Pour faire face à la problématique du mal-logement dans le département des Bouches-du-Rhône, particulièrement touché par le problème, trois axes de travail ont été proposés par le Gouvernement : construire plus de logements sociaux, encadrer les loyers et mettre en place un grand plan de résorption de l’habitant insalubre. Reportage.
Vendredi dernier, Marie-Arlette Carlotti, Présidente du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées (HCLPD) et ancienne Ministre du Gouvernement Ayrault, a exposé son rapport d’évaluation de la loi DALO dans les Bouches-du-Rhône, presque 10 ans après sa mise en application. Le bilan est alarmant et révèle trois problèmes majeurs : l’offre de logements sociaux insuffisant, les problèmes d’insalubrité et un marché privé bien trop onéreux.
Le département Bouches-du-Rhône, le mauvais élève en matière de logement
Le département des Bouches-du-Rhône s’avère particulièrement touché par cette problématique du mal-logement en France. En 2015, 6000 dossiers de demande DALO ont été déposés dans le pays, dont 48% dans les Bouches-du-Rhône, soit presque la moitié.
Pour rappel, la loi Dalo permet aux personnes mal logées, ou ayant attendu en vain un logement social pendant un délai anormalement long, de faire valoir leur droit à un logement décent ou à un hébergement si elles ne peuvent l’obtenir par leurs propres moyens. Or, si cette loi promet d’aider les personnes dans un délai légal assez rapide (180 jours), il explose en Bouches-du-Rhône avec 292 jours d’attente en moyenne.
Et cela, à cause d’une offre en logement social bien en dessous de la demande : la particularité du territoire est le taux particulièrement bas de mobilité, le taux de rotation est de 6,7%, laissant peu de place aux nouveaux demandeurs.
Même si l’objectif triennal de la loi SRU (2011-2013) fixé à 5855 logements sociaux a été largement rempli avec 7694 logements réalisés, 42 communes des Bouches-du-Rhône se trouvent encore carencées, face au refus de certains maires à les construire.
Au regard de la croissance démographique, la situation ne devrait malheureusement pas s’améliorer de si tôt, avec 20 000 et 24 000 ménages supplémentaires à loger chaque année jusqu’en 2030 pour la région PACA.
Des recours encore trop peu utilisés
Outre le manque de logements sociaux, le fonctionnement des différents contingents disponibles n’est pas encore exploité au maximum : le contingent d’Action logement (40% des logements construits) ne représente que 6,7% des relogements à ce jour et le dispositif du 1% logement pour les ménages salariés n’est pas assez utilisé. Le contingent préfectoral (25% du parc locatif), doit être accordé en priorité aux ménages DALO. Mais, 3000 ménages pourtant reconnus DALO sont encore en attente de relogement dans les Bouches-du-Rhône, certains depuis plusieurs années.
Devant ce fonctionnement encore mal maîtrisé, beaucoup choisissent de se loger dans le secteur privé, avec comme conséquence une difficulté à payer leur loyer. En effet, les locataires du parc privé sont plus modestes dans les Bouches-du-Rhône que dans le reste de la France car le taux de pauvreté y atteint 18,1% contre 14,3% dans l’hexagone. Ainsi, 23% des locataires sont en difficulté de paiement contre 17% en moyenne nationale.
Cela s’explique par des coûts de loyers déconnectés du revenu des habitants. Les loyers des logements neufs ont un prix supérieur à la moyenne régionale dans les Bouches-du-Rhône, alors que les habitants y sont plus pauvres.
L’insalubrité pointée du doigt
Autres problèmes auxquels sont confrontés les locataires du parc privé : l’insalubrité et l’habitat indigne. « Nous avons remarqué un taux d’insalubrité dans les Bouches-du-Rhône et particulièrement à Marseille bien plus haut que dans les autres départements que nous avons étudiés », nous explique Marie-Arlette Carlotti.
A Marseille, 1000 000 foyers seraient logés dans des habitats présentant un risque pour la sécurité ou la santé (intoxication au plomb, saturnisme, humidité..) soit 1 habitant sur 8 concerné. Ces logements sont particulièrement présents dans le centre-ville et dans les copropriétés des années 60-70 au nord de Marseille.
De plus, la sur-occupation a également été constatée, avec moins de 9 m2 d’espace par personne pour 10% de ces logements indignes.
Les propositions émises
Trois axes d’amélioration ont été évoqués pour le département Bouches-du-Rhône :
- L’encadrement des loyers, comme en région Ile de France qui fonctionne grâce à un Observatoire des loyers. « Nous avons eu la chance d’être doté très tôt d’un observatoire des loyers dans les Bouches-du-Rhône, il ne manque plus que la reconnaissance ministérielle pour que l’encadrement des loyers soit mis en place », expliquait René Dutray, le secrétaire générale du Haut Comité au Logement. Cet encadrement permettrait de fixer chaque année des indicateurs de loyers, par type de logement et par secteur géographique pour éviter les coûts abusifs.
- L’augmentation de l’offre des logements sociaux, en appliquant la loi SRU. Les maires récalcitrants devront néanmoins accepter de construire des logements sociaux pour que la situation se débloque.
- Mise en place d’un plan global de résorption de l’habitat insalubre. Cela passerait notamment par la création d’une organisation administrative qui favoriserait l’application des procédures de polices sur l’habitat indigne. Mais aussi par la création d’un plan de relogement définitif, mobilisant activement les contingents. Un plan d’action exceptionnel pour le traitement des grandes propriétés insalubres devrait également être lancé.
Un des principaux problèmes soulevés en matière de politique de logement est le manque de communication entre tous les acteurs concernés. « Le combat s’annonce très compliqué, mais ce n’est pas une raison d’abandonner, au contraire » a conclu avec espoir Marie-Arlette Carlotti.