Passionnée d’écologie, auteure engagée et fer de lance de la communication verte à Marseille, Agnès Olive se dévoile dans une rencontre exclusive… Celle qui a changé sa manière de vivre pour un quotidien plus « green », sans viande, ni fast food, ni cigarettes jetées par la fenêtre, évoque sa métamorphose dans un nouvel ouvrage : Change, à prononcer en anglais.
Comment, après 40 ans de vie, peut-on changer pour un mode de vie plus respectueux de la planète ? D’où vient le déclic ? Le changement est-il brutal ou progressif ? C’est à toutes ces questions qu’Agnès Olive, passionnée d’écologie, apporte des réponses dans son livre « Change, à prononcer en anglais ». Un ouvrage qu’elle signe comme un témoignage, sans vouloir donner de leçons aux autres, pour aider ceux qui se posent des questions à passer le cap du changement.
« Si ça peut déjà faire changer rien qu’une seule personne, ce serait formidable », confie-t-elle. Sa passion de l’écologie l’a même poussée, il y a deux ans, a créé son entreprise « Marseille Vert » pour mettre en avant celles qui agissent, au quotidien, pour le bien de la planète.
L’INTERVIEW
Made in Marseille – Bonjour Agnès Olive. Au début de votre livre, vous expliquez ce que vous faisiez avant : jeter des mégots par la fenêtre pour qu’il n’y ait pas d’odeur de tabac dans votre voiture, aller à des corridas, manger dans les fast-food… Qu’est-ce qui a fait, un jour, que vous avez changé de comportement ?
Agnès Olive – Ce n’est pas un matin : on se lève et on va changer. Chaque jour on fait un petit quelque chose, sans s’en rendre compte, et au bout de plusieurs mois voire années, on se dit « Non mais là quand même j’ai vraiment changé ! ».
Par exemple, on commence à réduire sa consommation de viande et parallèlement on va moins aller dans les fast-foods, mais on continue de s’y rendre de temps en temps car on est avec des gens qui y vont, etc. Il se passe donc un laps de temps d’environ deux ans où on est « flexitarien » et à un moment on se dit « Je n’ai plus mis les pieds dans un McDo depuis plus d’un an et je n’irai plus de ma vie ! ». Et quand on passe devant par la suite, on a mal au cœur tellement on sait que c’est mauvais.
Comment cette prise de conscience s’est faite dans votre esprit ?
J’ai commencé à comprendre au moment où on m’a bassiné les oreilles toute la journée, alors que j’ai des amis qui ont compris ça depuis très longtemps. Il arrive qu’à un moment donné on est réceptif à l’information qu’on entend. Aujourd’hui, à la télé ou à la radio, il ne se passe pas un jour sans qu’on parle du problème du réchauffement climatique, de la pollution… Je pense que c’est la multiplication des informations qui nous arrivent qui fait que petit à petit on prend conscience.
Si on prend, par exemple, le problème des déchets sauvages, tous les week-ends il y a un mouvement citoyen qui ramasse ces déchets à Marseille alors qu’il y a 10 ans il n’y avait rien. Quand on voit des gens qui passent leur dimanche à ramasser les saletés dans les rues de Marseille et que l’on passe à côté d’eux, forcément ça nous fait nous poser des questions.
Quelles différences, avec du recul, entre l’Agnès d’avant et celle de maintenant ?
Je pense que je suis beaucoup plus heureuse. Béa Johnson la miss Zéro déchets (auteure du livre « Zéro déchet, comment j’ai réalisé 40% d’économie en réduisant mes déchets à moins de 1 litre par an ! », ndlr), raconte dans son ouvrage combien elle est plus heureuse depuis qu’elle n’a plus grand-chose car le peu qu’elle a compte. On ne surconsomme pas donc on apprécie beaucoup plus. J’aimerais dire que c’est une question de maturité, mais je vois bien qu’il y a des jeunes de 20 ans qui sont déjà comme ça. Pour moi, en tout cas, ça a été une question de maturité de vraiment apprécier chaque moment de manière beaucoup plus consciente.
Il doit bien y avoir des aspects négatifs dans cette nouvelle vie ?
Oui, il y a quelques petits côtés négatifs. Chez moi, par exemple, il n’y a pas de végétarien donc parfois on ressent un petit isolement. On est en fait parti sur des chemins où on est tout seul car on ne va pas forcer les autres à faire comme nous. On s’isole aussi un peu car quelques fois on en a un peu marre d’avoir l’impression de faire la leçon aux autres et on ne partage plus trop forcément les mêmes plaisirs qu’eux.
Mais la vie est formidable car elle nous rapproche de gens qui sont comme nous. Il y a 10 ans, je n’avais pas les mêmes amis qu’aujourd’hui. Mais ce n’est pas grave, la vie est faite de séparations et de rencontres. Peut-être que dans 10 ans je serai complètement extrémiste et je ne verrai plus que les puristes ! Je pense qu’il faut laisser la vie évoluer.
« Un ami qui dirigeait des mines au Brésil me dit souvent : « J’ai passé des années à faire du mal à la planète, maintenant je répare ! » »
Regrettez-vous avoir eu cette prise de conscience « sur le tard » ?
Si ma vie est à refaire, j’essayerais d’aller plus vite oui, mais il ne faut pas regretter. En tout cas je ne suis pas trop sévère. Je me dis que j’ai pris conscience quand j’ai pu et maintenant je me rattrape. J’ai un copain bénévole chez Marseille Vert qui est Brésilien et qui dirigeait des mines au Brésil, activité non seulement polluante mais en plus avec des conditions de travail vraiment pas terribles. Et maintenant il fait de l’écologie à Marseille. Il me dit souvent : « J’ai passé des années à faire du mal à la planète, maintenant je répare ».
Est-ce que vous avez l’impression que d’autres personnes ont eu aussi cette prise de conscience ?
Complètement. Par exemple, pour Marseille Vert, je m’étais dit que j’écrirais un article positif en écologie par jour, mais je me suis demandé si ce serait réalisable. Au final j’en ai des tonnes en attente car des initiatives individuelles, des innovations en technologie, des mouvements liés à la terre, à la permaculture… Il y en a partout dans le monde !
J’avais l’impression d’être tout le temps en miroir avec des tas de gens qui étaient en train de prendre conscience comme moi, dans tous les pays du monde, quelle que soit la culture, le milieu social l’argent, l’âge, le sexe. Ça touche tout le monde et ça c’est vraiment génial car on se trouve à être en miroir avec des gens avec qui on ne pensait pas forcément partager quelque chose au départ. Le mouvement est grand et est en train de s’accélérer.
Vous écrivez, à la fin de votre livre, que ce changement se fera « dans le jeu collectif, entre nous, entre citoyens du monde ». Qu’est-ce que vous entendez exactement par-là ?
Je pense que les changements dans le monde partent toujours de niches, de microsystèmes, mais par contre pour changer le monde on a besoin de tout le monde. À l’état actuel, on est encore dans une société dominée par l’argent, même si beaucoup de changements se font. Si demain une grosse entreprise pollueuse me dit : « Pour faire une bonne action, je vais donner 100 000 euros à Marseille Vert », je vais les prendre et les redistribuer aux associations écolos. On ne peut pas toujours exclure les gens qui sont dans une économie classique, c’est leur façon de participer.
Beaucoup crient au Green Bashing, mais il ne faut pas. Il faut prendre tout ce qui va dans le bon sens. Mais il ne faut pas exagérer non plus. Il va arriver un jour où les lois vont changer, les choses vont évoluer, les pollueurs vont faire du bio ou moins polluer… Le changement, on le fera forcément avec tout le monde. Si on veut que le monde change, il faut qu’on soit au moins 70 à 80% à le changer.
Ce jeu collectif, le ressentez-vous à Marseille ?
Oui y compris du côté des grosses sociétés qui se sentent plus concernées, même si elles ne sont pas du tout dans l’écologie. Mais il faut se rappeler qu’on est dans une société d’image et toute société un peu intelligente a compris que si elle ne soignait pas son image, elle était cramoisie.
Il y a aussi le côté économie, qui est encore plus intéressant : pendant très longtemps, les entreprises ont cru, peut-être à juste titre, que protéger la planète, ça coûte cher. Aujourd’hui, on est quand même là pour montrer que, au contraire, ça permet de faire des économies, d’énergie par exemple et donc d’argent en ayant une meilleure image qui permet de récupérer une certaine clientèle, etc. Donc les entreprises, quand on commence à leur dire qu’elles peuvent y trouver leur intérêt, regardent les choses autrement.
Je trouve aussi qu’il y a, de la part des gens sensés, une prise de conscience écologique. Certains chefs d’entreprise veulent léguer leur affaire à leur progéniture et ont compris que, si on continue comme ça, la planète s’amenuisera et on ne laissera rien du tout. Tout ça ajouté au fait que je trouve qu’il y a beaucoup de gens qui, jusqu’à présent, étaient vraiment hermétiques et qui commencent à voir les choses un peu autrement.
« Marseille a un avantage : la beauté de son site naturel. Tout le monde y est sensible et ça permet de mieux faire comprendre aux gens la nécessité de préserver notre planète ».
Y a-t-il une nécessité à Marseille de créer un cercle vertueux local pour amener à ce changement, plus que dans d’autres villes ?
Marseille est quand même une ville assez pauvre et c’est une ville du sud. Plus on va dans le sud et plus les gens ont un état d’esprit individualiste plus « bordéliques ». Donc c’est vrai qu’à Marseille on a encore plus besoin qu’ailleurs de le faire car il y a toute une catégorie de gens qui sont hors circuit, qui sont assez pauvres et qui ne se préoccupent pas du tout de la planète, ce que l’on peut comprendre.
Mais Marseille a un avantage : la beauté de son site naturel. Cette beauté est quelque chose qui parle à tout le monde, même à ceux qui polluent. Ils ont tous accès à cette beauté et y sont sensibles. C’est pourquoi, tous les matins, je commence par mettre une photo « Marseille trop belle » sur les réseaux sociaux, parce que c’est participé à faire comprendre aux gens qu’il faut préserver l’environnement et leur rappeler qu’on vit dans un endroit sublime. Cet avantage permet de faire une communication beaucoup plus facile.
Par Agathe Perrier