Les savonneries marseillaises exportent 30% de leur production, en particulier au Japon, en Corée du Sud et à Taïwan. Tour d’horizon des méthodes de ventes, parfois insoupçonnées comme le téléshopping, pour fidéliser cette précieuse clientèle.

Aux confins des Aygalades (15e), le maître savonnier surveille les grands chaudrons ancrés depuis 130 ans dans la Savonnerie du midi, rachetée il y a 10 ans, qui produit la marque historique La Corvette. Un parfum indescriptible imprègne la pièce puisque le « vrai » savon de Marseille est « extra-pur », composé de 72% d’huile, et n’a pas ou peu d’odeur.

Quatre dernières savonneries nées à la fin du XIXe siècle fabriquent l’authentique savon de Marseille : la Savonnerie du midi, Marius Fabre, Le Sérail et Le Fer à Cheval. On est loin de la centaine de savonneries marseillaises d’avant-guerre quand le savon se vendait en masses pour laver le linge. Aujourd’hui, les clients l’utilisent majoritairement pour leur hygiène corporelle.

Depuis 12 ans, ces savonneries sont regroupées au sein de l’Union des Professionnels du Savon de Marseille (UPSM) pour protéger leur « trésor », souvent « galvaudé en France et dans le monde, rappelle Julie Bousquet-Fabre, présidente de l’association et de la savonnerie Marius Fabre. Alors que le savon de Marseille participe au rayonnement de la Provence à l’étranger ».

savon de Marseille, Comment l’authentique savon de Marseille a conquis l’Asie, Made in Marseille
Le savon de Marseille exposé au musée de la Corvette.

Un tiers de la production exportée

Et pour cause, son entreprise familiale fondée en 1900 à Salon-de-Provence, creuset du commerce des huileries à cette époque, exporte un tiers de sa production, à l’instar de La Corvette, Le Fer au Cheval et Le Sérail.

La part des exportations est d’autant plus impressionnante sur le marché asiatique. On retrouve en peloton de tête le Japon, la Corée du Sud et Taïwan. Pour La Corvette, ce marché représente même 70% des ventes à l’international, soit 23% du chiffre d’affaires total.

Les savonniers expliquent cet attrait par la recherche de produits authentiques des clients asiatiques qui « reconnaissent davantage les atouts du savon de Marseille que notre clientèle française. En particulier les Japonais qui sont très exigeants. Ce sont nos meilleurs ambassadeurs », livre Julie Bousquet-Fabre.

savon de Marseille, Comment l’authentique savon de Marseille a conquis l’Asie, Made in Marseille
L’usine de La Corvette, avec différentes publicités sur les murs.

Les Japonais en utilisent pour les cheveux

Marius Fabre travaille depuis 35 ans avec le pays du soleil levant. Le produit le plus vendu est une barre de savon à la découpe. « C’est un produit cher, notamment avec les frais de transport et l’image premium que nous avons », affirme la dirigeante.

Pour Le Fer à Cheval, c’est le cube vert qui fait un malheur au Japon, en Chine et en Corée du Sud. « Le cube c’est un peu notre cheval de Troie. C’est une première approche qui témoigne de notre ancrage, qui raconte la belle histoire. Mais ensuite, on vend des produits dérivés plutôt parfumés », assure Christophe Bougouin, directeur export de la savonnerie.

Les clients japonais de La Corvette achètent surtout le cube de 600 grammes pour se laver les cheveux. « Ils ont des cheveux qui leur permettent de le faire car ils produisent peu de sébum », explique Pierre Buillas, directeur commercial France et export.

savon de Marseille, Comment l’authentique savon de Marseille a conquis l’Asie, Made in Marseille
Marius Fabre dans la presse japonaise © Marius Fabre

Des méthodes de vente différentes

Le directeur revient d’ailleurs de Corée du Sud où il s’est expatrié deux ans pour y développer les ventes. « La confiance est centrale dans le commerce. Il faut beaucoup réseauter », nous apprend l’expert. Le réseau est encore plus prégnant au Japon. « Ça peut durer des mois voire des années avant de signer un contrat », convient-il.

Une fois le contrat signé, les marques passent par un système de catalogue très « premium » afin de pouvoir vendre en e-commerce et via des revendeurs pour des enseignes telles que Tokashimaya à Tokyo, un style « Le bon marché à Paris en plus haut de gamme » selon Julie Bousquet-Fabre.

savon de Marseille, Comment l’authentique savon de Marseille a conquis l’Asie, Made in Marseille
Téléshopping pour le savon La Corvette en Corée du Sud

650 000 euros de vente en une heure en téléshopping

Le plus étonnant, peut-être, est la force du téléshopping, un canal de vente très utilisé, surtout en Corée. En 2017, la Corvette a vendu pour 650 000 euros en une heure. « On a mis des mois à monter cette émission, à contacter une influenceuse, trouver les studios, les produits… », raconte Pierre Buillas qui s’est lui-même prêté au jeu en présentant l’histoire de l’entreprise en français, sous-titré en coréen, « pour que ça fasse authentique ».

Car tout est une question de « storytelling » autour de ce savoir-faire ancestral à la française. Un argument néanmoins « qui ne compte pas tellement » pour attaquer le « difficile » marché nord-américain encore très marginal pour les savonneries de Marseille. En attendant, elles accueillent les touristes dans leurs musées, espérant se faire mousser.

Bouton retour en haut de la page