Manuelle Gautrand, architecte née à Marseille et installée dans une agence parisienne depuis 25 ans, vient de remporter le Prix Européen d’Architecture, une récompense qui n’avait encore jamais été attribuée à un architecte français ni à une femme.

Le prix Européen d’architecture, décerné par The European Centre for Architecture Art Design and Urban Studies et The Chicago Athenaeum correspond au « plus haut prix d’architecture » européen. Il a été remis cette année à Manuelle Gautrand aux pieds de l’Acropole d’Athènes, en Grèce. Une distinction à laquelle l’architecte n’avait pas postulé par elle-même et qui récompense chaque année les professionnels engagés à faire progresser « les principes de l’humanisme européen et l’art de l’architecture ».

Une carrière ponctuée de projets éclectiques

Depuis l’ouverture de son agence en 1991, installée aujourd’hui à Paris, Manuelle Gautrand multiplie les projets de conception et construction de bâtiments dans des domaines aussi variés que des équipements culturels (théâtres, musées, centres culturels), des bureaux, des logements ou encore des équipements commerciaux et de loisirs. Aussi bien pour des clients publics que privés, en France comme à l’étranger. C’est le showroom de Citroën placé sur les Champs-Élysées et baptisé « C42 » qui l’a d’ailleurs fait connaître à l’international et aux yeux du grand public en 2007.

, Manuelle Gautrand : une Marseillaise décroche le Prix Européen d’Architecture, Made in Marseille
Le « C42 » showroom Citroën de Paris réalisé en 2007 par Manuelle Gautrand et qui l’a fait connaître à l’international et auprès du grand public © Philippe Ruault

Depuis, elle a signé des réalisations qui lui ont valu des prix prestigieux comme le prix International Architecture Awards remis par le Chicago Athenaeum, deux fois en 2011 pour le Musée d’Art moderne de Lille et la Cité des Affaires de Saint-Étienne ainsi que récemment, en 2017, pour les cinémas Alésia à Paris (14e). « Je suis très heureuse de cette réalisation car ce sont des cinémas qui renouent avec la tradition des cinémas parisiens comme de véritables projets culturels. Ils ont une dimension plus urbaine et plus festive que peuvent offrir les multiplexes, qui sont souvent des boîtes dans lesquelles on ne fait que voir un film », explique Manuelle Gautrand.

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Le cinéma Alésia à Paris pour lequel elle a remporté le prix international « The Chicago Athenaeum » en 2017 © Luc Boegly et Guillaume Guérin

Vers une évolution du rôle de l’architecte

Manuelle Gautrand participe actuellement à la consultation Inventons la Métropole du Grand Paris, le projet d’aménagement urbain du Grand Paris. « C’est intéressant car la plupart de ces consultations demandent une certaine audace de la part des architectes, en matière environnementale et de programmation. On voit qu’il y a une remise en cause qui commence à être assumée et que les architectes attendaient. Finalement, on intervient aujourd’hui sur des sujets où on peut aider à définir le projet et c’est bien de ne pas être appelé seulement pour construire un programme, mais aussi pour le co-concevoir. Je pense que l’architecte a une grande valeur ajoutée à apporter », souligne-t-elle.

Parmi les autres projets « atypiques » en cours de l’agence Manuelle Gautrand Architecture, l’extension d’une mairie avec une grande bibliothèque et des espaces municipaux à Parramatta, quartier d’affaires de Sydney en Australie. « C’est un programme intéressant car la ville est moderne et, au travers de ce projet, elle veut permettre aux habitants d’être plus proches des élus en ouvrant la mairie à la population », ajoute l’architecte.

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Le projet à Parramatta © Manuelle Gautrand Architecture

Une exposition itinérante en Europe en 2018

Accompagnant le prix Européen d’architecture, une exposition dédiée au travail de Manuelle Gautrand est à présent ouverte à l’Espace contemporain d’Athènes. Avant de voyager dans toute l’Europe à partir de 2018 pour permettre au plus grand nombre de (re)découvrir les différents projets de sa carrière.


L’interview

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© Joelle Dolle

Made in Marseille – Bonjour Manuelle Gautrand. Quel est votre sentiment après avoir remporté ce prix, en tant que première femme et premier architecte français d’autant plus ?

Manuelle Gautrand – J’étais très heureuse car, puisqu’on ne postule pas au prix Européen d’architecture, je n’étais pas dans l’attente d’une réponse ou d’un verdict. Cela  a donc été une surprise totale. La dimension Européenne de ce prix est très importante pour moi, car je me sens une architecte avant tout Européenne. Le fait également d’être la première agence française à être récompensé est un grand bonheur.

Vous avez dit justement vous sentir « plus Européenne que Française ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Il est vrai qu’il m’arrive de dire que je suis Européenne ou même Parisienne mais pas tellement que je suis Française. Je pense comme beaucoup avoir un attachement profond à l’Europe, qui a d’ailleurs une identité et une histoire architecturale qui lui sont propres, et il me semble important que nous le fassions valoir autant que possible.

Vous êtes née à Marseille et vous avez grandi autour de la Méditerranée, notamment à Montpellier. Pourquoi ne pas être restée dans le sud de la France ensuite ? 

Mes parents n’étaient pas vraiment originaires de Marseille donc je pense que, un peu comme eux, j’avais envie de changer de cadre, de voyager à mon tour. Je me suis retrouvée à Paris, qui est une ville que j’aime beaucoup  et que j’ai adoptée au point de me définir parfois, comme je vous le disais, comme Parisienne !

Vous avez réalisé des projets dans de grandes villes de France outre Paris, comme une passerelle piétonne de 72 mètres à Lyon, une extension du Musée d’Art Moderne de Lille ou encore un immeuble mixte hôtel et logements à Montpellier qui devraient être livré en 2018. À quand un projet sur Marseille ?

C’est vrai que c’est quelque chose que j’aimerais beaucoup, car Marseille est une ville que j’affectionne particulièrement. J’y suis toujours retournée très régulièrement pour « sentir les choses » et voir si la lumière y est toujours aussi belle. Ce qui est le cas d’ailleurs.

Quel type de réalisation aimeriez-vous concevoir ou seriez-vous d’accord de concevoir à Marseille ?

Peu importe. On peut voir dans mon travail que je ne suis pas spécialisée dans un domaine car je n’ai jamais voulu l’être. J’ai toujours beaucoup de plaisir à découvrir de nouveaux sites ou de nouveaux programmes. J’ai pour principe de ne jamais me préparer à un projet particulier, et de prendre ainsi beaucoup de plaisir à le découvrir lorsqu’il débute. Je suis curieuse de ce qui peut advenir, prendre forme et j’essaie de ne jamais faire de plan  à l’avance !

Par Agathe Perrier

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