Le président de région, la présidente de la métropole et du département, les maires et les représentants du monde économique ont décidé de faire bloc face aux décisions du gouvernement. Tous ont signé hier soir une déclaration commune et se mobilisent ce matin devant le tribunal de commerce, alors que le ministre de la Santé Olivier Véran vient d’annoncer son déplacement à Marseille cet après-midi.

« Hé Manu tu descends ! ». C’est une boutade lancée dans l’hémicycle métropolitain, ce jeudi en fin d’après-midi ; mais point de rire. Derrière cette réplique mythique des Inconnus, sur fond de crise sanitaire, l’appel est très sérieux. Des représentants du monde économique aux collectivités territoriales en passant par les syndicats des salariés, tous attendent de pied ferme, Emmanuel Macron, à Marseille, pour « bien saisir la réalité du terrain et la détresse des professionnels ».

C’est le sens de l’invitation lancée par Philippe Korcia, président de l’Union patronale des entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE13), au président de la République, un peu plus tôt dans la journée.

Il faut dire que ces dernières 24 heures dans la métropole Aix-Marseille Provence, la colère gronde. À l’origine de cette grogne, l’annonce choc du ministre de la Santé, mercredi soir, lors de son point presse hebdomadaire : la fermeture des bars et des restaurants, pour une durée de 15 jours, dans une métropole Aix-Marseille désormais classée en « zone d’alerte maximale ».

« Punition collective », « décision unilatérale » « injustice »… Ces mesures lourdes de conséquences économiquement, renvoient inévitablement au souvenir du mois de mars, où la fermeture des mêmes établissements avait été décrétée, quelques jours seulement avant un confinement généralisé.

Cette annonce a fait l’effet d’une bombe suscitant une vive émotion et une incompréhension chez les principales figures locales de tous bords et les présidents des chambres consulaires, mis devant le fait accompli. Tous n’ont pas manqué de le rappeler dans l’hémicycle métropolitain, lors d’un conseil de territoire improvisé, piloté par Martine Vassal, présidente de la Métropole.

L’objectif : décider « ensemble » de la marche à suivre, vis-à-vis du gouvernement, « pour éviter de se retrouver dans une période de confinement, ce qui serait absolument catastrophique », avance Martine Vassal, devant les maires qui ont pu faire le déplacement. Le premier adjoint à la Mairie de Marseille, Benoît Payan, Jean-Pierre Serrus, maire LREM de la Roque-d’Anthéron, mais aussi Renaud Muselier, président de la Région Sud, Jean-Luc Chauvin, président de la CCIAMP, Philippe Korcia, président de l’UPE 13… ont assisté à cette consultation, où l’attitude du gouvernement a été largement dénoncée.

La concertation à l’épreuve de l’épidémie

« On essaie par la verticalité de nous appliquer des formules, des diktats, mais nous avons indiqué au préfet que nous étions face à des réalités, et qu’il fallait revoir ce comportement », lâche un brin dépité, George Cristiani, président de l’Association des maires de Provence.

La méthode fait grincer des dents, car elle va à l’encontre du discours de politique nationale de Jean Castex, prononcé en juillet dernier. À 25 reprises, le Premier ministre a employé le terme « territoire », ouvrant la voie d’une nouvelle étape de la décentralisation, insistant sur la concertation et sur le couple « maire-préfet de département » [dans les Bouches-du-Rhône, le préfet de département devrait entrer en fonction au mois de janvier, ndlr].

Une stratégie balayée d’un revers de main par Olivier Véran, estime Renaud Muselier, qui n’hésite pas à parler de « faute politique grave », au lendemain d’une « discussion tonique », avec le ministre. Quand le socialiste Benoît Payan, premier adjoint à la Mairie de Marseille parle « d’affront ».

« J’en ai vu des gouvernements prendre de mauvaises décisions, mais là… elle est mauvaise, car elle nous oppose les uns aux autres, car qui va devoir faire appliquer l’arrêté, lance l’élu. Et d’ajouter : Le virus, il n’est ni de de droite, ni de gauche, ni même LREM ».

« Cette décision est la pire des décisions »

Jean-Pierre Serrus, maire LREM : « Je soutiens le gouvernement, mais je ne soutiens pas ce qui s’est passé hier. Je ne vois pas comment un ministre de la Santé, en ayant uniquement les moyens de son ministère, peut présenter des mesures ayant un tel impact sur l’économie, la sécurité, la vie quotidienne ». Pour Jean-Luc Chauvin, président de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence, « cette décision est la pire des décisions et ne résoudra pas le sujet ». 

Le monde économique n’est pas opposé à des mesures contraignantes, mais celle-ci est vécue avec injustice, « parce que cet été nous avons accueilli des touristes de toute la France, nous n’avons pas eu les moyens de police pour faire respecter ce que le gouvernement nous demande de faire », reprend Jean-Luc Chauvin.

Si cette situation devait perdurer, Philippe Korcia promet un « territoire sinistré », faisant état de « la détresse » des entreprises, certaines vieilles de 30 ans, menacées de disparition, « non pas par leur faute, mais par une mauvaise gestion de la crise ».

« Non, nous ne laisserons pas mourir nos communes »

Alors, le mot d’ordre c’est se battre. « Faisons bloc. Restons unis. Avec Renaud, avec Martine, avec toutes les communes, et surtout avec le monde patronal », lance Bernard Deflesselles, député LR des Bouches-du-Rhône, dans un cri de colère.

Pour faire face, Renaud Muselier a proposé à la Maire écologiste de Marseille Michèle Rubirola, et Martine Vassal, présidente (LR) de la Métropole de signer à ses côtés une déclaration commune. « Non, nous ne laisserons pas mourir nos communes, notre capitale régionale, ni sa Métropole Aix-Marseille-Provence, ni notre département, ni notre région. Face aux mesures annoncées de façon unilatérale hier par le ministre de la Santé, nous choisissons l’unité ». (lire intégralité dans l’encadré)

Demande d’un moratoire

Une tribune étendue à l’ensemble des maires et du monde économique. Parallèlement, le président de la région Sud a également décidé dès ce matin, un recours en référé liberté contre l’arrêté préfectoral. Il sera suivi par d’autres maires.

La situation marseillaise gagne d’autres villes de France. À Nice, Bordeaux… Les restaurateurs décident d’entrer en résistance, et de braver l’interdiction. « Un sur deux dit ne pas comprendre et ne pas être d’accord. On ne peut pas confiner l’économie, car le gouvernement ne prend pas les mesures de santé publique. On ne peut pas être d’accord. Là nous sommes au-delà de la politique », poursuit Jean-Luc Chauvin, qui appelle à une mobilisation nombreuse ce matin à 9 heures, symboliquement, devant le tribunal de commerce de Marseille, pour demander « officiellement un moratoire sur cette décision [du gouvernement]. Face à cette mesure prise sans concertation et qui met en danger durablement toute une filière et par effet dominos toute notre économie et notre territoire ».

Le gouvernement devrait pourtant maintenir son cap. Invité de l’émission de France 2, hier soir, « Vous avez la parole », Jean Castex, a déclaré c’est une « course contre la montre qui débute dans la cité phocéenne», et c’est pour cela que « nous avons décidé de prendre des mesures plus fortes ».

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