Seule représentante de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sur les 30 premiers candidats de la liste Renaissance aux élections européennes, Sylvie Brunet (Modem) revient sur ses motivations et ses ambitions pour une Europe plus verte et plus protectrice.
Il y a quelques semaines, lorsque François Bayrou lui annonce qu’elle est sur la liste Renaissance (LREM-Modem), pour les élections européennes et en position éligible qui plus est, Sylvie Brunet est euphorique. Elle est d’ailleurs la seule représentante de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sur les 30 premiers candidats. Dans un contexte de défiance envers le gouvernement, cristallisée par la crise des gilets jaunes et de faible participation à cette élection, la mission s’annonce difficile.
Celle que beaucoup surnomment « la candidate malheureuse des législatives 2017 » – ce qu’elle n’affectionne guère d’ailleurs – se dit finalement davantage taillée pour le Parlement européen que pour l’Assemblée nationale. « C’est plus dans la lignée de ce que je fais maintenant ». Puis de part sa formation. « Ma motivation était clairement dès le départ durant mes études de droit d’intégrer les institutions européennes, j’ai donc fait une spécialisation en droit européen, à Aix et ensuite Paris II », nous confie-t-elle, quelques jours avant que LREM-Modem ne dévoile son programme de 79 propositions pour le scrutin du 26 mai.
« Ce qui me porte, c’est les autres »
Rocardienne dans sa jeunesse, adepte des « Clubs convaincre » et militante d’Amnesty International, Sylvie Brunet a toujours eu l’âme « d’une centriste » mais « le cœur à gauche ». Petite-fille d’ouvrier, elle a grandi avec des parents militants du PS et une grand-mère communiste. Alors s’il y a un sujet qu’elle porte à bras le corps c’est celui de « l’égalité des chances. Il y a beaucoup de blabla autour de ça, mais il faut du concret ».
Nourrit par des « valeurs humanistes », déçue de la manière dont s’exerçait le pouvoir à gauche, lui reprochant un certain « sectarisme », l’ancienne conseillère municipale de Cassis, préfère « les actes, la droiture, l’éthique, la simplicité et l’action. Et ce qui me porte, c’est les autres ». Elle trouve ces valeurs dans le Modem qu’elle rejoint il y a 4 ans. Sur les conseils de son ami Childeric Muller, ancien patron du Modem 13, elle écrit à François Bayrou. « Il m’a fixé un rendez-vous deux semaines plus tard, nous avons discuté une heure et demie, ça a tout de suite collé », raconte-t-elle.
L’enjeu climatique passe par la transformation de l’activité économique
Siégeant au conseil national du parti, présidente de commission au sein de Conseil économique, social et environnemental (Cese), l’ancienne directrice des ressources humaines de grands groupes [Bull (groupe Atos), Gemplus (Gemalto) et Onet] est très attachée aux sujets sociaux. Dans son sac à main ce jour-là d’ailleurs, les documents du « socle européen des droits sociaux », pour construire une Union européenne plus inclusive et plus équitable. « Au Cese nous avons été investis des dossiers d’Europe sociale, sur l’apprentissage, les travailleurs détachés, le développement d’Eramus pour les apprentis… pour demain traiter des sujets d’Europe sociale en les rendant concrets », explique-t-elle. Elargir Erasmus aux collégiens et apprentis figure d’ailleurs parmi les propositions de la liste de la majorité présidentielle.
Mais leur grande priorité reste l’urgence climatique. « La transition écologique figure au cœur du programme. Faire respecter les accords de Paris, les différentes Cop, être dans l’action », c’est tout l’enjeu pour Sylvie Brunet. « On ne peut pas arriver à lutter contre le réchauffement climatique ou rétablir une biodiversité en danger si ça ne passe pas par l’activité économique. Il faut que l’on aide les entreprises dans cette transformation, ça veut dire qu’on va les aider en France et sur notre territoire. »
Les transports propres, le traitement des déchets, l’isolation thermique des logements… autant de sujets que la candidate défend. La liste LREM-Modem propose, par exemple, la fin des voitures à essence et diesel d’ici à 2040 en Europe ou encore la fin de l’exploitation des hydrocarbures sur le continent européen. « Si on ne met pas ces milliards en commun, on ne peut pas peser à l’échelle mondiale sur ce sujet. Le comment est aussi important, d’où le fait qu’il faille décliner une vraie Europe industrielle et revoir les méthodes de travail qui datent de la création de l’Union européenne en 57. Il y a d’autres enjeux géo-politiques, il faut travailler autrement. A nous d’arriver à faire bouger les lignes, pas en se repliant chaque Etat sur lui-même, au contraire, en mettant ses forces en commun. » Un idéal qui dépendra du résultat des urnes dans les autres pays de l’Union.
Continuer à travailler avec Renaud Muselier
Une Europe plus verte et « qui protège aussi », c’est l’autre priorité. « Respecter les frontières, pas en les fermant complètement, mais en ayant une politique sur les demandeurs d’asile, les réfugiés écologiques, plus nombreux que les réfugiés économiques », souligne-t-elle. La réforme du système d’asile européen est pour l’instant dans l’impasse. Impossible depuis la crise migratoire de 2015 de parvenir à un consensus visant à l’harmonisation des conditions d’accueil des réfugiés et de refus des demandes d’asile non justifiées.
Si elle parvient à devenir euro-députée, Sylvie Brunet souhaite siéger à la commission travail et affaires sociales et à la commission droit des femmes et égalités. « C’est important aussi car il y a une régression sur le droit des femmes ; notamment dans certains pays. » Elle entend aussi poursuivre le travail réalisé par Renaud Muselier, président de la région Sud dont le mandat de député prend fin ce 26 mai. Avec 3,3 milliards d’euros de fonds européens mobilisés, la Région Sud fait figure d’excellente élève. « Il a fait du bon travail. Il a mis en place une équipe et je m’appuierais sur elle [sept personnes assurent une veille et une représentation permanente ndlr] »
« Déjà 12 listes ce n’était pas audible, alors 33… »
Les 33 listes en présence ne font pas non plus les affaires de la liste Renaissance. « Je trouve ça invraisemblable, incroyable, les mêmes qui passent leur journée à critiquer l’Europe, en disant que ça ne sert à rien ont décidé de créer une liste. Pour faire quoi ? Déjà 12 listes ce n’était pas audible, alors 33… A part brouiller les messages », confie Sylvie Brunet, sans masquer son inquiétude. « Pour beaucoup, c’est une élection anti-Macron mais ce n’est pas le sujet. Dans trois ans il y a des élections présidentielles, ça sera le moment pour la relève, mais là parlons d’Europe, c’est tout ce qui m’intéresse !» Au-delà de ces listes, l’autre menace vient du parti de Marine Le Pen.
Plusieurs instituts de sondages placent désormais en première position des intentions de vote aux européennes la liste du Rassemblement national (entre 21% et 24%), juste devant celle de l’alliance En Marche-Modem (21,5% et 22,5%), alors que la campagne vient d’entrer dans sa phase finale.
Jeudi 9 mai, la majorité présidentielle a désigné le Rassemblement national comme son principal adversaire. Depuis Sibiu en Roumanie, Emmanuel Macron a déclaré qu’il mettrait « toute (son) énergie » pour que le RN « ne soit pas en tête » le 26 mai. « La liste du Rassemblement national, c’est une liste de déconstruction de l’Europe », a-t-il insisté. Les Républicains non plus, menés par François-Xavier Bellamy, n’ont pas dit leur dernier mot, comptant sur la dynamique impulsée ces derniers jours pour créer la surprise.
Un oeil attentif sur la politique locale
Sylvie Brunet gardera un œil attentif sur le territoire, d’abord sur la fusion annoncée entre le Département des Bouches-du-Rhône et la Métropole Aix-Marseille Provence. « C’est indispensable car il y a trop de strates et il est évident qu’il faut une concentration des moyens. Pour que demain, ce soit plus efficace, il faut une vraie gouvernance moderne, claire, une vraie culture de l’évaluation, indiquer où vont les fonds financiers… »
Elle dit voir « d’un bon œil plusieurs candidatures » dont une personne « qui aurait l’aval des partis partenaires », pour la présidence de la « métropole départementale », mais aussi « pour la mairie de Marseille. Tout est ouvert ». Et d’ajouter : « Nous, on veut une vraie alliance avec les Marseillais à Marseille, avec les Aixois, à Aix… Et surtout porter un projet innovant pour le territoire ».