Jean-Claude Gaudin, toujours en poste à la tête de la ville de Marseille suite au report des élections municipales, a donné son accord à tous les maires de secteur qui souhaiteraient procéder à des dépistages du Covid-19 dans les locaux de leur mairie. Mais, la mise en place d’un tel dispositif n’est pas aussi simple.

Le maire (LR) du 6e et 8e arrondissements, Yves Moraine, l’a déjà initié en partenariat avec Alphabio. Le laboratoire situé à l’Hôpital européen de Marseille, est spécialisé en biologie moléculaire, principalement appliquée à l’étude des virus et ses applications diagnostiques et thérapeutiques. Ainsi, dès demain, la mairie de Bagatelle ouvrira ses portes au personnel de ce laboratoire qui viendra pratiquer ces dépistages, dans un strict respect des mesures sanitaires sur rendez-vous uniquement.

Atteint du Covid-19, Yves Moraine s’est rendu en dix jours cinq fois à l’IHU. « Je suis fan de la démarche globale qui consiste à dépister, isoler et traiter, et l’établissement ne pourra pas faire face à la totalité de la demande », explique le maire « non seulement guéri, mais aussi immunisé ». L’idée a ainsi germé d’offrir à la population un maximum de points de dépistages, pour répondre à cet appel de l’OMS « Testez, testez, testez ! ». « Dans ma tête, comme la date de sortie du confinement dépend beaucoup de notre capacité à dépister, j’ai pensé à cette solution que j’ai proposé au directeur du laboratoire, qui n’est autre que directeur l’hôpital européen, qui a accepté ».


A lire aussi


Tout ce que relève du médical sera ainsi assuré par le laboratoire. « Nous mettons à disposition un agent pour la surveillance du parc, d’autres pour gérer les flux ». Des étudiants de l’école de médecine devraient également venir prêter main forte, notamment pour renseigner le public. L’élu sera également sur place « pour faire face aux impondérables ». Après ces deux matinées d’essais, mardi et mercredi, quatre autres suivront la semaine prochaine.

Une opération non-commerciale assure Yves Moraine « déjà par rapport aux moyens engagés sur place par le laboratoire. Et s’il y devait y avoir bénéfices, ils seraient reversés à une association humanitaire, pour la recherche ou même à l’IHU », assure le maire. Il se dit prêt à signer une convention avec un autre laboratoire, « car le lieu, nous l’avons et les créneaux de l’après-midi ne sont pas utilisés ».

Pas seulement dans les mairies de secteur

Sur le même modèle, d’autres mairies de secteur envisagent de mettre en place un pôle de dépistage. Lisette Narducci a donné son accord de principe, et a commencé à passer quelques coups de fil. Le maire (PRG) des 2e et 3e arrondissements, s’est mise en relation, avec le laboratoire de l’Hôpital européen. « Nous sommes pour l’instant dans la phase de faisabilité, car cela nécessite d’importants moyens logistiques », assure l’élue, qui explique également n’avoir reçu aucune indication ou information de la Ville, pour installer un tel dispositif.

Dans le cas d’un feu vert du laboratoire, elle prévoit de faire installer les sites sur les deux arrondissements : au centre de loisirs Saint-Mauront, car il dispose d’un espace ouvert. Le second, à la mairie de secteur, qui bénéficie d’un grand parvis. « L’idée de ces lieux est de répondre aux préconisations sanitaires du gouvernement. En plus des garanties d’accueil dans des conditions strictes, ils permettent aussi d’éviter les longs déplacements ».

En attendant, elle poursuit comme d’autres maires, l’accompagnement social, avec la mise en place de livraisons à domicile, avec une chaîne de grande distribution, un partenariat avec les Restos du coeur, pour un service toute la semaine, dans le 2e et le 3e. Un centre-aéré ouvrira ses portes pour accueillir les enfants des personnels soignants le week-end. « Ça leur permettra de faire des activités, et parfois pour les parents une petite pause pour souffler ».

Dans le 13e et 14e, les choses avancent. La maire (RN) Sandrine d’Angio a pris attache avec ce même laboratoire Alphabio. Les discussions bien engagées puisque le responsable doit se rendre à la mairie de secteur dès demain, pour déterminer la mise en oeuvre d’un tel dispositif. Là pas de tentes.

La mairie des 13-14 dispose de loges qui forment des boxs indépendants permettant de recevoir le public dans de bonnes conditions, selon un circuit prédéfini, puisqu’on peut entrer par un point A et sortir à point B, sans avoir à repasser par l’entrée et se croiser dans la file d’attente. « Je pense qu’il ne devrait pas y avoir de problèmes compte tenu de la configuration des locaux, avec ces alcôves et ce grand couloir, cela nous permet de garantir une fluidité de la circulation », assure Sandrine d’Angio.

Distance d’au moins un mètre requis et barrières viendront encadrer la file. Le parking et, le cas échéant, le parc du Grand Séminaire pourront être mobilisés. A la mairie, on garde toutefois la tête froide, pour garantir une sécurité optimum. Le maire a également fait appel à une société de nettoyage pour intervenir dans les locaux, après chaque session.

Si le laboratoire conclut à sa faisabilité, la zone de dépistages pourrait ouvrir en fin de semaine. C’est ce qu’espère le maire. « Cela dépendra du laboratoire, mais nous serons prêt de notre côté ». Si l’expérience est convaincante, d’autres lieux peuvent être transformés, comme les centres d’animation à Saint-Mitre ou encore à La Bartarelle. « Comme, les centres sont fermés depuis le 16 mars, nous pourrions éventuellement mettre en place d’autres points de dépistage pour être au plus près de la demande ».

Un « drive » dans le 11&12

À la mairie du 11-12, Julien Ravier (LR) opterait pour une zone « drive », qui permet de ne pas sortir de son véhicule. Là aussi, le temps est au calage. « Nous travaillons avec deux laboratoires. L’un, situé aux Caillols a mis en place une zone drive sur le domaine privé. Nous allons l’aider et soutenir sa démarche, déjà en faisant le relai, puis en installant un barnum pour abriter les « préleveurs » ».

Un second laboratoire a pris contact avec la mairie de secteur pour demander l’autorisation d’occupation du domaine public pour installer un point de dépistages. Julien Ravier a décidé de mettre à disposition le parking public situé devant la mairie pour un espace drive. Cette zone sera intégralement gérée par le laboratoire, avec prise de rendez-vous au préalable et comme pour toutes les zones, sur prescriptions médicales deux après-midi par semaine. « Ce pourrait être mardi et jeudi. Cela permet d’avoir un point de visibilité et le système du drive permet d’encourager les gens à se faire dépister le plus vite et le plus simplement possible. C’est sécurisé et sécurisant, car on peut conserver un maximum de distanciation sociale pour les « préleveurs » et le public ».

Parallèlement, « car le but n’est pas faire de favoritisme », le maire communiquera sur les laboratoires de son secteur qui réalisent des tests Covid-19.

Dans le 11&12, un numéro vert a été mis en place pour venir en aide aux personnes qui rencontrent des difficultés pendant le confinement. « S’en est suivie une grande chaîne de solidarité avec des dons de produits de première nécessité par nos nombreux partenaires et des livraisons que j’effectue moi-même avec les équipes », explique le maire, en sortant d’Arkema. L’entreprise située à la Loubière lui a remis des sur-combinaisons intégrales et des charlottes. « Elles ne sont pas adaptées au personnel soignant, mais plutôt pour les personnes qui travaillent en extérieur. Nous allons voir où elles seraient le plus utiles, au bataillon des marins-pompiers, par exemple ».

« Centre Covid 1-7», salle des Lices

Dans le 1-7, Sabine Bernasoni (LR) étudie également la question. La mairie a décidé d’ouvrir un centre dédié à cette opération. Baptisé « Centre Covid 1-7 », il se situe salle des Lices, au 12 rue des Lices dans le 7ème. « L’accueil se fait uniquement sur rendez-vous. Il sera ouvert du lundi au vendredi avec une ouverture dès ce vendredi 10 avril 2020. Les patients bénéficieront d’un dépistage et/ou d’une prise en charge par des personnels de santé. Aucun médicament ne sera en revanche délivré sur place. »

, A Marseille, les mairies de secteurs préparent l’ouverture de leurs centres de dépistage, Made in Marseille

« Dépister oui, mais… ! »

« Dépister oui, mais…! » Tel est le credo de Lionel Royer-Perreaut. Le maire LR du 9-10 plaide et défend la généralisation des tests Covid-10, et encourage toutes les initiatives qui permettraient de faciliter les dépistages, notamment dans les zones rurales, mais il n’est pas disposé à faire de « Maison Blanche un centre de tests, sauf à ce qu’il soit désintéressé et piloté par l’Assistance publique ou une structure de type fondation, par exemple ».

Pour lui, un maire d’arrondissement n’a aucune légitimité pour « choisir un laboratoire plutôt qu’un autre, laboratoire qui je le rappelle accomplit un acte rémunéré sur la base d’une ordonnance délivrée par un médecin généraliste, comme lorsque l’on se rend dans un laboratoire classique. Organiser une opération de cette nature dans un lieu aussi symbolique qu’une mairie a du sens. Cela signifie que nous lui donnons une caution morale et même humanitaire », explique l’élu.

Il préfère mettre en avant les structures, telles que l’IHU du Pr Raoult, « qui œuvre sans relâche pour permettre à tous les Marseillais de pouvoir être dépistés, mais aussi suivis et très souvent guéris, comme j’ai pu l’être », ou encore le réseau hospitalier public comme privé « qui joue également un rôle important dans la lutte contre cette pandémie ». Ainsi que le maillage « non-négligeable de laboratoires d’analyse médicale qui pratiquent (le plus souvent en drive) les tests et leurs analyses ».

Manque d’espace

Pas si simple, en effet, de mettre en place ce type de dispositif, répondant à des règles sanitaires strictes, en encore plus lorsqu’on ne dispose pas d’espace suffisant pour garantir un accueil encadré des patients. Dans le 4/5e arrondissements, Marine Pustorino est dans ce cas de figure. « Nous avons contacté plusieurs laboratoires qui nous ont fait part de leur mécontentement et qui estiment que c’est compliqué à mettre en oeuvre, en termes de logistique », explique le maire LR.

Les laboratoires qui répondent présent doivent délocaliser leur personnel sur place, et être en mesure d’avoir les consommables nécessaires, les appareils, mais aussi l’équipement, à savoir gants et masques… sans compter que les tentes, lorsqu’elles sont dressées pour recevoir le public, doivent être désinfectés toutes les trois heures.

Dans les 4&5, l’autre problème : c’est le manque de place. « Nous n’avons pas la chance d’avoir un grand parc. Si on met en place ce type de zone, il faudrait que l’on soit sur la route, devant la mairie, et je ne crois pas que ce soit une solution idéale. Il faut que cela soit encadré. Qui va faire la circulation ? Garantir le bon déroulement des choses ?», interroge l’élue. Comme Lionel Royer-Perreaut, elle envisage de communiquer, avec leur accord, la liste des laboratoires privés qui effectuent des tests de dépistage Covid-19. « Nous ne sommes pas médecins, et encore moins, éminent infectiologue, nous devons, nous les maires, jouer le rôle de facilitateur auprès de la population ».

La mairie de secteur des 15 et 16ème arrondissements de Marseille est, elle aussi, favorable et prête à apporter aide et soutien face à cette pandémie, notamment avec l’installation de centres de dépistages au sein des bâtiments communaux. « Cependant, force est de constater qu’à l’heure actuelle, nous ne disposons pas des moyens humains, techniques et matériels pour réaliser une opération, hors de nos compétences, explique le maire Roger Ruzé. Nous avons la volonté de participer activement à la logistique et à l’organisation de ce dispositif mais il est nécessaire que cela soit placé sous l’autorité du maire de Marseille, du préfet et de l’Agence Régionale de la Santé.»

Le maire préconise la mise en place d’une visio-conférence afin que l’ensemble des mairies de secteurs soient informées, alertées et puissent participer à ce dispositif, « pour que l’ensemble des Marseillais et Marseillaises soient à l’unisson. Nous sommes prêts à participer à ses actions dans la limite de nos propres moyens et avec une garantie de protection maximum pour les agents municipaux qui seront en première ligne pour accompagner l’organisation de ce dispositif. »

L’engagement des laboratoires privés

Beaucoup de biologistes médicaux privés veulent s’engager dans la bataille contre l’épidémie et ne comprennent pas d’être aussi peu sollicités par les autorités sanitaires, en particulier pour la phase à venir de sortie de confinement. Le Syndicat des biologistes (SDB), soutenu par les laboratoires des groupes LBI, Inovie, Biogroup LCD et Laborizon, a adressé, le 31 mars, une lettre ouverte au Premier ministre et au ministre de la Santé, pour « une proposition forte de participation à la guerre contre le Covid-19 ».

Les biologistes médicaux privés proposent au gouvernement de mettre leur force de frappe à disposition de cette vaste opération qui doit être réalisée « dans les meilleures conditions médicales et techniques. Il paraîtrait extrêmement dommageable que le gouvernement se prive de l’expertise et du maillage territorial des biologistes médicaux et de leurs laboratoires de biologie médicale, dont leurs 4 200 sites sont répartis sur tout le territoire. Les 7500 biologistes médicaux du territoire et leurs équipes sont des professionnels de santé aguerris immédiatement disponibles, ayant aussi une formation en virologie. Ils sont rompus à ces prélèvements d’échantillons biologiques divers, à leurs analyses. La qualité de leurs laboratoires et de leurs pratiques est accréditée par le Comité français d’accréditation (Cofrac) sous la norme ISO15189.»

Bouton retour en haut de la page

NEWSLETTER

Recevez le meilleur de l'actualité de la semaine gratuitement !