Longtemps pressenti pour incarner la tête de liste du Printemps Marseillais, mouvement d’union de la gauche aux élections municipales de mars prochain à Marseille, le socialiste Benoît Payan vient de renoncer au profit de l’écologiste Michèle Rubirola. Plus libre que jamais, il se livre sans concession.
Il a gardé le silence longtemps. Lui qui a pourtant l’habitude de faire entendre sa voix, notamment dans l’hémicycle municipal et sur les réseaux sociaux. Benoît Payan a toujours mis un point d’honneur à défendre ses idées.
Ces dernières semaines, le socialiste a encaissé les coups souvent de son propre camp. Et là encore, il en a pris l’habitude. Mais ceux-là ne résonnent pas de la même manière. Au sein du Printemps Marseillais, cette coalition entre partis de gauche (PS, LFI, PCF, Generation.s, des membres d’EELV…), collectifs citoyens et syndicats, le choix de Benoît Payan pour mener la liste pour les élections de mars 2020, était devenu une évidence mais aussi pour certains le point de crispation de l’union des forces de gauche.
« J’ai fait le choix de mes convictions »
Ostracisé par une partie des Insoumis, leur chef en-tête, il était aussi devenu un « prétexte », soulignent certains, pour EELV et son candidat pour ne pas rejoindre la dynamique de rassemblement enclenchée par le Printemps Marseillais.
Alors au choix de l’ambition – « et j’en ai pour moi-même » et il ne s’en cache pas – Benoît Payan a fait le choix de ses convictions, en renonçant à être tête de liste.
Je sais que l’espoir arrive, l’espoir est là !
Le rassemblement est possible, et au Printemps, l’espoir va gagner !https://t.co/DUKxbXlMUC
— Benoît Payan (@BenoitPayan) January 6, 2020
« Marseille est plus importante que moi. Ce à quoi j’aspire va au-delà de ma personne. Ma carrière ne vaut rien comparée au devoir de ce que je dois faire pour cette ville. Je n’avais pas le droit d’être prisonnier de ces gens et de leurs jeux politiciens, je n’accepte pas de servir d’alibi malhonnête à des gens qui, s’il s’en cachent, ne sont que les héritiers du système en le reproduisant».
Le voilà, libéré de ses chaînes. « Je veux rester un homme libre et responsable », sans être réduit à « n’être que le représentant de mon propre parti ».
Voilà pourquoi, entre Noël et le jour de l’an, dans un moment d’introspection, puis entouré de ses proches, et « face au destin de cette ville », il s’est décidé à prendre ses responsabilités et ne « pas servir les petites ambitions cachées de certains et de mettre ces gens-là aussi face à leurs responsabilités ».
« Le système doit changer »
Et pourtant. Mars 2020. La figure socialiste s’y prépare depuis plusieurs années. En 2016, en prenant la présidence du groupe au conseil municipal, il dresse le constat que « cette ville est à l’agonie, dans son développement, que ses gouvernants n’ont pas de vision, et que la gauche s’est trop longtemps fourvoyée », et qu’il lui fallait exercer sa « responsabilité » d’homme politique différemment. « J’a la conscience aigüe que le système doit changer ».
Et il l’écrit. Dans une tribune publiée en 2016, tombée dans l’oubli. Intitulée « Gaston Defferre n’est pas mort », il y dresse un portrait sans concession de l’ère de l’ancien maire de Marseille, 30 ans après sa mort, à l’heure où Netflix diffusait sur le petit écran la série « Marseille » : « Si la vitrine de Marseille est reluisante, l’arrière-boutique est très dégradée : pauvreté, endettement, pollution, inégalités. Malheureusement les pratiques politiques n’amorcent pas les changements nécessaires. Tout est fait pour maintenir en place un système qui génère un retard mortifère dans notre développement. Affairismes, passe-droits, absence de vision : force est de constater que la triste réalité concurrence les récentes fictions. Gaston Defferre marque encore la vie politique marseillaise bien au-delà de ses 33 ans de règne. En réalité, ceux qui perpétuent ses pratiques traduisent la thrombose dans laquelle notre ville s’est engluée ».
« Des milliers de personnes m’ont dit d’y aller »
Alors depuis son élection au Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, en 2016, Benoît Payan s’est « employé au changement. Je n’avais que ça en ligne de mire et je suis prêt depuis des mois à mener le combat, pas pour avoir ma tête sur des affiches, mais pour changer le système. »
En juillet, il est l’un des initiateurs du Printemps Marseillais avec pour ambition de rassembler la gauche et les écologistes et être capable de battre les deux sérieux rivaux Martine Vassal et le Rassemblement National. « C’est pour ça que nous avons fondé le Printemps Marseillais et que nous nous sommes promis avec Jean-Marc (Coppola), Olivia (Fortin), Sophie (Camard), Michèle (Rubirola) et d’autres qu’on devait se dépasser pour les Marseillais ».
Même si des « milliers de personnes m’ont dit d’y aller », l’élu, par son retrait a voulu donner l’exemple et mettre « les gens face à leurs responsabilités. On va voir maintenant où sont les ambitions et où sont ses convictions… »
Entre déceptions, tristesse et attaques, sa décision a fait réagir du simple citoyen jusqu’aux anciens ténors de son parti. S’il en prend acte, le conseiller départemental ne fait que peu d’état des salutations ou des critiques « des zombies de son parti », et dit même ressentir de « la peine pour eux ». Pour autant, il ressent également « la fierté quand il voit les militants socialistes se mettre au service du rassemblement et d’œuvrer tous les jours sans relâche, à la victoire de la gauche ».
« Je ne peux pas croire que le leader des Insoumis fasse le jeu de la droite dans cette ville »
Quant à Jean-Luc Mélenchon, qui saluait « son sens du devoir » il est clair : « Jean-Luc Mélenchon est un esprit brillant, hors du commun mais je crains qu’il ne comprenne pas cette ville. Cette ville a besoin de rassemblement, et je me fous des tactiques parisiennes. Aujourd’hui, sa responsabilité – pas celle de député ou d’aspirant à la présidence de la République – sa responsabilité d’homme, c’est d’appeler ses amis au rassemblement. Je ne peux pas croire qu’à ce moment de son parcours le leader des Insoumis en soit à faire le jeu de la droite dans cette ville ».
Loin de la polémique à l’heure où l’union doit permettre « de gagner la ville », Benoît Payan réitère son soutien plein et entier à Michèle Rubirola avec laquelle il a déjà fait campagne pour les départementales. « Ce n’est pas une candidature par défaut. C’est une femme à la hauteur de l’histoire, de la situation. C’est une écologiste, médecin dans les quartiers nord, elle est ancrée dans la réalité d’une ville qui s’est fracturée».
« Sébastien Barles a l’occasion de passer de la parole aux actes »
« Aujourd’hui et pour la première fois Sébastien Barles à l’occasion de passer des paroles aux actes. S’il fait élire les héritiers du système ou le Rassemblement national, il me trouvera sur sa route. On va voir s’il est sincère, ou si cette ville est un alibi pour servir ses ambitions personnelles ». Car s’il est aussi un combat que le socialiste ne veut pas perdre, c’est celui contre l’extrême droite.
« Maintenant, soit ils deviennent les idiots utiles de la droite et de l’extrême droite, soit ils deviennent utiles aux Marseillais. ».
Ce soir, le Printemps Marseillais présentera officiellement sa tête de liste alors que résonne pour eux le mot « espoir».