Jugée « utopiste » lors de sa création, la Cité de l’Agriculture s’enracine sur ses nouvelles terres phocéennes. S’acclimatant peu à peu à son nouvel environnement dans le 1er arrondissement de Marseille, la structure ne cesse de cultiver de nouveaux projets. Après quatre ans d’existence, elle cueille les premiers fruits de son travail.

L’année dernière, Made in Marseille consacrait un article sur l’ouverture de la Cité de l’Agriculture.Sous l’initiative de Marion Schnorf et portée par une équipe d’environ 10 personnes, l’association se voue depuis 4 ans à la promotion de l’agriculture urbaine. Derrière ce grand projet, un petit endroit chaleureux qui réunit restaurant et bureaux.

La Cité de l’Agriculture, c’est d’abord un espace lumineux, une décoration épurée et des odeurs appétissantes. Mais, c’est aussi un engagement infaillible, des actions ambitieuses et une quête de changement. Un joyeux brouhaha anime la salle de restauration, alors que les quelques membres de l’association présents œuvrent en silence de l’autre côté du mur, dans les bureaux. La structure s’emploie à soutenir les projets de transitions agro écologiques et déconstruire les préjugés autour de cette alimentation. Premier bilan avec Louis Roland, membre de l’association et organisateur des événements.

Made in Marseille : Il y a un an, les locaux de la Cité de l’Agriculture ouvraient leurs portes au 37 boulevard National à Marseille. Quelle est l’origine d’un tel projet?

Louis Roland : L’idée de cette structure, c’est qu’il y a une Cité de la Musique, une Cité de l’Architecture donc pourquoi pas une Cité de l’Agriculture ? Marseille dans les années 50 était autosuffisante du point de vue alimentaire. Aujourd’hui, elle en est incapable, du fait d’un circuit alimentaire devenu particulièrement complexe. Les aliments parcourent des trajets longs et coûteux avant d’atterrir dans nos assiettes. On veut en finir avec l’économie de l’absurdité. L’idée était justement de revaloriser les circuits courts, d’éradiquer la malbouffe en mettant fin aux préjugés qui pèsent sur la nourriture de qualité. Marseille a un potentiel énorme, et notre objectif principal est justement de mieux l’exploiter.

, A Marseille, la Cité de l’Agriculture veut enraciner la production au coeur de la ville, Made in Marseille
La salle de restauration de la cantine de la Cité de l’Agriculture, située au 37 boulevard National, Marseille

Justement, Marseille fait partie des 20 villes françaises les plus frappées par la malbouffe*. Votre structure a-t-elle eu un impact sur la situation ? 

Oui, nous avons de plus en plus d’impact, toujours avec la volonté de briser le cliché que « nos produits sont pour les bobos ». Justement, la Cité de l’Agriculture s’applique à atteindre les quartiers populaires, peu au courant de nos pratiques. Le choix d’agir dans les 1er et 15ème arrondissements de Marseille n’est pas anodin. Nous intervenons dans les centres sociaux et animons un marché de produits locaux (le Marché retrouvé) à la Cité des arts de la rue, dans le cadre du rendez-vous Un Dimanche aux Aygalades, chaque premier dimanche du mois. Et nos efforts payent, puisque 1/3 des consommateurs de ce marché vient du 15ème.

Nous mesurons aussi notre impact par l’enthousiasme et l’émulation que nos actions produisent. Finalement, nous prenons conscience de notre évolution avec le soutien progressif d’institutions financières et politiques, au départ très réticentes à notre projet dit “utopiste”. Nous sommes actuellement en négociation avec la Région et la Métropole pour l’octroi d’une aide financière. Bien que nous ayons encore beaucoup de freins financiers, juridiques et politiques, nous avons donc bien progressé.

Et quels sont ces freins juridiques, politiques et financiers dont vous parlez ?

Déjà, il est compliqué de trouver un modèle économique à notre structure car nous menons des actions d’intérêt général afin de combler des manques. Nous manquons de financement, bien que le Conseil départemental par exemple, et les fonds propres nous alimentent. Il est aussi difficile d’être pris au sérieux par les structures financières et politiques. Nous avons également un problème du point de vue de la législation, qui impose un coût considérable à notre développement. Par exemple, il n’y a pas de statut à proprement parler d’agriculteur urbain, et l’achat d’une terre en ville est beaucoup plus chère qu’en zone agricole.Nous voulons lever ces freins pour que les porteurs de projet puissent, eux aussi, développer et mener à bien leurs initiatives.

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Le nouveau pôle documentation de la Cité de l’Agriculture ouvert depuis une semaine

Sur quels projets travaillez-vous aujourd’hui ?

Nous avons beaucoup de projets. Tous ont la même vocation : sensibiliser. Nous allons par exemple lancer le 27 mai, un annuaire qui recensera toutes les bonnes adresses qui favorisent l’agriculture durable (restaurants, boulangeries, jardin partagés, ou des associations…). Il offrira toutes les informations nécessaires aux consommateurs. Récemment nous avons également coordonné la deuxième édition des 48 heures de l’agriculture à Marseille. C’est un événement important pour la promotion de nos valeurs au quatre coins de la ville. La semaine dernière, nous avons aussi ouvert un pôle de documentation au sein de notre cantine.

L’ouverture d’une ferme urbaine fait partie des engagements que vous poursuivez. C’est une idée qui se concrétise ?  

Oui, notre nouveau challenge est l’ouverture d’une ferme dans le 15ème arrondissement. Nous expérimentons ce modèle afin qu’il soit reproductible par la suite. Il s’agirait d’avoir notre production sur place pour la cantine, avec un verger, mais aussi un travail de dépollution des sols par les plantes. Nous avons réalisé toutes les démarches nécessaires, mais nous attendons davantage de financement. C’est en répondant à un appel à projet que nous avons déjà reçu le soutien d’une quinzaine de structures comme Aix-Marseille Université par exemple. Nous voyons qu’il y a un vrai enthousiasme derrière cette ferme urbaine. En bref, nous sommes sur tous les fronts depuis 1 an.


* Selon une étude de My Pharma en 2018.

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