Du côté de Plombières (14e), le groupe Duval va transformer l’ancienne usine Pillard en « espace de coworking pour petites entreprises » sur plus de 10 000 m2 d’ici 2027. Le projet n’est pas du goût du collectif Les 8 Pillards résidant sur le site, qui candidatait également.
Nous sommes à l’orée du 14e arrondissement de Marseille, quartier de Bon-Secours. En contrebas du viaduc de Plombières, derrière le KFC, un terrain vague et une friche industrielle : l’ancienne usine Pillard. De celles qui, à Marseille, ont connu plusieurs vies.
Rue des Frères Cubbedu, dans les années 1980, la société Pillard a bâti cette manufacture pour y concevoir des brûleurs industriels de pointe. Le groupe marseillais fondé en 1920 est aujourd’hui un leader mondial des fours à très haute température. À la suite d’un incendie, la fabrique a déménagé au Sud de la ville. Et le siège de la société vient de s’installer au technopôle de Château-Gombert (13e).
Restaient donc ces plus de 5 000 m2 de bâti industriel, vacants depuis 2015. Il n’en fallait pas plus pour attirer les convoitises. D’abord celle des artistes et créateurs à Marseille, toujours friands de friches. En 2019, le collectif des 8 Pillards a convaincu l’établissement public foncier (EPF) d’occuper le bâtiment qu’ils ont retapé et réagencé.
Ateliers d’artisans, espaces de création artistique, studio et résidence d’artistes, salle de spectacle, expos, bureaux d’associations… Depuis 2019, environ 75 personnes pour une quinzaine de structures vivent et font vivre le lieu. Mais plus pour longtemps.
Livraison attendue en 2027
L’EPF a lancé en 2022 un appel a projets pour céder le site définitivement, moyennant trois millions d’euros. Si le collectif a candidaté pour pérenniser son projet, le jury a finalement sélectionné celui du groupe Duval.
Selon nos informations, le promoteur immobilier, soutenu financièrement par la Caisse d’épargne CEPAC, prévoirait d’investir près de 20 millions d’euros pour dépolluer et réhabiliter l’ancienne usine Pillard et ses alentours.
Le lot comprend en effet l’usine voisine, Cina, où la société Nomado produit des unités compactes de traitement d’eau. Sans oublier le terrain vague de 4 500 m2, côté Plombières, voisin du KFC, où doit s’élever un bâtiment neuf. Le tout pour une livraison estimée en 2027.
Une colocation de petites entreprises visant 300 emplois
Entre réhabilitation et construction neuve, le projet doit atteindre 10 000 à 11 000 m2 de surface de plancher. Sa future vocation ? Un « hôtel industriel », décrit-on du côté de l’Établissement public foncier.
« Un espace de coworking pour entreprises de petite taille », peut-on entendre. Plutôt qu’une seule grande société, une multitude de plus petites doit occuper le site.
Il sera pensé pour accueillir plusieurs artisans, des acteurs de logistique urbaine légère, et autres entreprises de taille modeste. Elles bénéficieront de locaux individuels mais aussi d’espaces et de matériel mutualisables (ateliers, machines, zones de stockage, restauration).
À terme, les porteurs tablent sur « 300 emplois directs sur le site », indique l’EPF. Hormis cette dimension socio-économique, « la qualité de réhabilitation, de dépollution, architecturale, le sérieux financier et les compétences techniques du groupement », ont séduit le jury. Il comprenait la Métropole Aix-Marseille-Provence et la Ville de Marseille. Cette dernière précise un choix « à l’unanimité ».
Les 8 Pillards sur le départ
On retrouve aussi une unanimité du côté du collectif des 8 Pillards, mais contre ce projet. D’abord, car il les pousse vers une sortie imminente. Leur dernière convention d’occupation aboutit fin 2024. Si prolongation il y a, ce ne sera que quelques mois, alors que les premiers travaux doivent débuter au plus tard mi-2025.
« On nous avait laissé nous projeter sur 5 à 10 ans. Ce qu’on a fait avec enthousiasme, rage Cécile Kohen qui co-préside Les 8 Pillards. On a fait énormément de travaux pour réhabiliter le site. C’est 360 000 heures de travail qu’on a investies, estime-t-elle. Soit, des millions d’euros. Tout ça pour rien… ».
Pour ajouter à la frustration, le collectif juge avoir candidaté à la reprise avec un projet « mûrement travaillé. Financièrement solide avec un fonds d’investissement à impact adossé à Amundi, la foncière Essentiel (Redman) et le soutien de l’ANRU ».
Les 8 Pillards se sont aussi entourés d’experts locaux et internationaux. « Des architectes berlinois spécialistes de projets collectifs, l’agence Encore heureux spécialiste de la réhabilitation industrielle. Et Raedificare pour le réemploi de matériau du bâtiment ».
Cécile Kohen défend « un projet circulaire, frugal et innovant, co-construit par le monde associatif, avec et pour la société civile. Il me semble que c’est ce que prône la puissance publique, notamment la municipalité de Marseille. D’autant que notre projet a également une dimension économique. Avec déjà 70 emplois sur site qu’on aurait pu développer encore ».
Au moment de la publication de cet article, la Ville, la Métropole, l’EPF et le Groupe Duval n’ont pas apporté plus de précisions à nos sollicitations. Les institutions prévoient en effet une communication commune prochainement. Elles permettra de se faire une idée plus précise du projet que porte le groupe Duval pour l’ancienne usine Pillard.