La cité des arts de la rue est un lieu unique au monde, en plein cœur des quartiers nord. Cette place majeure pour les professionnels de la création artistique reste un lieu peu accessible au grand public. Les animateurs de la structure entendent changer cela, et multiplient les actions pour que les habitants se l’approprient.
C’est une enclave de plus de trois hectares, hors du temps et de la réalité, au milieu des quartiers nord de Marseille. Lorsque l’on arpente les allées de la Cité des arts de la rue, dans le quartier des Aygalades, une atmosphère surréaliste règne. À l’entrée, un bus de la RTM se dresse verticalement comme un totem. Plus loin, un wagon de train, un savon de Marseille géant, d’immenses fresques, et en contrebas, une improbable cascade naturelle d’où jaillit le ruisseau des Aygalades.
C’est dans cette ancienne huilerie que la Cité des arts de la rue est née en 2013, alors que Marseille était la capitale européenne de la culture. L’idée était en gestation depuis 1995, dans les esprits de deux acteurs des arts de rue qui squattaient alors les anciens abattoirs : Michel Crespin (fondateur du centre national de création Lieux publics) et Pierre Berthelot (directeur artistique de la compagnie Générik Vapeur).
Aujourd’hui, la structure dédiée à la création artistique dans les espaces publics est un lieu unique au monde par sa taille et sa vocation. Mais malgré son rayonnement international, l’activité de la Cité des arts de la rue est presque confidentielle à Marseille et dans les quartiers nord. Ceux qui la font vivre veulent ouvrir les portes et avoir plus d’impact sur le territoire.
Une référence pour les artistes, pas encore pour le public
Charlotte Coutagne, chargée de communication pour l’ApCAR, l’association qui coordonne la vie dans la Cité des arts de la rue, rappelle que la première mission du lieu est la création artistique, « On n’a pas pour vocation première, comme la Friche de la Belle de Mai, d’accueillir des spectacles, des expos, et d’être ouvert au public tout le temps. C’est un espace de création, d’expérimentation, un lieu de travail qui accueille des artistes en résidence et de la formation ». Alors que Charlotte nous accompagne dans notre visite, on apperçoit la compagnie Cirquons Flex travailler sa représentation pour la Biennale Internationale des Arts du Cirque (BIAC) qui se tient jusqu’au 11 février à Marseille.
🎪🤹♀️ Répétitions de la compagnie Cirquons Flex, chez @GenerikVapeur à la Cité des arts de la rue. Son spectacle “Appuie-toi sur moi” est programmé à la @Biennale_Cirque 2019 pic.twitter.com/ripiBbWfzO
— Loïs Elziere (@LoisElziere) 18 janvier 2019
Création de décors de spectacles en tous genres, création artistique, formation des artistes dans l’espace public avec la Formation supérieure d’art en espace public (FAI-AR), la Cité des arts de la rue ne s’adresse donc pas directement au public, et demeure une enclave fermée dans les quartiers nord. Mais aujourd’hui, elle souhaite s’ouvrir à l’extérieur et s’intégrer dans la vie du quartier.
Difficile d’exister culturellement dans les quartiers nord
« Ce n’est pas facile d’exister comme un lieu public et artistique dans les quartiers nord », explique Aude Vandenbrouck, coordinatrice de l’ApCAR, « Il y a une logique d’attractivité et de centralisation des propositions artistiques sur le centre-ville. On a besoin de plus de visibilité et de communication pour dire que sur ces territoires excentrés, il se passe des choses ». La coordinatrice du lieu déplore aussi le manque de transports qui décourage une partie du public, et a tendance à le réduire aux personnes véhiculées.
Pourtant, depuis que l’activité de création artistique est définitivement en place, les animateurs de la Cité des arts de la rue multiplient les efforts pour s’ouvrir à leur territoire. Une tendance qui s’accentue aujourd’hui, avec pour but de faire du lieu un espace de vie public et ouvert sur le territoire, tout en maintenant sa vocation pour les professionnels des arts de la rue.
Tous les prétextes sont bons pour attirer le public
« Nous travaillons sur le social, le pédagogique et l’artistique pour que les habitants du territoire profitent du lieu », explique Viviane Sieg, médiatrice culturelle de l’ApCAR. Un chantier d’insertion emploie six personnes du territoire depuis 2015. Ils ont réaménagé la cascade des Aygalades qui était inaccessible au public. L’attractivité du lieu s’est ainsi vue renforcée.
Aujourd’hui, on peut la visiter tous les premiers dimanches du mois, lors du marché de producteurs locaux, lui-même vecteur d’ouverture de la Cité des arts de la rue. « Le marché attire beaucoup de gens, qui viennent également visiter la cascade, et peuvent découvrir des créations artistiques et participer à des ateliers de plus en plus fréquents », explique Aude Vandenbrouck, pour qui « tous les prétextes sont bons pour ouvrir un peu plus le lieu au voisinage ».
Les jeunes y trouvent aussi leur compte grâce à la multiplication d’actions avec les scolaires. Les six compagnies qui siègent ici reçoivent chacune les classes de six collèges du territoire. À l’issue d’une série d’ateliers, ils participeront à une grande représentation d’art de rue. Et pour séduire un peu plus les jeunes des alentours, une école de déplacement urbain (le parkour, ou l’art du déplacement, rendu populaire par les Yamakasis) va bientôt ouvrir. Pour les primaires, c’est l’étude de l’apiculture sur les ruchiers accueillis par la Citée des arts de la rue qui sert de prétexte pour découvrir le lieu.
Travail avec les centres sociaux, les scolaires, ouverture prochaine d’un restaurant, grande exposition en partenariat avec les musées de Marseille en fin d’année, la liste des actions menées par la Cité des arts de la rue pour attirer le public serait trop longue à énumérer. Une tendance qui s’accentue un peu plus chaque année. Mais comme le rappelle la coordonnatrice du lieu, Aude Vandenbrouck, « Comme pour La Villette à Paris, il va falloir encore un peu de temps pour que ce soit clairement identifié par les différents publics comme un lieu de proposition, et qu’ils se l’approprient ».
Le dossier du mois ?
Une semaine par mois, made in marseille explore une thématique de la ville. Un article par jour pour aborder les différents aspects d’une grande problématique.
Cette semaine, les quartiers nord sont à l’honneur. Noyaux villageois et grandes cités, pôles d’innovation, économiques et industriels, placés entre le plus grand port de France et deux grandes autoroutes, le potentiel de cette zone de Marseille et bien plus riche et complexe que les faits-divers ne le laissent entendre. Culture, agriculture, économie, entreprise, chaque jour, nous mettrons en avant une parole ou une initiative qui fait bouger le nord de la ville.