Depuis 2021, trois enseignes La Meulerie ont ouvert à Marseille en cassant les codes de la fromagerie traditionnelle. Rencontre avec le duo de cofondateurs, complice au travail comme dans la vie.
Driss attrape les derniers « croques meulerie » coulants pour ravir trois touristes australiennes. Elles arrivent de loin pour savourer l’ambiance naissante des Jeux olympiques et le style de vie à la marseillaise : le soleil, la mer et les petits commerces de bouche de plus en plus nombreux dans le centre-ville.
Avec La Meulerie, elles sont servies. La fromagerie dévoile une nouvelle adresse au croisement des rues Breteuil et Davso (1er). Son kiosque ouvert sur l’extérieur, carrelé de blanc style boucherie, facilite la vente de sandwichs. « Un test » pour Arthur, l’associé de Driss qui a lui-même dessiné la devanture jaune vif et l’intérieur bleu Klein.
Ce design est devenu la signature du concept. « Il m’a fait la fromagerie de mes rêves », lâche Driss. L’ancien responsable de boutique aux Terrasses du Port a toujours fondu pour ce petit bijou fermenté. Pendant le Covid, en crise de sens, il s’est reconverti dans le métier.
« Casser les codes »
Cette reconversion coïncide avec la rencontre entre les deux fondateurs. Une histoire d’amour grandissant au gré de la croissance de l’entreprise. Ensemble, ils ont « cassé les codes du monde du fromage très traditionnel ».
« Pendant mes études, François Robin m’a dit que ça ne marcherait pas et on l’a fait mentir », raconte Driss empreint d’admiration pour l’un des Meilleurs Ouvriers de France. « Aujourd’hui, il plaisante ouvertement de son erreur », complète-t-il avec un large sourire.
C’est sur cette bonne humeur apparente que les associés ont bâti la communication « pop » de La Meulerie, incarnée par un fondateur solaire. « Moi, je suis l’ombre, lui c’est la lumière », résume Arthur.
L’art de la communication
La page Instagram « colorée » et teintée de symboles marseillais – TN, claquettes chaussettes, Vespas jaune et bleu – a contribué au succès des deux premières boutiques sur la Grand-Rue (2e) depuis 2021 et sur la Corniche (7e) depuis 2022.
Conscients d’avoir façonné une marque forte, le binôme multiplie les collaborations marseillaises comme une sélection de tee-shirts sur-mesure avec Maison Mère ou Saison.
Il dispense aussi des cours de « communication des fromageries » aux apprentis de l’école française du fromage (le CFPL), où Driss a été formé. Et bientôt des leçons de modèle économique en école de commerce ?
Trois magasins en trois ans
Il faut dire que trois boutiques en trois ans… L’ascension est rapide. « On n’avait que 6 000 euros en poche chacun pour se lancer », souligne pourtant Driss. Les soutiens du Crédit Agricole Alpes Provence et du réseau Initiative Marseille Métropole ont aidé.
Et ça semble payer. Chaque point de vente réalise entre 300 000 et 400 000 euros de chiffre d’affaires par an. La nouvelle boutique pourrait même, grâce à l’emplacement, gonfler les recettes. Mais ni l’un ni l’autre ne veut fanfaronner.
Seulement, une idée les taraude depuis le lancement : exporter La Meulerie au pays des Spice Girls, en tant que fans invétérés. « Londres ça bouge, ça change, c’est toujours en mouvement… », décrit le duo. La cassette de leur concert d’Istanbul reste bien accrochée à l’entrée, entre les sauces, pour ne pas perdre leur rêve de vue.