Satisfaction des clients, fiabilité du service, transition énergétique et ancrage territorial, c’est le cap que s’est fixé Corsica Linea. Après avoir décroché 3 des 5 liaisons entre la Corse et le continent, la compagnie maritime vient d’acquérir son premier navire neuf propulsé au GNL. Un symbole, trois ans après la reprise de l’ex-SNCM.
Le pari était un peu fou. Il en a entendu des « bonnes chances monsieur » ironiques et des « vous êtes suicidaire ». « Au départ, personne n’y croyait », livre d’emblée Pierre-Antoine Villanova, directeur général de Corsica Linea. Lui si ! Il est vrai que pour la compagnie, la reprise de la SNCM, placée en redressement judiciaire en 2015, relevait d’une aventure quelque peu houleuse. Trois ans plus tard, pas d’avis de tempête. Bien au contraire.
La modernité selon Villanova
Après une phase de restructuration, à vitesse grand-V, Corsica Linea s’installe sur le marché de la liaison Corse-continent qu’elle partage avec Corsica Ferries et La Méridionale. Elle a, en effet, été retenue fin juin par la Collectivité de Corse pour desservir les principaux ports de Bastia, d’Ajaccio, ainsi que de l’Île Rousse dans le cadre de la délégation de service public (DSP). L’attribution de ces lots vient conforter la nouvelle stratégie mise en œuvre depuis trois ans, pour faire entrer la compagnie dans l’ère de la modernité. « Je ne veux pas être le plus grand, mais le plus moderne dans ma définition que je propose de la modernité », explique le patron.
Sa vision repose sur trois grands piliers, au premier rang desquels le client, la priorité numéro 1, à laquelle s’ajoutent les enjeux environnementaux et sociétaux. « C’est ça pour nous une entreprise moderne », déclare Pierre-Antoine Villanova, attablé au restaurant du Cercle des nageurs à Marseille.
Derrière les traumatismes, le potentiel
Depuis que cet Ajaccien cinquantenaire, fort d’une expérience de plus de vingt ans dans le groupe Suez, a pris la barre de la compagnie, en 2016, il y a ses habitudes. Et ce n’est d’ailleurs pas la seule qu’il a prise ces derniers mois. Sur le Paglia Orba, le Jean Nicoli comme sur le Casanova, ou l’un des quatre autres navires, il aime se mêler à ses équipages. « Personne n’avait vu de patron à bord », raconte le boss, avec le sourire. « Un jour, je me suis présenté à l’accueil pour récupérer ma clé de cabine. L’hôtesse m’a répondu « mais vous êtes qui ? ». J’ai répondu : « je suis le patron de l’entreprise » ». Ce à quoi la jeune fille rétorque : « un patron ça ne ressemble pas à ça, et nous, on l’a jamais vu ».
Une histoire qu’il se plaît à raconter pour illustrer le chemin parcouru ; car c’est dans un contexte de défiance succédant aux épisodes douloureux de la SNCM qu’il débarque. « Les gens étaient abattus, près de 600 personnes venaient d’être licenciées. Il y avait des traumatismes importants, mais derrière un potentiel énorme. Il fallait juste activer sur les bons leviers. »
Le management de proximité
La méthode Villanova, c’est un savant mélange des techniques de Harvard Business School et « du village corse » par excellence. « C’est la culture, les valeurs simples et concrètes : on a donné une vision à cette entreprise. On dit ce qu’on fait et on fait ce qu’on dit ». Ce management de proximité porte ses fruits : « Au fur et à mesure, les marins ont pris l’habitude de me voir, et ça a pris. La confiance s’est installée pour une grande majorité d’entre eux, même si une poignée reste encore sceptiques ».
Alors que le premier mois, il doute de pouvoir payer les salaires, les semaines suivantes, place à l’intéressement et à la participation. « ça n’existait pas », assure Pierre-Antoine Villanova. « C’est la première fois qu’on a quelque chose qui n’est pas à la demande des syndicats m’ont-ils dit », reprend le directeur, avec fierté. Autour d’une équipe de direction renouvelée, qui souhaite mener dans son sillage le personnel navigant, à tous les ponts, de la salle de restaurant à celle des machines, une nouvelle dynamique est en route. « Peu à peu, petits sujets par petits sujets, ils ont changé leurs habitudes. » Et la marque « Corsica Linea » s’ancre dans le paysage maritime méditerranéen.
Le client, un ambassadeur chouchouté
Terminé les dix « types alignés derrière le comptoir » et une file d’attente interminable pour commander un sandwich à bord. Aujourd’hui, la salle de restaurant vit au rythme d’un service « animé et convivial. Les clients sont contents et consomment 30% de plus qu’avant ». Une augmentation qui s’explique aussi avec la modification de la carte élaborée par un chef étoilé corse. « Une montée en gamme avec des prix accessibles de brasserie. La famille y vient plus volontiers ».
La compagnie met ainsi les petits plats dans les grands, car le client est au centre de sa nouvelle philosophie d’entreprise. « Nous ne sommes plus dans la notion d’usager ». Exit le rapport de fin d’année au profit d’un suivi hebdomadaire, des enquêtes web, avec des retours clients qui génèrent des actions concrètes… Tablettes numériques, connexion wifi, visionnages de films… Corsica Linea développe une véritable expérience client. « Les clients reviennent parce qu’ils se sentent bien à bord. Ce sont nos meilleurs ambassadeurs ».
L’autre priorité : l’impact sociétal
Cette expérience va plus loin, car la vision de Pierre-Antoine Villanova d’une compagnie moderne, passe nécessairement par la responsabilité sociale et sociétale. « Nous considérons que l’on fait partie du service public corse, dans le cadre de notre DSP. On se doit d’avoir un impact sociétal réel ». À ce titre, la compagnie, armé sous pavillon français, emploie donc « des marins français. Ça coûte trois fois plus cher qu’un marin italien, par exemple », confie Pierre-Antoine Villanova. 24 millions d’euros par an. Une coquette somme qui permettrait d’acheter deux navires supplémentaires. « Mais ce n’est pas comme ça qu’on raisonne », assure le directeur. Lui parie sur les mutations de notre société plus attachée à l’environnement, au bien-être « qui tient compte des conditions dans lesquelles travaillent les salariés d’une entreprise. Une population qui développe une conscience sociétale forte ».
Verdissement de la flotte
Pour marquer un peu plus encore cette identité, Corsica Linea veut être « exemplaire » en matière environnementale. « Je ne veux pas seulement suivre la tendance, je veux être leader », assure le directeur général, qui ne cache d’ailleurs pas sa contrariété, à l’apparition d’un bateau dégageant de la fumée noire. Après avoir investi dans l’électrification de navires à quai, la compagnie a équipé trois de ses bateaux de « scrubbers » (traitement de fumées), à hauteur de 25 millions d’euros. Pour poursuivre le verdissement de sa flotte, l’entreprise vient d’acquérir son premier navire neuf propulsé au Gaz Naturel Liquéfié (GNL). « Le choix du GNL ancre Corsica dans un mouvement de transport maritime durable en Méditerranée ».
Ce navire roulier sera construit par le chantier naval italien Visentini (près de Venise), spécialisé dans la fabrication en série de ce type de navire. Il devrait être d’un nouveau type et plus grand (206 mètres). Capable d’atteindre 23 nœuds et armé sous pavillon français, il comptera 2560 mètres linéaires pour le fret (+ 150 véhicules légers sur un car deck dédié) et pourra accueillir 650 passagers.
La livraison est prévue en 2022. L’ambition affichée et la stratégie impulsée depuis trois ans a également permis aux banques de lever la garde. « Aujourd’hui, elles sont proactives », souligne le directeur. D’ailleurs, le financement du nouveau navire sera assuré par le groupe Crédit Agricole, sous le pilotage du CA de la Corse « qui a joué un rôle-pivot dans l’aboutissement de ce projet ». Pour poursuivre dans cette voie, le patron de Corsica Linea espère voir l’ensemble de la nouvelle flotte naviguer au GNL, et entend passer commande pour un deuxième navire d’ici à 18 mois.
Même cap pour les prochaines années
La croissance de l’activité de la compagnie témoigne de sa réussite : Corsica Linea enregistre 47 % de parts de marché sur le fret entre le continent et l’île de beauté, et 15 % sur la desserte Marseille-Corse sur le transport de passagers, contre 10% il y a trois ans. « On arrivera un jour à 20% », annonce Pierre-Antoine Villanova, déterminé. « Sur l’Afrique du nord, Tunisie ou Algérie, on a 30% de part de marché ». Avec plus de 1 000 employés, la compagnie enregistre une croissance de son chiffre d’affaires, passant de 170 millions d’euros en 2016 à 220 en 2018. Elle espère atteindre 240 « dans deux-trois ans, pas avant », indique le patron.
Forte de cette nouvelle stratégie, Corsica Linea garde le même cap pour les prochaines années, avec l’ambition solidement ancrée de continuer à naviguer dans les eaux de la modernité.
Disons que l’avantage de Corsica linea c’est que les actionnaires sont leur propre transporteur,ce n’est ni plus ni moins qu’une centrale de logistique.pour le GNL aucun port Corse n’est équipé ….des zones d’ombres demeurent notamment pour la méridionale qui jusqu’à présent était codélégataire, le fret pour cette compagnie à diminué et pendant 18 mois ils n’ont plus la possibilité de desservir la Corse pour les lignes principales (bastia et Ajaccio ) , 2 navires uniquement pourraient desservir les port secondaires.
CM holding (propriétaire de Corsica lors de la reprise assurait haut et fort qu’ils pouvaient desservir les ports principaux sans subvention , depuis les choses ont évolué et de leur aveu ce financement demeure nécessaire .
Toujours est il que le projet de « compagnie régionale » est aujourd’hui au point mort ( et nécessiterai l’abandon des lignes Maghreb ou la création d’une filiale ), cette compagnie doit se préparer a la zone Seca ( zone ou les émissions de souffre sont réduites ) et intaller des scrubber avant 2020
En effet n’oublions pas la cie méridionale de navigation et ses salaries qui desservent depuis des décennies entre autres bastia et propriano
Quel est son avenir devant un quasi monopole de la corsica linnea
Il y avait pourtant de la place pour deux cies ça me semble plus sain