À Fos-sur-Mer, ArcelorMittal fête ses 50 ans dans le bonheur et la douleur. Le sidérurgiste, qui inaugure son « four poche » pour réduire de 10% ses émissions de CO2, joue son avenir au niveau européen.
Casque, lunettes, gants, chaussures de chantier… Il faut se changer de la tête aux pieds pour pénétrer dans le site du « four poche » flambant neuf de ArcelorMittal à Fos-sur-Mer. Le sidérurgiste ouvre une première page « décarbonée » de ses 50 ans d’histoire avec cette nouvelle technologie avancée.
Depuis 1974, le géant produit de la fonte liquide, un mélange de minerais de fer et de charbon, dans ses deux hauts fourneaux. Elle est ensuite transportée dans une aciérie pour y intégrer de l’acier recyclé (ferraille). Mais sa production reste encore très émettrice en carbone.
C’est là que le « four poche » intervient. Le nouveau bébé d’ArcelorMittal, dont la gestation a duré quatre ans (2021-2024), n’a rien d’un four en apparence. Il présente un bras métallique qui valse entre deux grosses installations verticales (dites « poches ») pouvant chacune contenir plus de 300 tonnes d’acier liquide.
Le but de cette installation est de réchauffer le mélange à plus de 1600 degrés. Dans quel objectif ? Pour y incorporer « cinq fois plus d’acier recyclé », assure Christian Vromen, le responsable du projet. Et ainsi diminuer de 10% les émissions de C02 en 2025 ». Il restera encore du chemin à parcourir car, le groupe, qui gère 40 sites, est responsable de 20% des émissions de l’industrie française.
Affronter la concurrence asiatique
Cet acier est vendu dans le Sud de l’Europe, en Espagne, Italie, Turquie ou encore au Maroc, pour alimenter le secteur automobile (30%) et de l’industrie (70%). A Fos, sa production de 2,5 millions de tonnes d’acier, place ArcelorMittal comme le 2e employeur industriel des Bouches-du-Rhône avec 2 500 salariés.
Ces beaux chiffres cachent désormais une toute autre réalité : le groupe vient d’annoncer « une réduction de 10% de ses effectifs sur le site » fosséen. Notamment à cause de la fermeture d’un de ses deux hauts fourneaux l’année dernière.
Cet arrêt est en partie la conséquence de la baisse de la demande d’acier en Europe, proche de 15%. Mais aussi de la concurrence féroce avec les États-Unis et la Chine qui « pratiquent des prix très compétitifs », estime le maire de Fos-sur-Mer, René Raimondi.
Quel rôle de l’Etat et de l’Europe pour l’avenir d’ArcelorMittal ?
L’édile est venu fêter l’anniversaire symbole de cette grande entreprise, fleuron industriel de son territoire, comme le préfet de région, Christophe Mirmand. L’État a d’ailleurs mis sa pierre à l’édifice en finançant 15 millions d’euros sur les 76 millions de coût du chantier, dans le cadre du plan de relance France 2030.
Mais, pour René Raimondi, l’État et l’Europe doivent acter des mesures protectionnistes « comme le fait l’Asie » pour aider ses industries à se décarboner. Il entend, par exemple, de garantir « un prix de l’électricité protégé et stable » afin que les industriels puissent pratiquer de meilleurs prix.
Il est aussi question d’acheminer l’électricité en quantité nécessaire. À ce stade, pour la mise en route du « four poche », la puissance électrique est suffisante. En revanche, l’avenir de ArcelorMittal sera compromis, sans l’aménagement de la future ligne très haute tension (THT) de 400 000 volts, que projette RTE entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos en 2028.
Prochaine étape : un four à arc électrique en 2030
Le groupe travaille en effet depuis des mois sur les études de pré-faisabilité d’un projet colossal de « plusieurs millions d’euros » : un four à arc électrique. Cet investissement doit permettre de réduire de 30% ses émissions de gaz à effet de serre en 2030, en vue d’atteindre la neutralité carbone en 2050, des normes poussées par l’Europe.
Pour enclencher le projet, l’entreprise devra attirer les financements publics de la Région, de l’État mais surtout de l’Europe. Car l’association Eurofer alerte sur un enjeu global de souveraineté européenne des industries évoquant, dans un communiqué début septembre : « des signes inquiétants d’une détérioration constante, mettant en danger la survie et la transition des sidérurgistes et de leurs principaux clients industriels en Europe, tels que l’automobile ».
Fêter ce cinquantenaire a donc un goût mi-figue mi-raisin, à la fois de nostalgie et d’avenir. Pour ne pas refermer ce livre, affirme René Raimondi, « les 50 années les plus importantes sont celles qui s’ouvrent devant nous ».