En France comme en Provence, des entreprises ont fait le choix de « se libérer » et d’opter pour un management basé sur l’intelligence collective. Cette alternative au management traditionnel et pyramidal, qui porte le nom « d’entreprise libérée », a été au cœur du 5e congrès international de l’intelligence collective qui vient de se dérouler à Marseille.
Jeudi 14 décembre, le séminaire sur l’intelligence collective bat son plein avec plus de 500 participants au parc Chanot. Un séminaire presque comme les autres, avec hôtesses d’accueil, petit déjeuner, stands et conférences. Pourtant, pas d’organisme événementiel derrière ce congrès mais juste les dix membres de l’association Vision 2021, qui promeut l’intelligence collective. “Nous étions dix personnes pour organiser l’événement, c’est la parfaite illustration de l’intelligence collective, explique Régis de Charette, co-organisateur. Dans un bon collectif, 1 + 1 = 3. L’efficacité est démultipliée lorsque l’écoute est bonne, que chacun trouve sa juste place, et que le projet fait sens pour tout le monde”.
Entreprise libérée
Améliorer les performances ? L’intelligence collective a commencé à intéresser le monde de l’entreprise, notamment avec la sortie en 2013 du livre-enquête de Brian M. Carney et Isaac Getz, Liberté & Cie. L’ouvrage démontre qu’en redonnant du pouvoir aux salariés, la rentabilité de l’entreprise s’améliore. L’entreprise libérée a depuis fait son chemin en laissant sur le bord les questions de hiérarchie, d’ordres, de règlement, de chef. Un petit chemin puisque les patrons traditionnels n’entendent pas délaisser leur pouvoir du jour au lendemain.
“C’est difficile de lâcher les rênes de l’entreprise”
Jean-Bernard Rivaton fait partie de ces entrepreneurs fous, et laisse ses 140 salariés décider de la politique de l’entreprise. Il fonde Exhibit en 1991, société spécialisée dans l’impression numérique très grand format et basée dans la région PACA. L’entreprise marche bien, mais son rôle de patron ne le rend pas heureux. “J’appliquais ce que j’avais appris, le management traditionnel. Mais je m’ennuyais, ça n’avait pas vraiment de sens. J’ai failli tout arrêter mais j’ai découvert l’intelligence collective, la psychologie sociale et la programmation neurolinguistique (PNL).” Avec la sortie de nombreux ouvrages sur l’entreprise libérée, il décide de se lancer en 2013 et organise un forum ouvert à tous les employés. “J’ai posé la question aux salariés : comment construire l’avenir d’Exhibit ensemble ? Des axes de développement majeurs pour l’entreprise sont ressortis. On a créé nos propres studios de création, une école de formation, ou des tutoriels vidéos pour chaque poste. C’est difficile de lâcher les rênes de l’entreprise, il faut apprendre à faire confiance. Mais ça paye. Ce sont ceux qui produisent qui savent.”
D’ici 20 ans, l’entreprise sera libérée, ou ne sera pas
Depuis, l’entreprise Exhibit se “libère” peu à peu. Certains services, sur décision des employés, n’ont plus de chef et sont autogérés. Lorsqu’un salarié ne se sent plus à sa place, il peut changer de poste ou de service. Mais surtout, il participe aux décisions stratégiques de l’entreprise. “Ils s’emparent du projet, leur travail prend du sens, et les performances de l’entreprises sont bien meilleures. D’ici 20 ans, les entreprises qui n’auront pas mis en place les processus d’intelligence collective ne seront plus adaptées au monde”.
Le message semble avoir été entendu en France. Les sociétés comme Décathlon ont déjà embrassé cette nouvelle organisation. À Marseille, l’entreprise Seafoodia a choisi le modèle depuis longtemps. Et au parc Chanot ce jeudi matin, on croise des entreprises comme Airbus ou Leroy Merlin, venues tendre l’oreille à l’intelligence collective.