C’est une première mondiale. Il y a 8 mois, les quatre confinés volontaires de l’expédition Planète Méditerranée s’immergeaient dans les profondeurs de la Méditerranée, entre Marseille et Monaco. Cette épopée scientifique, qui a permis des observations inédites, dévoile aujourd’hui ses premières images avant sa diffusion prochainement sur Arte.
Gombessa V « Planète Méditerranée ». Une mission de grande envergure alliant recherches scientifiques sur l’environnement marin et performances techniques et sportives.
Après plusieurs campagnes de plongée profondes autour du monde nommées « Gombessa expéditions », avec le cœlacanthe en Afrique du Sud, pour étudier la reproduction des mérous en Polynésie Française, les eaux profondes de l’Antarctique ou encore les chasses de requins gris en Polynésie Française, Laurent Ballesta a mené en juillet 2019 une nouvelle grande expédition en Méditerranée Gombessa V.
Etudier, illustrer et faire connaître la partie méconnue des richesses sous-marines de la Méditerranée : c’est le défi que s’est lancé Laurent Ballesta, célèbre photographe sous-marin, biologiste et chef d’expédition. Laurent Ballesta est une espèce rare d’explorateur qui repousse les limites de la plongée par amour de l’océan et pour la science.
C’est cette passion qui l’a poussé à repartir en expédition entre Marseille et Monaco pour vivre avec trois compagnons de route : Antonin Guilbert, biologiste et plongeur professionnel, Thibault Rauby, plongeur instructeur et assistant éclairagiste, une référence en termes de « plongée tech » et Yannick Gentil, plongeur cadreur, qui a suivi les précédentes expéditions.
Un défi technique et sportif
Les quatre plongeurs ont vécu une expérience inédite : habiter pendant 28 jours (du 1er juillet au 28 juillet 2019) dans une station bathyale*, un caisson pressurisé de 5m2, à une pression 13 fois supérieure à la pression habituelle, afin d’explorer sans limites la zone des 100 mètres et révéler les fonds luxuriants et encore méconnus de la Méditerranée. « Si plonger à de telles profondeurs est toujours un challenge, y séjourner est un fantasme, une utopie qui devient réalité, avait indiqué Laurent Ballesta, avant l’expédition. Au regard de mes expéditions précédentes, je crois que ce projet est à la fois le plus ambitieux mais aussi le plus proche puisqu’il se passe en Méditerranée. En matière de performances techniques et sportives, il s’agit là d’une première mondiale, et je pèse mes mots quand je le dis », expliquait alors Laurent Ballesta qui attendait d’avoir de tels moyens d’exploration depuis près de 20 ans.
Difficiles d’accès, les fonds marins et les récifs coralligènes de la Méditerranée sont mal connus des biologistes et pourtant ils sont devenus des refuges pour la biodiversité. L’idée de l’expédition était de parcourir un maximum de sites, en restant 1 à 2 jours, entre Marseille et Monaco, soit près de 300 kms de littoral.
Quatre zones d’exploration
L’expédition s’est découpée en quatre zones d’exploration, avec chacune ses enjeux et découvertes. De Marseille à Bandol : « Les Impériaux de Riou (de 60 à 80 m) » au cœur du Parc National des Calanques, des remontées rocheuses depuis les grandes profondeurs jusqu’à la surface des îles de Marseille ; « le banc des Blauquières et le banc de l’Esquine (de 70 à 200 m) », la plus belle forêt de corail noir et la plus grande concentration d’oursins crayons jamais croisés lors de leur prospection, « l’épave du Natal », au large de Marseille (120 m), paquebot de 130 m de long qui sombra lors d’une collision avec un cargo en 1917.
La zone 2 s’étendait de Carqueiranne à Saint-Tropez, avec 8 sites d’exploration, comme l’îlot de la Gabinière ou le banc de Magaud ; la zone 3 de Sainte-Maxime à Antibes et la dernière d’Antibes à Monaco.
L’expédition « Planète Méditerranée » a ainsi permis aux plongeurs de les découvrir sans limite de temps et de mettre en place des protocoles scientifiques, supervisés par une équipe de chercheurs de différentes disciplines et nationalités : cartographies, analyses des écosystèmes, recherches d’espèces rares, études des niveaux de pollution en Méditerranée…
L’Agence de l’eau leur a confié et financé la mission de mettre en place un réseau de surveillance de ces écosystèmes profonds : « Le projet est extraordinaire, au sens strict du terme, c’est-à-dire, qu’il n’est pas ordinaire et que jamais auparavant ces écosystèmes à la fois lointains car inaccessibles et tout proches n’ont pu être étudiés et illustrés de la sorte. Les résultats scientifiques seront forcément pertinents et les images d’un exotisme rare », assurait l’explorateur. (lire encadré sur les premiers résultats)
L’expédition a également permis d’ouvrir de nouvelles perspectives pour l’archéologie. Les plongeurs devaient explorer quelques épaves et y exécuter des travaux simples, que ni hommes ni robots n’ont pu réaliser jusqu’à présent.
Un séjour à huis clos
Les enjeux de l’expédition étaient aussi physiologiques : les 4 plongeurs sont restés 28 jours dans la station bathyale, à une pression 13 fois supérieure à la pression habituelle. Cette expérience n’a jamais été étudiée dans des situations réelles et opérationnelles. Si la plongée à saturation a permis de rendre le projet viable, elle reste considérée comme un milieu extrême pour l’homme.
Lors de l’expédition, les plongeurs ont respiré un mélange gazeux inhabituel composé majoritairement d’hélium (90%) et seulement de 2% d’oxygène. Ils ont été suivis quotidiennement pour affirmer que ces valeurs gazeuses n’altèrent pas leur santé.
Les plongeurs ont également vécu une expérience nouvelle : celle de la cohabitation près d’un mois dans un confinement extrême. Ils ont vécu dans un espace de vie de 5 m2 contenant deux lits superposés, une petite table et quelques étagères.
L’état nutritionnel et l’hydratation étaient bons et stables grâce à l’attention portée aux plongeurs et malgré les fortes chaleurs. Les chutes de masse musculaire attendues n’ont pas été observées sauf pour un plongeur habitué à un programme d’entrainement physique intense en dehors de l’expérience en saturation
Des images exceptionnelles
Peut-on encore produire des images inédites en Méditerranée ? Existe-t-il encore des surprises à dévoiler ? Ces questions étaient le moteur de Gombessa V « Planète Méditerranée ». De fait, l’expédition était également une promesse d’images exceptionnelles.
Avant tout photographe marin, Laurent Ballesta en a profité pour réaliser des clichés inédits des fonds marins et restituer pour la première fois l’intégralité des récifs en modélisation 3D, grâce à l’utilisation de la photogrammétrie sous-marine.
Puis « Planète Méditerranée », comme les précédentes expéditions de Laurent Ballesta, a fait l’objet d’un documentaire dont voici les premières images qui tiennent toutes leurs promesses !
*En référence à la zone bathyale qui désigne en océanologie les grandes profondeurs (+200 m), juste avant la zone abyssale.