Voté en 2019, le Plan Vélo prévoit la réalisation de 130 kilomètres de pistes cyclables à Marseille d’ici 2030. Malgré les retards, des axes prioritaires se dessinent du côté de Baille et Prado.
Dans les rues de la cité phocéenne, les cyclistes sont de plus en plus nombreux à se mêler au « oaï » marseillais. En 2021, ils étaient 7780 à déclarer utiliser le vélo pour aller au travail, soit 2,42% des actifs (enquête Insee). En dépit de l’absence de données actualisées, leur nombre semble continuer de progresser.
Ces usagers quotidiens de la bicyclette tentent de se frayer un chemin, souvent semé d’embûches, au milieu des piétons, scooters, voitures et autres engins motorisés. Une cohabitation devenue compliquée, qui nécessite de repenser le partage de l’espace urbain.
C’est la visée du Plan Vélo, voté en 2019 par le conseil métropolitain. 85 km de pistes sécurisées devaient être déployées d’ici 2024, pour atteindre 130 km avant 2030. Le projet prévoit notamment la création de huit grandes lignes structurantes. Cinq ans plus tard, la route semble encore longue mais le réaménagement du boulevard Baille et de l’avenue du Prado pourrait faire consensus. Point d’étape.
50% de la phase 1 du plan vélo réalisés
« Avec 42 km de pistes concrétisées, nous avons pour l’instant atteint 50% de l’objectif que nous nous étions fixé pour la première phase », indique Frédéric Guelle, vice-président (UDI) de la commission métropolitaine transports et mobilités.
Un bilan que Vélos en Ville commente dans un rapport présenté en décembre 2023. Le collectif marseillais, qui compte 1200 adhérents, note que les chiffres mis en avant intègrent 26 km d’aménagements cyclables pré-existants.
Christophe Monnier, le président de l’association, salue tout de même des avancées notables sur le boulevard National, le boulevard Charles Livon et la promenade Pompidou mais déplore la cadence . « Si l’on continue d’aménager un kilomètre de piste par an, il faudra 50 ans pour avoir un réseau cyclable cohérent ».
Selon lui, « les études montrent que 40% des gens aimeraient se mettre au vélo car c’est le moyen de déplacement le plus pratique en ville. Mais ils ont peur de ne pas trouver un environnement sécurisé ».
Toujours 130 kilomètres dans le viseur
Frédéric Guelle, qui tient à préciser qu’il est lui même cycliste, assure qu’un réseau de 76 km aura vu le jour à Marseille d’ici 2026 et que les 130 km des pistes seront bien achevés d’ici 2030, soit « 100% » du plan annoncé.
Il fait valoir d’autres avancées, comme l’installation de 1100 nouveaux arceaux pour les vélos, pour un total de 5200 places à travers la ville, ainsi que la création de 38 abris sécurisés sur l’ensemble du territoire.
L’élu métropolitain se félicite également du succès « extraordinaire » du nouveau service LeVélo, malgré quelques couacs au démarrage. « On n’avait pas anticipé un tel engouement. Maintenant, il faut augmenter le nombre de vélos, améliorer leur disponibilité et créer de nouvelles stations ». Il propose d’en ajouter à proximité des groupes scolaires.
Priorité à Baille et Prado
La municipalité indique de son côté avoir transmis à la Métropole une liste de 20 projets qu’elle juge prioritaires. Tout en haut de celle-ci, figure le traitement des axes Baille et Prado, pour lesquels elle souhaite la réalisation de pistes cyclables séparées des piétons, et donc sur la chaussée.
Une priorité partagée par Vélos en Ville qui identifie deux couloirs structurants pour les cyclistes : l’axe Est-Ouest, entre la Timone et les plages du David, et l’axe Nord-Sud, entre la Porte d’Aix et Mazargues.
« Le projet de réaménagement du boulevard Baille est toujours en concertation avec la Ville », répond Frédéric Guelle. L’élu souligne aussi la « volonté totale » de la Métropole de repenser les avenues du Prado, « en dédiant par exemple une des voies automobiles aux cyclistes ». Sans pour autant préciser un calendrier précis à ce stade. La présidente de la Métropole, Martine Vassal, avait annoncé un projet en ce sens lors de ses voeux en janvier 2024.
Un dialogue transpartisan à la peine
Si la Ville et la Métropole s’accordent toutes les deux à dire qu’il faut donner un coup d’accélérateur au Plan Vélo, la relation tumulteuse entre les deux institutions, l’une tenue par la gauche, l’autre par la droite, complexifie parfois sa mise en oeuvre. En témoigne la récente démission d’Etienne Tabbagh, adjoint des 1-7 en charge des mobilités. L’élu écologiste dénonce « une impasse politique ».
Une frustration partagée par son homologue des 6-8, Anne Meilhac, qui estime que « ni les projets structurants du Plan Vélo, ni les projets secondaires n’avancent ». Du côté de la mairie des 4-5, Vincent Kornprobst, l’adjoint délégué aux mobilités, a pour sa part choisi la voie de la pétition pour demander « un renouvellement de l’aménagement du boulevard Chave » en faveur des piétons et des cyclistes. « Nos courriers à la Métropole étaient restés lettre morte », justifie-t-il.
Frédéric Guelle réfute toute volonté d’obstruction et attribue ce « temps long » aux « lenteurs administratives. S’il assume de « réduire la place de la voiture pour pousser les gens à changer de mode de déplacement », il tient à rappeler que « Marseille a beaucoup de petites rues. Nous devons réfléchir au maillage car les voitures ne peuvent pas léviter ».
La police municipale attendue sur le respect des pistes cyclables
Alors que le Plan Vélo avance à petits pas, un autre écueil « exaspère » le collectif Vélos en Ville : « la passivité de la police municipale vis-à-vis du stationnement gênant sur les pistes cyclables ». Pour Christophe Monnier, « il y a un problème de volonté politique, une hésitation à prendre le sujet à bras-le-corps ».
Premier concerné, Yannick Ohanessian, adjoint au maire en charge de la sécurité, assure que la municipalité « a énormément travaillé sur le sujet ». Il estime à 180 000 le nombre de verbalisations pour stationnement gênant, abusif ou dangereux à Marseille en 2023. « Une augmentation conséquente », assure l’élu. Il avance également le chiffre de 10 000 véhicules mis en fourrière au cours du 1er semestre 2024.
L’élu socialiste annonce l’arrivée prochaine de nouvelles grues pour enlever les deux-roues ainsi que la réorganisation de la fourrière en 2025 avec la création de lieux de stockage au nord, au sud et au centre « pour intervenir plus vite ».
« Mais quand un aménagement cyclable est bien fait, il est respecté », tient à rappeler Audrey Gatian, l’adjointe au maire en charge des mobilités. La qualité du réseau cyclable marseillais devrait justement faire l’objet d’un nouveau débat. Une révision du Plan Vélo pour la période 2025-2030 est annoncée.