L’ancien Mc Do Saint-Barthélémy, fermé fin 2019, et réquisitionné pour servir de base logistique alimentaire aux quartiers populaires durant le confinement, tourne toujours à plein régime. Les bénévoles lancent un « appel des oubliés ».
Pas de temps mort. Le déconfinement n’a pas été synonyme de baisse d’activité, bien au contraire. La crise sanitaire a mis en lumière les inégalités sociales pesant sur les familles les plus précaires. Dans ce Mc Do, on ne sert toujours pas de hamburgers-frites. Les bénévoles mobilisés offrent une aide alimentaire et un accompagnement social.
Souvenez-vous, au mois d’avril, le Mc Do Saint-Barthélémy, fermé depuis fin 2019, est devenu le centre névralgique de la redistribution alimentaire dans les quartiers Nord. Une « réquisition populaire », de l’établissement initiée par Salim Grabsi, Kamel Guémari et le Syndicat des quartiers populaires de Marseille (SQPM), soutenue par un bon nombre de structures associatives.
Un nombre croissant de demandes
Durant toute la période du confinement, des paniers de denrées ont été distribués à plus de 30 quartiers de la ville par 42 associations, et le nombre n’a cessé de croître au fil des semaines. Depuis le 11 mai, 45 quartiers bénéficient de ce soutien, « sans compter les 120 familles qui viennent s’inscrire tous les jours », confie Salim Grabsi.
Pour répondre à la demande, l’organisation a quelque peu évolué. Cinq jours sont réservés à la distribution dans les quartiers, et désormais deux sont consacrés pleinement à ces personnes isolées. « Ce sont des familles qui ne vivent pas forcément dans des quartiers, mais la détresse y est tout aussi criante ». Cette tournée est assurée par Karima Djelat de l’association Rebondir13. « Une personne exceptionnelle, ajoute Salim Grabsi, ému. J’ai rencontré ici des gens formidables ».
Vers un projet de restaurant d’insertion
Le circuit est rodé, et les structures associatives, qui ont trouvé sur le site un point d’ancrage, souhaitent voir, à la fois le lieu se maintenir, et cette action se pérenniser. À cette fin, toute l’équipe travaille actuellement sur un projet de transformation de l’ancien Mc Do en restaurant d’insertion. Depuis le début de la crise, l’établissement a d’ailleurs été rebaptisé par certains « Mac’Arouna drive ».
Les discussions sont en cours avec l’enseigne. Les bénévoles comptent aussi « sur les pouvoirs publics pour remettre de l’emploi dans les quartiers populaires », ajoute Salim Grabsi, sans en dévoiler davantage. Une manière également de rendre visibles les invisibles.
L’appel des oubliés : pour rendre visibles les invisibles
C’est d’ailleurs dans ce sens que 45 quartiers et 50 associations marseillaises ont décidé de lancer « l’appel des oubliés ». « Nos discussions ont mis en lumière le fait qu’il n’était plus possible de rester oublié, notamment par les pouvoirs publics qui soutiennent seulement les structures institutionnalisées. Il y a un ras-le-bol généralisé, et comme on nous parle sans cesse d’un nouveau monde, d’une nouvelle façon de faire, on veut dire que les petites structures sociales, celles qui ont mené le combat contre la pauvreté, en ayant un courage extraordinaire en affrontant le coronavirus, ne doivent pas être oubliés du monde de demain. C’est ça qui est important ».
« Il faut redonner de la joie et des perspectives d’avenir »
Alors que la campagne se relance, ces « combattants de l’ombre », ne veulent pas voir leur cause être instrumentalisée. Même si certains d’entre eux figuraient sur la liste Unir, menée par Mohamed Bensaada, dans le 13-14e, ils insistent sur le fait que l’action est apolitique. « On est conscient qu’il y a les élections, mais ça serait criminel et la pire des choses que d’utiliser la misère et la détresse à des fins politiques, poursuit Salim Grabsi. On sait que l’on gêne, mais pour nous l’humain est central, et toutes les personnes qui s’inscrivent dans cette perspective sont les bienvenues. »
Pour célébrer la fête de l’Aïd, l’Algérino s’est produit quelques heures sur le site du Mc Do. « Il y avait un fort encadrement. Nous avons travaillé au dispositif avec les pompiers, pour respecter les mesures sanitaires et la distanciation sociale. Tout le monde portait des masques », raconte le bénévole. « Il faut redonner de la joie et des perspectives d’avenir ».