L’association marseillaise Vent du Large organise plusieurs fois dans l’année des séjours en mer avec des jeunes en difficulté. Objectif : les sortir de leur quotidien et les immerger dans un nouvel environnement pour créer des liens avec leurs éducateurs. Une véritable parenthèse à condition de jouer le jeu jusqu’au bout.
Cédric Bar est skipper en marine marchande. Naviguer à bord d’un voilier est son quotidien. Sauf que, deux à trois fois par an, c’est un public un peu particulier qu’il embarque avec lui. Un équipage de 6 à 7 personnes composé de jeunes en difficulté et de leurs éducateurs. Pour des séjours pouvant durer 10 jours, le temps d’aller jusqu’à l’île de Beauté et de revenir.
À bord, les jeunes participent au fonctionnement du bateau et doivent s’acclimater à la vie de groupe. « Il n’y a pas de règles prédéfinies avant leur arrivée. On les décide tous ensemble. Ça permet à une dynamique collective de se mettre en œuvre où chacun va trouver sa place », explique Cédric Bar. Au fil des heures et des jours, des liens se créent. Et, bien souvent, les relations se développent entre les jeunes et les éducateurs. « Les éducateurs gagnent un temps fou car, en quelques jours, ils apprennent à connaître les jeunes bien plus que pendant plusieurs mois dans les foyers. Ils les découvrent sous un nouveau jour, souvent plus positif. C’est la force du bateau comme outil éducatif », met en avant le skipper.
Des moments uniques à chaque traversée
Les séjours se mettent en place à la demande de structures spécialisées qui travaillent avec des jeunes en difficultés. Le critère principal doit être la motivation car plusieurs mois de préparation sont nécessaires avant la sortie en elle-même. « Il faut préparer les jeunes en amont. Leur faire faire un peu de voile, qu’ils passent leur certificat de natation… », explique Cédric Bar. C’est seulement après que le séjour peut être planifié, généralement pendant les beaux jours. « Sur 10 projets lancés chaque année, un tiers environ se concrétise. On aimerait bien en faire un peu plus dans le futur », confie le marin.
La vie en mer permet de révéler de véritables passions chez des jeunes. « Certains sont passifs, c’est-à-dire qu’ils vont faire ce qu’ils ont à faire mais sans chercher à s’impliquer davantage. D’autres, au contraire, se passionnent. Ils veulent tout faire et tout comprendre ! ». De belles rencontres et de belles histoires humaines s’écrivent à chaque séjour, qui ne ressemble d’ailleurs jamais au précédent ni au suivant. « Une fois, un des jeunes venait de Suisse et n’avait jamais vu la mer. À son arrivée, il a goûté l’eau pour savoir si elle était réellement salée ! », se rappelle Cédric Bar en riant.
Mauvaises ondes à bord
Si les séjours sont relativement paisibles, quelques complications se répètent d’une traversée à l’autre ces dernières années. La raison ? L’hyperconnectivité des jeunes. Mais pas seulement. « On se bat avec les jeunes pour qu’ils acceptent de lâcher leur téléphone portable pour vraiment se déconnecter de leur vie et de leurs soucis quotidiens. Certains passent complètement à côté de l’intérêt du séjour à cause de ça. Mais le problème vient aussi des éducateurs qui eux non plus n’arrivent pas à se passer de leur portable », regrette Cédric Bar.
L’association réfléchit d’ailleurs à mettre en place une règle pour limiter l’usage des appareils à 30 minutes en fin de journée. Un combat qu’il va peut-être falloir mener avec les futurs équipages pour que l’évasion puisse être totale à 100%.
Par Agathe Perrier