’hui, c’est plus un parc d’attractions qu’un musée éco-responsable ».
L’État demande une étude d’impact
FNE pointe notamment l’insuffisance des inventaires naturels et agricoles et l’impact du projet sur la biodiversité. Un pré-diagnostic de 60 pages a pourtant été réalisé par le bureau d’études Performa. Il conclut que le projet « induit des incidences localement non négligeables sur des espèces sensibles, voire remarquables », en particulier sur l’avenir d’une colonie de chauve-souris (murins à oreilles échancrées) ayant pris leurs quartiers dans la salle d’armes du château, et sur l’aigle de Bonelli, une des espèces de rapaces les plus menacées de France.
« Il y avait historiquement un couple, mais qu’on ne voit plus ces dernières années » précise le président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) Paca, François Grimal. « Le territoire de l’aigle de Bonelli, c’est justement la zone du projet qui va être préservée », poursuit-il, « et on a quelqu’un qui a les moyens de le faire alors que les pouvoirs publics, non. On attend de voir ce qui va être fait, mais pour l’instant on a confiance ». La LPO a été associée « sans contrepartie » au projet pour la préservation et la sensibilisation ornithologique sur le site. Tout comme le Groupe chiroptères de Provence (GPC) sur la question des chauves-souris, afin notamment de leur aménager un nouveau « gîte de reproduction » à proximité.
Vianney d’Alançon s’est en effet entouré de nombreuses associations environnementales, agricoles et culturelles pour l’accompagner dans un projet qui se veut respecter au mieux la terre et les traditions. « Mais il est arrivé avec un dossier tout ficelé, pas prêt à bouger d’un iota », déplore Richard Hardouin, car de son point de vue « il n’y a eu aucune concertation avec les riverains ni la municipalité. Aucune consultation des services de l’État ». De fait, la préfecture de Région via la Direction régionale de l’environnement et de l’aménagement (Dreal) a exigé, par un arrêté du 23 juillet 2020, qu’une véritable étude d’impact soit réalisée.
« Une tempête dans un verre d’eau »
« Nous déposons un recours gracieux contre cet arrêté car nous ne sommes pas d’accord avec ses conclusions », explique Vianney d’Alançon, pour qui une telle étude remettrait en cause un calendrier serré. « Nous avons apporté des précisions pour rassurer sur l’authenticité du projet patrimonial et environnemental » appuie-t-il. La conclusion de l’étude de Performa précise que « l’adaptation du projet, l’évitement des secteurs les plus sensibles et surtout l’aménagement volontaire des surfaces associées au projet permettront de minimiser l’incidence environnementale globale du projet ».
Une incidence environnementale qui pointe notamment la construction du village provençal, en dur, sur 2,8 hectares et celle du parking de 4,4 hectares. Pour ce dernier, la présidente de l’association Bien vivre à La Barben avance qu’il se fera « sur des terres agricoles, louées hors du domaine ».
« Elles sont chez moi », répond le châtelain, « et elles sont en friche depuis 40 ans. À l’abandon, comme toutes les terres naturelles et agricoles de la zone, sans protection depuis des décennies, avec stationnement anarchique et dépôts sauvages [constatés par huissier, ndlr]. Nous allons les entretenir et mettre en culture raisonnée 23 hectares, plus les 63 hectares voués au pastoralisme. L’aire de stationnement sera végétale, gazonnée avec des allées d’arbres, pour conserver le potentiel agricole ». Elle devrait être aménagée contre le parking actuel du zoo, « afin de sécuriser et mutualiser les flux de voitures au même endroit et par la même route, la D 572, qui contourne le village ».
« Il ne va pas y avoir un doublement des touristes à La Barben », assure-t-il, face aux craintes de certains habitants. « Ils ne vont pas nécessairement se cumuler avec ceux du zoo mais profiter des deux sites lors de leur venue. Au final, on met des bâtons dans les roues d’un projet qui aura un impact positif sur l’environnement, l’agriculture et l’emploi. Une tempête dans un verre d’eau », estime Vianney d’Alançon, très confiant sur l’issue de son recours gracieux et la tenue de son planning.
Il lui faudra pourtant attendre la réponse de la préfecture et surmonter les recours sur les permis de construire que compte déposer l’association contestataire. Affaire à suivre donc.