Espaces ouverts et partagés, où la proximité est de bon ton, le coworking n’a pas fait bon ménage avec le la crise sanitaire. Entre nouvelles pratiques de travail et relance économique, les enjeux sont nombreux pour les start-ups régionales au sortir du confinement. Malgré un bilan en demi-teinte, le retour à la normale semble s’annoncer.
Baby-foot, open space, canapés, salles de repos… Ces nouveaux cadres de travail sont plébiscités ces dernières années avec l’explosion du coworking. Un anglicisme qui émergeait il y a une quinzaine d’années et s’est aujourd’hui imposé comme une norme dans le monde du travail. En 2019, la France comptait 1 700 espaces de coworking. Le nombre a triplé en l’espace de deux ans.
Marseille est au cœur de cette révolution de l’environnement de travail, puisqu’elle fait partie du palmarès des villes les plus dotées de ce type genre d’espaces collaboratifs. Mais à l’heure du déconfinement, les sites ont dû revoir l’organisation de leurs locaux, où habituellement proximité rime avec convivialité. Gels hydroalcooliques aux entrées, masques pour tous, distanciation des bureaux… Autant de nouvelles manœuvres pour les coworkers, dont beaucoup ont repris leur activité.
Au Repaire, qui surplombe le Vieux-Port, la plupart ont repris leur place, malgré les premières réticences au sortir du confinement. « Il y a une quinzaine de travailleurs dans nos bureaux et tous sont occupés. Même s’il y a moins de coworkers qu’avant, en ponctuel, en raison du protocole sanitaire notamment, nous n’avons pas eu de départ d’entrepreneur, nous indique-t-on à l’accueil du site. Au contraire, la liste d’attente s’allonge encore pour occuper les bureaux ! »
De la réticence à une nouvelle dynamique professionnelle
Un peu plus au Nord, dans le quartier de la Joliette, les espaces de travail Newton Offices ont dû faire face à l’arrêt brutal des activités de leurs résidents. Après deux longs mois de pause, la reprise est graduelle. Le fondateur Guillaume Pellegrin, président de Tivoli Capital, est revenu sur cette transition. « Nous avons pris les mesures sanitaires nécessaires, et nous étions prêts à accueillir tout le monde, comme avant le confinement. Pour autant, nous avons constaté que 20% des coworkers n’étaient pas revenus dans les locaux. Cela s’explique par différents facteurs : certains ont privilégié le télétravail, en suivant les recommandations sanitaires, l’usage des transports en commun a lui aussi freiné les travailleurs. Il y a aussi la problématique de la garde d’enfants. Malgré tout, nous voyons qu’ils ont besoin d’avoir un lieu de travail énergisant, dans lequel on se sent bien. En présentiel, tout est différent, il n’y a pas d’écran interposé. N’oublions pas que nous sommes des animaux sociaux, c’est notre raison d’être, ce pourquoi nous savons que notre modèle est pérenne ».
Dans la newsletter adressée à leurs résidents, Newton Offices ont proposé un sondage révélant que, à la sortie du confinement, 70% d’entre eux souhaitaient introduire le télétravail dans leur quotidien professionnel. Pourtant, certains dérogent à la règle et s’inscrivent au contraire dans une toute autre dynamique.
C’est le cas de la start-up Nice Cactus, plateforme de coaching en e-sport implantée depuis quelques jours dans cet espace de coworking. Pour Jérôme, Robin et Jonathan, s’installer dans des bureaux partagés était presque une nécessité. « On est habitué au télétravail. Lorsque notre entreprise a été rachetée par Nice Cactus, pour laquelle nous travaillons toujours aujourd’hui, on nous a donné à la fois des responsabilités et de l’autonomie sur nos programmes d’entraînement, nous explique Jonathan. Nous voyons que nous avons besoin de brainstormer entre nous et de nous mettre d’accord sur les programmes à mener. Il est donc important de pouvoir en discuter en réel, c’est beaucoup plus facile ».
Pour Jérôme, content manager du trio, l’importance du cadre de travail y a joué pour beaucoup. « On voulait quelque chose de moderne en ayant aussi accès à une formule tout compris. Le simple fait d’avoir accès à des services de qualité, des espaces communs sympas où l’on peut faire ses photocopies et son café apporte une tranquillité d’esprit importante pour nous, surtout en tant que start-up ».
Après la crise, l’essor de projets territoriaux
Le confinement a vu exploser les initiatives à visée solidaire, permettant aux entrepreneurs de ne pas flancher malgré le contexte économique. Les réseaux locaux se sont aussi mobilisés pour faire face à ce coup dur, en optant pour un soutien actif de l’écosystème entrepreneurial, notamment en valorisant les actions menées.
A Marseille, Jean-Baptiste Geissler, directeur général de la French Tech Aix-Marseille, est revenu sur les impacts et les nouveaux modes de fonctionnement de ses équipes et des jeunes pousses locales. Sur le territoire métropolitain, la French Tech compte 250 adhérents et plus de 600 start-ups. « Nous avons été surpris de constater que les start-uppers, bien que le télétravail soit pratique pour eux qui ont déjà les outils numériques nécessaires, préfèrent travailler en présentiel. Il y a eu un retour progressif dans les bureaux de coworking et dans les pépinières. Je le remarque dans la plupart des sites. Par contre, le télétravail est une méthode qui s’est démocratisée, les gens viennent au bureau mais ont recours au travail à domicile plus fréquemment. Certains ont pris l’habitude, pour d’autres c’est plus pratique et ils se sentent plus efficaces en présentiel ».
Le Gouvernement soutient les #startups https://t.co/d410R74lno
-Lancement d’un fonds French Tech Souveraineté
-Soutien au financement
-Soutien à l’émergence d’un nouveau vivier de startups
-Accélération de la numérisation de la société & de l’économie
-Soutien au recrutement pic.twitter.com/gqBJ2desfV— French Tech Aix-Marseille Région Sud (@AMFrenchTech) June 8, 2020
Un retour visiblement positif, donc, pour ces nouvelles entreprises provençales, dont l’activité reste pourtant contrastée en fonction des secteurs. « Nous allons mener une enquête quantitative pour déterminer précisément quelles ont été les retombées économiques de cette période de confinement, indique Jean-Baptiste Geissler. Pour une première tranche, travaillant dans la télémédecine par exemple, l’activité a été accélérée grâce aux nouvelles pratiques à distance. Pour autant, cela ne veut pas dire que le chiffre d’affaires a augmenté en conséquence. Mais quoiqu’il en soit, ils ont pu tirer leur épingle du jeu. Ensuite, pour d’autres, cela n’a pas changé grand chose, les levées de fonds étaient déjà amorcées. Pour la troisième tranche, en revanche, il y a eu un coup d’arrêt pour les secteurs tels que le tourisme, l’hôtellerie… Il n’y a pour l’instant aucun constat majeur à ce niveau, notamment grâce aux nombreuses aides déployées pendant cette période ».
Le réseau s’adapte lui aussi à ces bouleversements entrepreneuriaux, réfléchissant déjà à de nouveaux services qui seront mis en place à la rentrée, grâce à un pôle administratif conséquent, mettant en relation les entrepreneurs et les acteurs publics. Une démarche simplifiée et qualitative qui devraient permettre aux jeunes entrepreneurs de repartir du bon pied.