Depuis deux ans, l’association Melting Pot propose des ateliers d’initiation à la vie démocratique dans les établissements scolaires et centres sociaux de Marseille. Avec l’objectif de contrer l’abstention qui touche les électeurs les plus jeunes.
Si le premier tour du scrutin des élections législatives a fait l’objet d’une mobilisation exceptionnelle de 66,71%, avec une des hausses les plus importantes chez les moins de 25 ans (57% de votants contre 31% en 2022), la participation reste nettement plus marquée chez les électeurs les plus âgés (80% des plus de 70 ans).
Face à une jeunesse souvent perçue comme désintéressée de la vie politique, l’association Melting Pot s’est donnée pour mission d’informer les 11-25 ans sur la citoyenneté, la démocratie et les institutions, en les plaçant au cœur d’ateliers pédagogiques sur mesure. Tout au long de l’année, elle intervient dans les collèges, lycées, centres sociaux et clubs de sports marseillais et métropolitains, avec des accompagnements sur plusieurs mois.
Dans le contexte des élections législatives, l’association anime jusqu’à trois ateliers « flash » par jour, des présentations d’une heure et demie pour se remémorer les bases du fonctionnement de la démocratie française. Quel est le rôle des députés ? Que signifie obtenir une majorité absolue ou relative ? Comment sont partagés les pouvoirs définis par la Constitution ?
L’information, un remède à l’abstention
Durant cette semaine d’entre-deux-tours, Alexandre Pastor et Yannis Ghelami ont rendez-vous avec des stagiaires de la formation professionnelle à l’École de la 2e chance du boulevard Romain-Rolland (9e), qui ont entre 17 et 25 ans. La matinée débute avec un sondage : « Qui est allé voter dimanche dernier ? ».
Sur les 20 participants majeurs, seuls cinq lèvent la main. Et l’atelier du jour prend tout son sens. « Beaucoup de jeunes ont le sentiment d’être marginalisés par la société et illégitimes de participer à la vie politique par manque de connaissances », explique Alexandre Pastor. Ce dernier a quitté son poste de directeur d’un centre social marseillais pour lancer l’association en septembre 2022, quelques mois après les dernières élections présidentielles.
« Dans mon métier, je me suis rendu compte qu’il y avait deux causes à cette non-participation démocratique, qui sont la défiance qu’on peut avoir envers les élus, couplée à une méconnaissance concernant leur rôle et leurs compétences, constate-t-il. Par principe, comment peut-on demander aux gens d’aller voter pour quelque chose dont ils ne comprennent pas l’utilité ? ».
L’abstention figure parmi les points clé abordés par l’association. « Faire un résultat de 14% avec 50% de participation, c’est comme si vous aviez été élu délégué avec les voix de seulement trois personnes dans toute la classe, compare le fondateur. Il faut vous dire que les gens qui vont voter les lois ne sont pas représentatifs de vous si vous n’allez pas voter ».
« Être digne, c’est avoir le choix »
« Ça m’a choqué de voir qu’autant de gens ne sont pas allés voter… même si j’en fais partie, car je ne savais pas où se trouvait mon bureau de vote », confie après l’atelier Lyo, 20 ans, qui habite le 3e arrondissement. Nazlati, qui s’est déplacée dimanche pour le scrutin, dit s’informer principalement sur les réseaux sociaux. « On a beaucoup parlé du 49.3, mais je ne savais pas ce que c’était jusqu’à maintenant », admet-elle.
La méthodologie de Melting Pot vise à éduquer, sans juger, ni infantiliser. « On se met au niveau des jeunes, en évitant d’adopter une posture de savant. L’idée, c’est de les pousser à aller voter, mais qu’ils le fassent en comprenant. En leur donnant les clés pour comprendre le système, se l’approprier, on veut qu’ils se sentent valorisés. Être digne, c’est avoir le choix », affirme Alexandre.
Politique et pop culture
Avant de rejoindre l’association, Yannis Ghelami était encadrant à l’École de la 2e chance de Saint-Louis (15e). Pour capter l’attention de l’audience sur le sujet, le jeune homme de 29 ans tente de « rendre la politique plus sexy et accessible ».
« Comme eux, je n’étais pas du tout engagé, je me sentais très éloigné de tout ça, explique le responsable pédagogique. Je m’y suis intéressé et me suis rendu compte que ce n’était finalement pas si compliqué ».
Il explique la dissolution en faisant le parallèle entre la décision d’Emmanuel Macron et les stratégies mercato du président de l’Olympique de Marseille, Pablo Longoria. « On dit souvent qu’il aime bien dissoudre les effectifs selon les résultats du club », lance Yannis en passant à la slide suivante de sa présentation Powerpoint.
Références au sport, à la pop culture, aux mangas, au cinéma… les comparaisons sont nombreuses pour traduire des mécanismes politiques qui peuvent paraître complexes. « On a une base commune, mais la discussion ne sera pas la même selon l’endroit où on l’organise, précise Alexandre Pastor. On discute beaucoup avec les encadrants en amont afin de connaître les centres d’intérêts du groupe et quels sujets ils souhaitent aborder ».
Simulations parlementaires, débats et rencontres
Au-delà de ces ateliers express, Melting Pot entend faire vivre des actions concrètes aux collégiens et lycéens.
Au cours de l’année scolaire, l’association organise des simulations parlementaires autour de sujets comme la végétalisation de la cour, l’égalité femme-homme… permettant ensuite aux élèves de proposer des mesures aux conseils d’administration de leur établissement. Une manière de « ramener la démocratie à l’échelle de leur environnement ».
Des débats sous forme de jeux de rôle sont mis en place, mais aussi des rencontres avec des élus : en novembre 2022, les jeunes de la Maison pour tous La Maurelle (13e) avaient pu poser leurs questions à l’ancien président de la République, François Hollande.
1400 jeunes sensibilisés
En presque deux ans d’existence, Melting Pot comptabilise des centaines de rencontres à Marseille et dans la région, et est régulièrement sollicitée pour intervenir au niveau national. L’association a récemment été lauréate du prix de l’Éducation de la fondation d’entreprise Deloitte, qui récompense les projets à impact durable dans ce domaine.
Depuis le 10 juin, lendemain de l’annonce de la dissolution, et jusqu’à samedi soir, ses intervenants auront donné une vingtaine d’ateliers, « soit environ 1400 jeunes sensibilisés » en un mois. « Même si la participation semble s’améliorer, il reste une énorme marge, avec 43% des jeunes à mobiliser. On a encore du boulot pour pas mal d’années », reconnaît Alexandre Pastor.
« Le but est qu’ils puissent, par la suite, transmettre leurs connaissances à leur entourage, reprend le directeur. Si 10 ou 12 des 20 participants du groupe décident d’aller voter, on a réussi notre travail ». Une fois l’atelier terminé, Yannis Ghelami aide plusieurs stagiaires à retrouver le numéro de leur bureau de vote sur le site du service public. Mission réussie.