En ce jour de manifestation sociale contre les ordonnances sur la réforme du code du travail, mise en place par le gouvernement d’Emmanuel Macron, Made in Marseille fait le point en local sur le rendez-vous houleux de la rentrée, avec les « contre », les « pour », et les sujets de la discorde.
Alors que la colère a grondé dans les rues de Marseille ce matin, avec dans son cortège le nouveau député du centre-ville Jean-Luc Mélenchon et son parti La France Insoumise, à l’initiative de la CGT, de Solidaires, la FSU et l’Unef, en France ce sont plus de 180 manifestations et 4 000 appels à la grève qui ont été recensés au total par la CGT.
Afin de poursuivre la contestation, la CGT a déjà prévu une deuxième journée de mobilisation le 21 septembre, la veille de la présentation des ordonnances au Conseil des ministres. La France insoumise organise de son côté une journée de manifestations le 23 septembre, contre le « coup d’Etat social » d’Emmanuel Macron. Et la FSU a proposé une journée d’action « au mois d’octobre ».
Les images de la journée de mobilisation marseillaise
Les Marseillais mobilisés contre la réforme du code du travail #LoiTravailXXL #manif12sept #rtm #cgt #Loitravail #Greve12septembre pic.twitter.com/7hUGA2Qdkf
— Made in Marseille (@MadeMarseille) 12 septembre 2017
Au menu de la contestation sociale contre la réforme du code du travail
Si la réforme du code du travail sera le fil rouge de la mobilisation, d’autres réformes inquiètent les manifestations, comme la baisse des APL, la hausse de la CSG, ou le gel du point d’indice (qui sert aux calculs de la rémunération des fonctionnaires), les réductions d’effectifs ou le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique.
Sur le code du travail, les syndicats contestent fortement plusieurs points de la réforme annoncée par Emmanuel Macron et dénoncent un prolongement de la Loi Travail votée en 2016 par le gouvernement précédent, qui engendrera une régression sociale très forte.
Retour sur les principales mesures qui fâchent les opposants à la réforme
Modification des barèmes des indemnités prud’homales
Il s’agit de l’un des points les plus épineux de la réforme : le plafonnement des dommages et intérêts aux prud’hommes en cas de procédure pour licenciement abusif. Une mesure qui garantira à l’employeur un plafond d’un mois de salaire à partir d’un an d’ancienneté, 20 mois au-delà de 28 ans. En contrepartie, la réforme prévoit un seuil d’indemnité, et parallèlement, augmente l’indemnité de licenciement de 25%, et les juges pourront s’affranchir de ce barème en cas de « violation d’une liberté fondamentale ».
Les syndicats ont dénoncé à l’unisson des plafonds beaucoup trop bas, et la limitation à un an contre deux ans actuellement du délai de recours aux prud’hommes pour tous les types de licenciement.
Ruptures conventionnelles collectives
Les entreprises, par un accord avec les syndicats, pourront lancer un plan de départs volontaires, en dehors d’un plan social. Le niveau des indemnités versées aux salariés volontaires sera fixé par l’accord d’entreprise. Plusieurs syndicats craignent que cette mesure ne permette un contournement des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou permette de cibler les départs de séniors, même si le texte prévoit que l’administration doit s’assurer de l’absence de « discrimination entre les salariés de l’entreprise, notamment à raison de l’âge ».
Fusion des instances représentatives
D’ici 2020, la réforme prévoit la fusion des délégués du personnel (DP), du comité d’entreprise (CE) et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Tous les syndicats sont opposés à cette mesure, craignant une baisse des moyens dédiés aux instances. Ils plaidaient pour un statu quo. Lors de la concertation, ils ont obtenu que l’entité fusionnée conserve les compétences des trois instances et puisse ester en justice.
Le rôle de la branche
Les ordonnances Macron prévoient que la branche conserve son rôle régulateur sur cinq thèmes : qualité de l’emploi, minima conventionnels, classifications, mutualisation des financements paritaires et égalité professionnelle. La branche pourra décider que ses accords priment sur l’entreprise : pénibilité, handicap, primes pour travaux dangereux, conditions d’exercice d’un mandat syndical. En revanche, l’accord d’entreprise va primer sur tous les autres sujets, dont la prime d’ancienneté ou le 13e mois.
CDD et CDI de chantier
Le point de vue favorable des syndicats patronaux marseillais
A Marseille et dans les Bouches du Rhône, deux syndicats patronaux se partagent la majorité des entreprises. D’un côté, l’UPE 13 : organisation patronale qui représente le Medef dans les Bouches du Rhône, composée de petites, moyennes et grandes entreprises de tous les horizons. De l’autre : la CPME 13, branche locale de la CPME, comprenez confédération des petites et moyennes entreprises.
Pour leurs deux représentants, Johan Bencivenga président de l’UPE13 et Alain Gargani, président de la CPME 13, cette réforme va dans le bon sens. Nous les avons rencontré à l’occasion de leur conférence de presse de rentrée, l’occasion de balayer ces questions.
« Le nouveau gouvernement a enfin pris en compte la réalité de notre tissu économique », Johan Bencivenga avoue apprécier la rapidité de la mise en action d’Emmanuel Macron. Le président de l’UPE13 assure que ces réformes sont très favorables à l’expression des TPE et PME, des artisans, des commerçants et admet une réelle prise de conscience du gouvernement. « Nous avons enfin les premiers signes d’une révolution de la philosophie du code du travail qui est resté figé sur le modèle de 1945 ». Avant de poursuivre « nous sommes restés dans ce contrat social sans se rendre compte que l’environnement européen avait changé, avec une mondialisation et une dématérialisation de l’économie ».
« La rapidité de mise en œuvre de la réforme du code du travail est positive pour nous entrepreneurs » @JohanBencivenga @UPE13_ @enmarchefr pic.twitter.com/JntUH5Ok9E
— Made in Marseille (@MadeMarseille) 6 septembre 2017
Il nuance toutefois le seuil des 50 salariés choisi par le gouvernement, qui selon lui ne va pas assez haut « Les ordonnances ont tout de même limité certaines améliorations au seuil de 50 salariés, et je pense qu’au delà de ce nombre, on reste une petite entreprise » explique le président de l’UPE 13.
De son côté, Alain Gargani expose également son soulagement pour les TPE et PME qu’il représente « C’est une victoire syndicale pour notre organisation. Cette réforme traduit la reconnaissance à leur juste valeur des TPE, PME. Elles représentent quand même 99% du tissu économique et 90% des emplois dans notre département. » A propos du plafonnement des indemnités prudhommales, « le fond prévaut désormais sur la forme, et c’est le plus important ».
Les deux représentants des patrons des Bouches-du-Rhône partagent tout de même leur déception concernant l’augmentation de 25% d’indemnités de licenciement, « une mauvaise surprise » selon Johan Bencivenga.
« Rassurer les salariés »
De son côté, Alain Gargani explique avoir un objectif, celui de rassurer les salariés qui sont pour lui « le rayonnement de l’entreprise ». « Un chef d’entreprise n’est jamais heureux de se séparer de l’un de ses collaborateurs, cela brise le coeur et révèle l’échec de l’entreprise ! ». Il voit cette réforme comme une opportunité pour relancer l’embauche « Grâce à ces nouvelles mesures, les entreprises seront moins frileuses pour embaucher ».
Un constat partagé par son confrère Johan Bencivenga « la peur d’embaucher est une réalité, un frein à l’emploi » A l’instar du président de la CPME13, il veut apaiser le corps salarial « les chefs d’entreprise ne sont pas là pour casser de l’emploi mais au contraire, pour en créer ».
Reportage réalisé avec Manon Ufarte et Agathe Perrier