Alors que les conseillers municipaux élus dès le premier tour font leur installation cette semaine pour élire leur maire, la tenue du second tour fin juin dans les villes où le premier tour n’a pas été décisif, est suspendue à l’avis du conseil scientifique qui aurait rendu un avis favorable.
Quand pourra se tenir le second tour des élections municipales ? L’hypothèse d’un second tour à la fin du mois de juin semble faire un retour en force. Le conseil scientifique a remis hier soir son rapport pour la tenue du second tour au Premier ministre, dans les 4 897 communes où le premier tour n’a pas été décisif, le 15 mars dernier. S’il ne s’oppose pas à ce que le scrutin se tienne dans les prochaines semaines, il préconise toutefois une évaluation de la situation 15 jours avant la date qui sera fixée par l’exécutif (lire par ailleurs).
Un document sur lequel va s’appuyer Édouard Philippe pour décider du processus électoral à suivre, dans un contexte de crise sanitaire, économique et sociale. Dans la perspective d’autres élections au printemps prochain (départementales et régionales), certains élus appellent à clore ce – trop long – chapitre des municipales.
François Baroin, président de l’Association des maires de France et maire (LR) de Troyes est « favorable » à « terminer le scrutin fin juin », a-t-il indiqué hier matin sur Europe 1, « si les experts considèrent que l’épidémie est en quelque sorte sous contrôle, que le cadre protecteur de l’organisation des bureaux de vote permet une mobilisation électorale ».
Dans les Bouches-du-Rhône, 89 communes ont élu leur conseil municipal au premier tour dans les Bouches-du-Rhône. Il reste 37 communes, dont les 8 secteurs de Marseille. Même s’ils devront se plier à la décision du gouvernement, les candidats à l’Hôtel de Ville sont majoritairement défavorables au scrutin fin juin. Conditions sanitaires, souvenir d’un premier tour chaotique, abstention record, campagne inexistante… les arguments avancés avancés sont nombreux.
Le spectre du premier tour
Avec 10,7 % au premier tour, Bruno Gilles reste sur ses positions du début de confinement. À savoir, un report des élections municipales en mars 2021. C’est d’ailleurs une demande que le candidat sans étiquette (ex-LR) a formulée dans un courrier adressé au président de la République, début avril. « La vie démocratique doit perdurer, mais elle nécessite de l’apaisement et de la sérénité, tant pour les citoyens que pour les candidats ou les élus », écrit-il; jugeant « opportun » de retourner aux urnes l’année prochaine, année de renouvellement des assemblées délibérantes d’autres collectivités territoriales : les élections départementales en mars, les élections sénatoriales en septembre et les élections régionales en décembre. « La vie ne s’est pas arrêtée en 2007-2008 lorsque les élections ont été prorogées d’un an, mais la décision avait été prise immédiatement, confie le candidat. Aujourd’hui, c’est plus compliqué. Le Président aurait dû prendre la décision du renvoi en mars et le soin au Conseil d’État de trancher sur les résultats ».
Le sénateur des Bouches-du-Rhône soulève, par ailleurs, la prorogation de la loi sur l’état d’urgence qui pour l’heure « empêche toute élection de se tenir ». Pour convoquer le second tour des élections le 21 ou le 28 juin, le gouvernement devra prendre un décret au plus tard le 27 mai.
Le candidat n’envisage pas de faire la « grève des élections », pour autant, il ne veut pas « revivre le dimanche du premier tour ». Il juge impossible de maintenir un bon niveau d’état sanitaire sur l’ensemble des bureaux de vote, qui plus est au sein des écoles de la ville. Il préconise des lieux plus spacieux, comme les halls du parc Chanot qui permettent de « contrôler les entrées et les sorties, et de ceux qui ne viennent que pour voter, insiste-t-il. Je demanderai au préfet d’avoir un œil plus qu’attentif, mais est-ce que ça vaut le coup de prendre des risques inutiles ? », s’interroge-t-il, avançant que les électeurs ont d’autres priorités.
Même avec des conditions d’encadrement drastiques, les électeurs retourneront-ils aux urnes ? « Je ne suis pas sûr que nos concitoyens aient comme premier objectif de réfléchir à ces élections municipales », avance Yvon Berland, candidat soutenu par La République en marche (7,88%), pour qui un second tour fin juin serait « trop précoce ». Il estime d’ailleurs que le maintien du premier tour était « une erreur » et « incompréhensible » au regard des annonces du président de la République.
Le candidat doute que « dans un mois, nos concitoyens soient dans l’état d’esprit de se rendre aux urnes», et craint « une forte abstention, car il y a encore beaucoup d’inquiétudes. Ceux qui vont voter ce sont les supporters, mais pas l’ensemble des citoyens ». Yvon Berland penche pour un report à l’automne, en fonction de l’évolution de la situation : « il faut attendre que nos concitoyens se remettent dans une vie sociale normale, c’est le bon sens qui voudrait que l’on fasse comme ça ».
« Déconfiner la démocratie locale »
Difficile aussi d’imaginer (re)faire campagne d’ici fin juin, tout en respectant les mesures de distanciations sociales lors du tractage, avec les masques, sans apéro à domicile ou grand rassemblement. « Aller voir des gens pour leur parler de nos histoires de campagne ce n’est pas leur souci », avance aussi Yvon Berland. Ils ont envie d’être préservés, sortir de ce cauchemar. Retrouvons une vie sociale, une vie aussi de tout le secteur économique, les politiques ont fait une fois une erreur, il n’en faut pas deux », reprend le néphrologue, qui a contracté le Covid-19 début mars. Comme lui, Martine Vassal positive au coronavirus, a mis quelque temps à s’en remettre.
La candidate (LR) à la mairie de Marseille (arrivée en seconde position au premier tour 22,32%) plaide, elle, pour un scrutin avant l’été, « dans le respect de mesures sanitaires strictes. À partir du moment où les écoles sont ouvertes, que les commerces fonctionnent, que l’on peut se déplacer, en tenant compte de la distanciation sociale, il est possible d’organiser le second tour », exprime-t-elle. Une manière de sortir de cette situation de paralysie et faire repartir l’activité économique gelée. « Ne transformons pas le confinement sanitaire en un confinement démocratique qui serait néfaste à l’avenir de la France », écrit-elle d’ailleurs dans une tribune parue dans le JJD dimanche, aux côtés de la maire de Paris Anne Hidalgo, et des maires de Nice et de Bordeaux Christian Estrosi et Nicolas Florian. En revanche, pas de stratégie pour mener une campagne éclair. « Chaque chose en son temps. Je me suis concentrée sur la crise sanitaire, il sera temps de voir comment procéder lorsque la décision sera prise », ajoute la présidente du Département et de la Métropole.
« Déconfiner la démocratie locale si les conditions sanitaires le permettent ». Ce sont aussi les mots utilisés par Sébastien Barles (EELV). Pour le candidat de Debout Marseille ! liste écologiste et citoyenne, qui a rassemblé 8,10% des suffrages au premier tour, les Marseillais sont pris entre deux feux : « celui d’en finir au plus vite avec des dirigeants locaux qui ont participé à l’effondrement de notre ville, la crise sanitaire et sociale accentue cette inconséquence et la nécessité de mettre de nouveaux dirigeants volontaristes pour relever notre ville. Et celui de ne pas recommencer l’erreur du premier tour qui s’est tenu dans des conditions dangereuses pour la santé de nos concitoyens ». Il a annoncé hier qu’il soutiendra la candidate du Printemps marseillais à la mairie de Marseille pour le second tour des municipales.
Expérimenter le vote par correspondance
Pour l’organisation d’un second tour fin juin, lui préconise l’expérimentation « d’autres méthodes pour éviter l’abstention massive et le risque sanitaire comme le vote par correspondance à l’instar de ce qu’on fait les Suisses. L’impératif de santé doit primer sur le reste ».
Même état d’esprit chez Michèle Rubirola. Arrivée en tête au premier tour des élections, avec 23,44 %, la tête de liste du Printemps marseillais (rassemblement de forces de gauches), aimerait voir ce chapitre se refermer, mais pas au détriment de la santé et la vie des concitoyens. Elle estime qu’il n’y a pas « suffisamment de recul sur la maladie. Si nous devions organiser le second tour fin juin, il faudra un encadrement drastique », assure-t-elle.
Mais qui pour encadrer ? Chez certains candidats, assesseurs et bénévoles ont déjà fait savoir qu’ils ne retourneraient pas au front une seconde fois. Ce qui fait dire à Stéphane Ravier, candidat RN (19,45%) que les conditions pour l’organisation d’un second tour ne sont pas réunies. « Ça va être difficile de convaincre les personnes de rester toute la journée pour tenir les bureaux ». Pour lui, « les loupés des réouvertures des écoles marseillaises » n’augurent rien de « mieux » pour l’ensemble des bureaux de vote de la ville. « J’ai la conviction que ce second tour ne mobilisera pas les électeurs et que nous allons vers une abstention record. Ce ne sera pas la priorité des électeurs. On commence à entrer dans les conséquences sociales de la crise, et on aura bien d’autres soucis en tête que d’aller assurer l’avenir électoral pour six ans de quelques personnes ».
Verdict dans les prochains jours
Et d’enfoncer le clou : « le déconfinement démocratique, il a eu lieu le 15 mars. Ce premier tour est complètement bancal. La démocratie en a pris un coup, je crains que cela soit la même démarche ». Le sénateur des Bouches-du-Rhône préfère un report à l’automne, « pour que les électeurs soient libérés de toute phobie, et des conséquences encore possibles de l’épidémie, et surtout qu’ils aient envie d’aller voter. Là, ce n’est pas leur priorité. »
Samia Ghali, candidate sans étiquette Marseille avant tout (6,41%) n’a pas répondu à nos sollicitations.
Dans son avis rendu le 18 mars, le Conseil d’État jugeait impératif que le report du second tour soit « strictement encadré dans le temps » et que le retour aux urnes se tienne « dans un délai de trois mois ». Soit avant la fin du mois de juin. Dans le cas inverse, par exemple en cas de report après l’été, il faudrait refaire les deux tours dans les 4 897 communes concernées. Le gouvernement doit trancher d’ici au 27 mai.