Une « micro-forêt urbaine » de 350 m² devrait voir le jour à la Friche la Belle de Mai d’ici 2025. Inspiré par la méthode Miyawaki, ce projet participatif, porté par les bénévoles de la Jeune chambre économique de Marseille, vise à créer un îlot de fraîcheur et de biodiversité dans un quartier bétonné de Marseille.
En plein été, même lorsque le soleil décline en fin d’après-midi, les abords bétonnés de la place du Champ de Mai à la Friche la Belle de Mai sont le plus souvent désertés à cause de la chaleur. Dès l’année prochaine, un espace boisé de 350 m², conceptualisé comme une « micro-forêt urbaine », devrait commencer à pousser autour de cet ancien parking, réaménagé il y a trois ans en « place-jardin », et y rendre l’air plus respirable.
Audrey Devedeux et Gwendoline Diaz, bénévoles de la Jeune chambre économique de Marseille (JCE), ont trouvé sur cet îlot de bitume le terrain d’expérimentation parfait. Depuis janvier dernier, l’association porteuse de projets d’intérêt général collabore avec les équipes de la Friche pour donner vie à ce projet participatif de revégétalisation.
« Sur les 45 000 m² de surface » de cette ancienne manufacture de tabac transformée en espace culturel, « seuls 8% sont végétalisés, précise Stéphane Pinard, responsable développement territorial du tiers-lieu. Il est crucial de montrer que l’on arrive à créer des espaces frais et végétalisés sur un site post-industriel en pleine ville, c’est un véritable enjeu pour les années à venir ».
Une forêt « Miyawaki »
« Il y a urgence à rafraîchir et stopper comme on le peut le réchauffement climatique en ville, renchérit Audrey Devedeux. Il fallait donc que ça aille à la fois vite et bien ». Après de nombreuses recherches sur le sujet, la co-directrice du projet a misé sur un concept d’aménagement paysager inspiré des techniques de reforestation développées par le botaniste japonais Akira Miyawaki dans les années 1970.
Cette méthode consiste à créer des écosystèmes forestiers sur de petites surfaces urbaines. Les plantations sont faites par strates, de manière très dense, avec trois pieds par mètre carré. Le tout en utilisant des espèces végétales adaptées aux conditions climatiques locales afin de minimiser l’arrosage, limité « aux périodes de fortes chaleurs », explique Sébastien Jamesse, responsable d’exploitation à la Friche.
« Une forêt n’a pas besoin de l’Homme pour se créer, mais avec la méthode Miyawaki, on lui donne un coup de pouce, poursuit Audrey Devedeux. Nous avons vu que c’était la méthode la plus rapide et la plus efficace en termes de fraîcheur et de biodiversité, elle a plein de qualités ».
Avec cette approche, les porteurs du projet espèrent également améliorer la qualité de l’air en captant le CO2, et recréer de la biodiversité, en offrant un habitat naturel pour les insectes et les oiseaux. Le projet ambitionne d’obtenir le label de Refuge LPO (Ligue pour la protection des oiseaux).
Un projet participatif à dimension sociale
Pour préparer le terrain et suivre le projet jusqu’à son aboutissement, ils ont fait appel à l’expertise de Xavier Dommange, créateur de l’entreprise rennaise Cœur et Canopée, spécialiste des forêts Miyawaki. Selon le fondateur, celles-ci ont un taux de survie de 85 % sur le long terme. « À part quelques petites expérimentations dans la ville, il s’agit de la première forêt de ce genre à Marseille », précise Audrey Devedeux.
Ce partenaire a notamment été sélectionné « pour sa démarche sociale très forte, avec de gros investissements de temps en amont avec les habitants pour qu’ils s’approprient la forêt et comprennent son importance ».
Car, dans le cadre de ce projet participatif, la JCE et la Friche comptent fédérer et mobiliser les habitants du quartier, usagers du tiers-lieu, et les élèves des écoles alentour. La forêt urbaine jouxtera d’ailleurs un espace de jeux et la crèche associative de la Friche, qui accueille 50 enfants.
Un écosystème autonome au bout de trois ans
Ce petit écosystème nécessite environ trois ans pour devenir autonome. Une dizaine de bénévoles référents devront donc s’engager à suivre son évolution en se regroupant une fois par mois, le temps que devrait prendre la forêt à s’enraciner.
Francis, habitant du quartier, cultive l’une des trente parcelles de jardins partagés de la Friche, juste en face des voies ferroviaires, à quelques mètres du Champ de Mai. « Quand je passe devant cette place l’été, avec le soleil qui tape sur le bitume, c’est presque insupportable, témoigne-t-il.
Pour lui, ce reboisement est « une très belle initiative, qui peut aussi devenir l’objet d’actions artistiques et pédagogiques. Regarder le vivant pousser, ça fait du bien, en plus de créer de la fraîcheur ».
Plantation le 8 février prochain
Le projet s’inscrit dans une vision plus globale de la Friche la Belle de Mai pour réduire son impact énergétique : tri des déchets, système expérimental de récupération de l’eau de pluie… ses équipes comptent sur des financements de l’Agence de l’eau pour installer divers aménagements ainsi que la désimperméabilisation du sol, première étape avant la plantation des premières pousses.
La Jeune chambre économique compte également aller chercher le soutien financier d’entreprises « souhaitant œuvrer à un projet RSE et aux enjeux de développement durable ». « Il y a la volonté d’être un espace démonstrateur. Si cette écosystème fonctionne ici, on pourra le dupliquer ailleurs en ville », conclut Sébastien Jamesse.
Deux premiers ateliers de sensibilisation et de réflexion auront lieu en fin d’année, avant la plantation et l’inauguration officielle, fixée au 8 février prochain.