Former les travailleurs non salariés, créer des passerelles entre l’école et l’entreprise, encourager une nouvelle politique locale… Alain Gargani, nouveau président de la Confédération régionale des TPE-PME (CPME) déroule sa feuille de route avec les actions phares de sa mandature. Entretien.

Elu le 24 avril dernier, Alain Gargani est le nouveau président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour le nouveau « patron » de la CPME régionale, dans une petite entreprise, c’est toujours l’humain qui prime. « Quand le salarié et son patron sont assis dans un bureau côte à côte, forcément cela crée de la proximité. On ne peut pas comparer la vie d’une petite entreprise à celle d’une multinationale avec des centaines de salariés et une hiérarchie marquée. Moi, quand un de mes salariés va mal, je le remarque tout de suite, et je fais tout en sorte pour qu’il aille mieux », confie Alain Gargani en marge de la conférence de presse qu’il tenait, hier, sur le Vieux-Port de Marseille. C’est autour de cette valeur : « l’humain », qu’il entend bâtir son projet pour la CPME Sud.


Made in Marseille. Que pèse la CPME dans le débat économique ?

Alain Gargani. Très clairement, 99% des TPE-PME sont des petites entreprises. Sur la CPME régionale, il y a 70 000 adhérents, plus de 210 000 salariés, 200 mandats et 600 événements sur l’ensemble du territoire. C’est une force incontournable. La CPME est reconnue comme la première organisation interprofessionnelle de défense des TPE, PME, start-up, commerçants, artisans et professions libérales de la région Sud, au même titre que le Medef qui représente les grands groupes ou l’U2P, pour les artisans. Par ailleurs, nous avons un certain poids, car on permet de changer des lois, par des amendements, par exemple, portés par les députés. Ils permettent de faire remonter la voix du territoire au niveau national.

Pouvez-vous nous citer quelques exemples ?

Dans le cadre de la loi Pacte, il y a eu un amendement emblématique contre l’avis du gouvernement. Il voulait supprimer le TEG (taux effectif global dans les banques). Quand vous faite un prêt, c’est cet indicateur qui permet de comparer tous les frais cachés. Le député (Modem), Mohamed Laqhila, membre de la CPME a porté un amendement pour éviter ça. C’est très pragmatique. Autre exemple, les ordonnances Macron ont été co-rédigées avec la CPME, comme sur le plafonnement aux Prud’Hommes, ce qui a permis de désengorger cette juridiction et de laisser un peu plus de liberté aux chefs d’entreprises mais aussi aux salariés. On a également agit, il y a quelques années, sur Airbnb, pour réguler le système avec des amendements.

Quelle a été votre première action en tant que nouveau président de la CPME régionale ?

En un mois, je n’ai pas encore tout révolutionné. Ça va vite, mais pas assez vite à mon sens. Notre première action a été de fédérer l’ensemble des territoires, qui ont des typologies différentes. Quatre territoires ont des unions patronales avec les deux marques CPME et Medef, et il y a des départements comme le 84 et le 13 où les CMPE sont indépendantes. Il faillait déjà que l’on arrive à trouver un terrain de jeu commun. Donc, nous nous sommes d’abord entendus sur des valeurs : pour nous c’est l’humain qui est au cœur de l’entreprise. C’est la priorité, puis vient la proximité, l’engagement, le partage et l’unité de ce territoire.

Cela n’a pas été trop difficile de fédérer ?

Je suis très attaché au partage, à la relation humaine. Même dans les réunions, c’est important de créer du lien, et on a la chance dans ce territoire d’avoir des présidents assez extraordinaires, qui ont immédiatement réussi à fédérer des énergies autour de ce projet régional. Cela nous a permis de créer une équipe, et cette équipe porte un projet.

« On peut avoir une super idée, être brillant sauf que l’entrepreneur n’est pas forcément un gestionnaire, un commercial. Au moment où il crée son entreprise, il ne le sait pas forcément. »

Justement, quel est le projet que vous souhaitez mettre en œuvre ?

D’abord, l’ambition commune c’est que la CPME devienne le syndicat référent. On est vraiment le premier syndicat de défense des TPE-PME et c’est ce qu’on veut ancrer dans chaque territoire, et au sein de chaque entreprise. Qu’elles aient le réflexe « CPME régional. »

Et quelles sont les autres priorités de votre mandature ?

Nous avons trois actions très concrètes que nous souhaitons porter. Sur notre territoire, comme ailleurs, il y a beaucoup de défaillance d’entreprise. Quand elles sont en création, au bout de trois ans, beaucoup défaillent, souvent par manque de formation, ou de connaissance de dirigeant. On peut avoir une super idée, être brillant sauf que l’entrepreneur n’est pas forcément un gestionnaire, un commercial. Au moment où il crée son entreprise, il ne le sait pas forcément. On a donc décidé d’accompagner toutes ces entreprises par des formations.

Sur quels contenus précisément ? 

D’abord établir un diagnostic, qui va nous permettre de faire un audit avant de les accompagner. On a la chance d’avoir été identifié par l’Agefice*, un organisme qui accompagne les travailleurs non-salariés (TNS) principalement les TPE-PME dans la formation. Elle va investir sur notre territoire régional pour être à nos côtés dans cette démarche. C’est pragmatique, concret, on va sauver des emplois, des entreprises.

Le projet de réforme de la formation, va-t-il selon vous dans le bon sens ? Notamment sur l’apprentissage ?

Il y a des choses qui vont dans le bon sens et d’autres un peu plus compliquées. L’apprentissage c’est une bonne chose, car on a laissé plus de liberté et de pouvoir aux filières, ça permet d’être au plus près des besoins. Ce qui va moins bien, c’est qu’il y a, selon moi, un hold-up du gouvernement sur les fonds alloués à la formation. Ces fonds nous permettaient de former nos collaborateurs, et servaient essentiellement à former les demandeurs d’emplois. On est passé à côté de quelque chose-là. Les entrepreneurs ne formeront plus de manière aussi efficace leurs collaborateurs par manque de financement. Il y a à mon sens un gros trou dans la raquette.

Vous avez également décidé de mettre le focus sur la jeunesse. C’est l’autre axe fort de votre mandat…

On est très sensible au futur et des actions sont déjà été menées autour de la découverte de l’entreprise par les collégiens et lycéens. On va aller plus loin. L’idée est de sensibiliser dès le plus jeune âge à la création d’entreprise. Pour se faire, sur l’ensemble des territoires, des initiatives vont être lancées pour mettre en lien direct ces deux mondes : des dirigeants qui vont aller témoigner dans les établissements scolaires pour faire part de leur expérience et susciter l’envie et des jeunes qui vont venir vivre la vie d’entrepreneur, et créer des vocations. Et pour ceux qui développeront une certaine sensibilité, la troisième étape de ce dispositif, pourrait être la création, avec ces jeunes, de micro-start-up. Cette démarche pourrait même être récompensée à l’occasion de Trophées. Les institutions et l’inspection académiques soutiennent cette action.

« Un syndicat patronal n’est ni de gauche, ni de droite, il est devant. Il porte l’économie, il porte l’emploi, la vision d’un territoire »

Au-delà de ces actions, quelle(s) autre(s) mission(s) mènent la CPME ? 

Notre mission est aussi de réfléchir de manière collective à l’amélioration du territoire. On vient de créer le Club des acteurs économiques régional. On retrouve la CCIMP avec laquelle on travaille en parfaite synergie et en bonne intelligence, des grands groupes, des institutions et toutes les filières. Ensemble, nous réfléchissons sur des projets communs. Par exemple, le gouvernement insiste encore sur la transition numérique. Qu’est-ce que nous pouvons apporter dans ce domaine sur ce territoire ? Certaines filières sont en tension aujourd’hui, car elles ne trouvent pas de collaborateurs et pour autant des personnes sont encore au chômage. Dans la restauration ou l’hôtellerie, il y a une pénurie. Il y a peut-être un nouveau modèle à inventer car les métiers ne sont pas valorisés à leur juste valeur. Il y a des passerelles à créer et c’est l’ensemble des acteurs économiques qui peuvent œuvrer sur ces champs-là.

Au niveau local, vous menez aussi des actions ciblées comme dans le centre-ville de Marseille avec le dispositif « Shop In Sud ». Comment avancent les choses ?

Au niveau local, on va lancer plusieurs actions. Pour « Shop In Sud », la machine est lancée. Il y a une problématique de financement. Pour qu’un projet comme celui-ci s’inscrive dans la durée c’est environ 900 000 euros. On fait actuellement le tour des acteurs pour expliquer le projet. On a fédéré d’autres énergies et montré la faisabilité. Un a fait le « POC », le test en grandeur nature pour montrer que ça fonctionne. Il y a de vrais bons retours.

Dans le contexte politique actuel à Marseille et en vue des municipales de 2020, comment se positionne votre confédération ?

A Marseille, on lance lundi 17 juin, un think-tank économique. L’idée est de porter la voix des TPE-PME dans le débat politique. Un syndicat patronal n’est ni de gauche, ni de droite, il est devant. Il porte l’économie, il porte l’emploi, la vision d’un territoire et c’est ça qu’on veut mettre en lumière. Aujourd’hui, le monde a changé et ce n’est plus la politique de l’ancien temps. Certes, aujourd’hui, la lecture est complexe, mais la politique doit rassembler, fédérer et le plus largement possible, pas par le biais de partis mais de compétences.

Je prône un front uni, intelligent, avec un nouveau modèle de fonctionnement. J’espère que cette voie sera entendue et que certains acteurs si emploieront. Si les politiques ne le comprennent pas, les citoyens se chargeront de leur faire comprendre. Il faut mettre un terme à la guerre de clochers. On est dans une nouvelle vision. Le Marseillais veut rêver, avoir une ville sécuritaire, propre, avec des projets…

Pour conclure, quel genre de président serez-vous ?

Il faut demander à ceux qui m’entourent (rires). Un jour, on m’a demandé quel est le vœu que je n’appliquerai jamais. J’ai répondu : ralentir. Ça, je ne sais pas faire. Je suis un bâtisseur, je fédère et j’essaie d’accélérer les projets. Et surtout, je ne lâche jamais rien !

La CPME en quelques chiffres

> Au niveau national

• 99,9% des entrepreneurs français sont des TPE-PME (source, INSEE 2016] • 150 000 entreprises adhérentes et 3 millions de salariés
• 200 fédérations et syndicats de métiers
• 117 Cpme réparties en Unions Territoriales

> Dans la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur
• 6 territoires
• 70 000 TPE-PME-PMI adhérentes représentant 210 000 salariés
• 2 000 mandataires
• 600 événements

> Dans les Bouches-du-Rhône

• 10 000 PME-PMI adhérentes
• 300 mandataires, chefs d’entreprise engagés représentent les intérêts des entrepreneurs dans les instances clefs.
• 6 commissions territoriales

Les chiffres répertoriés au 31 décembre 2018

* L’Agefice a pour mission de favoriser la montée en compétence des Dirigeants non-salariés et de leurs Conjoints collaborateurs en permettant l’accès à la formation pour le plus grand nombre. En région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur pour l’année 2018, plus de 3 500 dossiers ont été déposés par des entrepreneurs pour une demande de prise en charge de formation.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page

NEWSLETTER

Recevez le meilleur de l'actualité de la semaine gratuitement !