Un petit marché de producteurs bio aux prix solidaires a poussé au milieu des tours de la Viste. Cette expérimentation, menée par Action contre la faim et le centre social del Rio, espère semer des graines dans le nord de Marseille.
À La Viste, les trois grandes tours reconnaissables du 38 chatouillent le ciel nuageux. Mais en ce troisième mardi du mois de mars, les stands de fruits et légumes du marché de producteurs bio égaient le paysage, maquillant l’esplanade du centre social del Rio en jolie petite place de village.
« Tenez, regardez ces belles blettes à tiges colorées », sourit Étienne, jeune maraîcher. « Revenues à la poêle avec du sel et du poivre, c’est délicieux », attrape une habitante pour l’enfourner dans son chariot. Les poireaux, les choux et les oranges bien rondes dans les cagettes lui font de l’œil.
Sur les étals, les œufs frais sont partis comme des petits pains ce matin avant 10 heures. « On en prendra plus la prochaine fois », promettent les paysans de Graines de soleil, un chantier d’insertion de Châteauneuf-les-Martigues basé sur l’activité maraîchère.
Certains habitants n’ont pas manqué un seul jour de marché, les 1er et 3e mardis du mois, depuis le lancement de l’expérimentation en mai dernier par Action contre la faim et le centre social del Rio.
Des tarifs solidaires pour les habitants de la Viste
« Ce n’est pas un simple marché, c’est un vrai projet politique de droit à l’alimentation saine », revendique Aloys Vimard, chargé de projet pour l’ONG dans le 15e arrondissement.
Après une étude précise de l’offre alimentaire pratiquée dans le quartier sur 400 produits, dans les supermarchés environnants jusqu’au marché aux Puces, Action contre la faim a établi trois tarifs distincts pensés pour une juste rémunération des agriculteurs.
Le premier est à 100% en vente direct du producteur, inscrit au marqueur blanc sur les étiquettes. Juste à côté, le prix en rouge indique une réduction de 25% pour les habitants. Et pour certains d’entre eux, suivis par des structures sociales, le prix des denrées peut être réduit de moitié.
Le marché accepte même les chèques d’accompagnement personnalisés (CAP) distribués par l’aide sociale et utilisables pendant huit mois, remis sous conditions de ressources. Un stand est d’ailleurs prévu à cet effet pour la diffusion d’information et l’orientation vers l’accès aux droits.
L’action sociale municipale (CCAS) est aussi présente pour accompagner les familles sur le site. Car « l’alimentation peut être la première porte d’entrée pour obtenir un accompagnement plus global », soutient Aloys.
Étendre les horaires et essaimer
En décembre dernier, Action contre la faim a réalisé une étude sur les habitudes de consommation des 50 clients par semaine afin d’affiner leur offre alimentaire. Parmi eux, la majorité habitent au cœur de la cité, au 38 La Viste, mais certains se déplacent depuis Saint-Louis, un quartier voisin.
D’où la volonté d’essaimer cette expérimentation dans d’autres quartiers du nord de Marseille. « 80% n’avaient pas pour habitude de manger du bio », se félicite Aloys Vimard, qui révèle aussi quelques pistes d’amélioration, comme étendre les horaires du matin.
Dès le mois de mai, le marché se déploiera donc à partir de 8h au lieu de 9h30. « On aimerait aussi proposer ce marché toutes les semaines », ajoute Aloys. D’autant que les habitants font un panier de courses tous les sept jours, voire moins.
Certains demandent aussi une plus large variété de produits. « Du poisson et du poulet », lance un papa cajolant son bébé de quatre mois, pour parvenir à mettre du beurre dans les épinards.
