Comment concilier la situation sanitaire avec des lieux où la convivialité rime avec promiscuité ? Le syndicat des activités événementielles, créé il y a quelques semaines à Marseille pour sauver la filière, planche sur 8 protocoles sanitaires. Entretien avec Cédric Angelone, co-fondateur du SAE.

Depuis maintenant deux mois, les professionnels des métiers de l’événementiel subissent de plein fouet la crise du Covid-19 avec le gel complet de leur activité.

Il y a quelques semaines, un Syndicat des activités événementielles (SAE) a vu le jour à Marseille, co-fondé par Cédric Angelone, de l’Agence Artkom et Éric Algoud, de Médiacom. « On s’est rendu compte que la filière était très éclatée et des gens ne se reconnaissaient pas forcément dans des syndicats de métiers. Nous, on a décidé d’être un syndicat de filières, avec cet objectif, si ce n’est de pouvoir représenter tout le monde, d’être le porte-voix de gens que l’on n’entendait pas forcément à chaque fois », explique Cédric Angelone.

L’ambition est de protéger les indépendants, les TPE-PME qui composent majoritairement la filière événementielle et qui courent un risque imminent de faillite si aucune solution concrète n’est apportée.

Sur la période de mars à juin 2020, le syndicat a évalué les pertes à 110 millions d’euros. Le mouvement fédère aujourd’hui plus de 250 entreprises de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur mais aussi venant d’autres métropoles. Un chiffre qui représente plus de 2000 emplois, dont 87% des salariés touchés par le chômage partiel.

Priorité n°1 : exonération des obligations sociales

La mise en place d’une plateforme de travail digitalisée a permis aux membres d’exprimer leurs besoins prioritaires pour résister à la crise.

La première revendication porte sur l’exonération des obligations sociales pour l’année 2020 et une réévaluation sur le premier semestre 2021, la prolongation du chômage partiel et sa prise en charge : « On sait très bien que la filière ne va pas se relancer comme ça d’un claquement de doigts, donc il faut que l’on ait le temps d’attendre, déclare Cédric Angelone. Si on est libéré de la charge des salaires, on pourra garder nos salariés dans les entreprises et attendre en travaillant à la relance de notre activité, et ce même si dans ces métiers beaucoup sont leurs propres patrons et n’ont pas de collaborateurs ».

Le report complémentaire des échéances d’emprunts ; la transformation du Prêt garanti par l’État en crédit longue durée sectoriel remboursable sur 8 ans, avec un différé de 24 mois ; l’exonération de loyers pour les Établissements recevant du public pour des événements type foires, salons, congrès… sous contrat avec l’État sont également des demandes fortes de la profession.

Quatre commissions de travail pour des solutions adaptées

Parallèlement, le mouvement, à la fois vecteur de proposition et caisse de résonance, s’est organisé en trois commissions : « sourcing locale », « organisations et financements », « communication et rayonnement » et enfin « gestion et prévention des risques ».

La commission « sourcing local » a été mise en place pour trouver des solutions dans le cadre de la reprise, avec pour mission première de trouver des équipements (masques et gants) « plutôt bien acheté et acheter localement ». Le deuxième enjeu sera « de faire en sorte que les membres travaillent entre eux ».

La commission « organisation et financement», elle, garde un œil très attentif pour vérifier que les subventions accordées par les collectivités bénéficient au secteur. « On veut être certain que la subvention qui va être versée va bien perler sur la filière. Si le producteur du festival encaisse l’argent, mais qu’il ne reverse pas à ses prestataires, ça ne nourrit pas la filière. Donc on essaie aussi d’insérer cette idée dans l’écosystème. Il faut de la visibilité ».

Tous les retours d’expérience et décisions prises à l’échelle nationale ou des territoires transitent par la cellule « communication et rayonnement ».

« Notre filière a appris à gérer les risques »

Enfin, la commission « gestion et prévention des risques » travaille activement sur le plan de relance. Un comité d’experts de 28 membres planche notamment sur la mise en œuvre de huit protocoles sanitaires en fonction des jauges (moins de 10, – de 150 etc…) en intérieur comme en extérieur. « C’est aujourd’hui l’axe majeur et essentiel. Nous ne voulons pas être sous perfusion. On veut commencer à travailler le plus tôt possible, mais on doit assurer la sécurité de nos collaborateurs, des clients qui produisent les événements et des spectateurs. Un producteur de concert, par exemple, doit assurer à ses sponsors une véritable sécurité pour le public », reprend Cédric Angelone. Notre filière de manière générale a appris à gérer le risque. Le risque technique, foule, le risque météorologique. Il y a dix ans, nous avons appris à gérer le risque attentat. Aujourd’hui, le risque sanitaire fait partie intégrante de l’équation et on va aussi apprendre à le gérer ».

Le syndicat travaille en étroite collaboration avec les institutions, la région en tête, également avec la préfecture des Bouches-du-Rhône, la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence et du pays d’Arles. « Notre job à ce stade est de mettre sur la table un certain nombre d’idées et de propositions et de montrer aussi à quel point il est essentiel pour la reprise de nos activités de travailler sur cet angle-là, car encore une fois on a été les premiers à fermer, et on sera certainement les derniers à rouvrir. On ne veut pas être absent d’une quelconque décision parce que l’heure est grave ».

Quels types de festivals pour demain ?

Le SAE travaille aussi sur  une « charte d’engagement » des événements de demain : viraux, vertueux, défendant un certain nombre de valeurs… il y a nécessité de « réinventer une partie de l’événementiel, assure Cédric Angelone. De ce fait, on ne pourra plus raconter la même chose à nos clients, nos sponsors… il va falloir que l’on réinvente un certain nombre de choses. Et on va encourager les institutionnels à signer ce principe », reprend le chef d’entreprise.

Il nourrit l’espoir que le SAE devienne même une marque, un « label » de confiance. « Quand tu es labellisé SAE, c’est que tu fais correctement les choses, que tu fais appel au savoir-faire français, que tu es un événementiel responsable… »

La réinvention des événements pourrait également passer par la digitalisation ou des modèles plus étendus évitant la concentration massive des foules… « C’est très probable que des moments soient sanctuarisés, que tout ce qui est un peu accessoire soit digitalisé et donner plus de sens et de temps à ce qui est important ». 

Lors de la présentation des orientations du plan de sauvetage pour la culture, ce mercredi, Emmanuel Macron a insisté sur cette notion de « réinventer » la forme.

Mais la réinvention passe aussi par un impératif : intégrer cette nouvelle dimension de risque sanitaire, « parce qu’on ne va pas attendre qu’on ait trouvé un vaccin pour recommencer à faire des événements ».

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