Niché au cœur du village de Taradeau, dans le Var, le château de Saint-Martin est un joyau historique et viticole unique en son genre. Un voyage œnologique et spiritueux alliant patrimoine et modernité. Reportage.
Au cœur des collines verdoyantes de Taradeau (Var) et des vignes à perte de vue, le château de Saint-Martin se dresse majestueusement. Ce domaine de Provence est le témoin privilégié de plus de deux millénaires d’histoire.
Le château de Saint-Martin trouve ses origines dans les échos lointains des civilisations primitives, avec des symboles mystérieux gravés dans la pierre brute. Les ruines d’une villa gallo-romaine, découvertes en 1966, attestent de la production de vin sur ces terres depuis l’Antiquité. Transformé en prieuré au fil du temps, le domaine fut racheté en 1740 par le marquis de Villeneuve-Bargemon, qui l’offrit à sa fille.
Depuis, le domaine a traversé les âges, transmis de génération en génération, souvent par des femmes. « Mon grand-père a été une exception », raconte Adeline de Barry, la maîtresse des lieux, la 10e génération.
Adeline de Barry a pris les rênes du domaine en 1984. Grâce à son engagement, le domaine qui s’étend sur 100 hectares, dont 50 hectares de vignes, a acquis le statut de cru classé en Côte-de-Provence. Une reconnaissance réservée à quelques domaines d’exception. « En Côte-de-Provence, il n’y a que 17 crus classés sur à peu près 600 000 producteurs », souligne cette propriétaire passionnée.
Ce statut illustre la qualité des vins produits. Ils se distinguent par leur caractère unique et leur excellence grâce entre autres à la diversité des terroirs. « Nous sommes à cheval sur deux zones géologiques, ce qui permet de créer une gamme variée de produits », explique Adeline.
Cette richesse géologique permet de cultiver divers cépages, offrant ainsi des vins aux profils distincts, « allant des rouges structurés aux rosés frais et élégants, ainsi que des blancs aromatiques et complexes ».
La physique quantique pour prendre soin des vignes
Adeline de Barry a également introduit des techniques de production innovantes tout en respectant les traditions ancestrales du domaine. Elle pratique l’agriculture de régénération, l’agroforesterie et, plus étonnant encore, la physique quantique pour optimiser la croissance des vignes.
Ces techniques augmentent l’efficacité des vignes et leur résistance aux conditions de stress, telles que la sécheresse. « Nous sommes bien sûr Terra Vitis », ajoute Adeline. Cette certification garantit que le domaine adhère à des normes strictes de durabilité, minimisant l’impact environnemental de la viticulture.
Sous sa direction, la production a explosé, passant de 3 000 à 300 000 bouteilles par an. La gamme de vins comprend des cuvées telles que la Grande Réserve, la Cuvée Comtesse, l’Éternelle Favorite et la Cuvée Comte de Rohan Chabot. « En 2024, le domaine a lancé « Âme de Saint Martin », une cuvée non millésimée inspirée de la Champagne, frais et complexe », sourit Adeline, qui a reçu la Légion d’honneur en 2011 pour sa contribution à la valorisation des vins et du patrimoine régional.
Le retour de l’absinthe en France
Le Château de Saint-Martin est l’un des rares domaines à produire à la fois des vins et des spiritueux. En 2017, Adeline et son époux Renaud ont décidé de racheter la Liquoristerie de Provence, fondée en 1999 à Venelles. Cette acquisition a permis d’intégrer l’entreprise au château de Saint-Martin, favorisant ainsi son expansion nationale.
Labélisée EPV (« entreprise du patrimoine vivant »), la Liquoristerie de Provence réinvente des alcools et apéritifs provençaux avec un souci constant du détail et de l’originalité.
L’ambition du couple de revisiter les recettes ancestrales en respectant les méthodes traditionnelles a conduit à la création de spiritueux d’exception et à la renaissance d’une liqueur autrefois interdite. « La Liquoristerie de Provence a été pionnière dans le retour de l’absinthe en France », raconte Renaud.
Interdite en 1915, l’absinthe a été recréée par la Liquoristerie grâce à une législation assouplie en 1988, donnant naissance à la « Versinthe ». Depuis, la gamme s’est élargie avec la Versinthe blanche et la Versinthe verte.
La Liquoristerie valorise les plantes régionales à travers des liqueurs aux noms évocateurs comme Aqualanca, Mélopépo, Fleur de Figue et Fleur de Lavande… Le produit phare, le « P’tit Bleu », est un pastis de Marseille à la teinte turquoise, obtenu par la macération d’anis et de réglisse, enrichie de menthe et d’armoise. La Maison propose également un gin nommé Poulpe Bleu, infusé de thym, romarin, zestes de citron, amande, rose et baies de genièvre.
Chaque plante est séchée, infusée longuement, puis pressée et mélangée selon des procédés minutieux. Les spiritueux sont produits et embouteillés à Taradeau, au cœur des vignes du château de Saint-Martin.
Le Pointu, le Belmuse et le Câlin Polisson
Récemment, la Liquoristerie de Provence a lancé trois nouveaux spiritueux artisanaux : Le Pointu, un pastis artisanal méditerranéen avec une étiquette dessinée par Yann Letestu, « offrant des arômes intenses et des saveurs authentiques de Provence », explique Adeline, venue présenter ces nouvelles créations à Marseille.
Belmuse, un Vermouth de Provence élaboré avec des plantes locales et des vins de qualité, « idéal pour les cocktails ou à déguster seul, avec une palette de saveurs riches et complexes ». Et Câlin Polisson, une liqueur inspirée du fameux calisson, à base d’amandes et de melon confit. « Il offre une expérience gustative douce et parfumée ».
Présents chez de nombreux cavistes et épiceries fines en France, les produits de la Liquoristerie s’exportent également en Asie, en Europe et en Amérique du Nord.
Les VinoSpirit Expériences mettent les sens en éveil
Pour faire découvrir les richesses de son patrimoine, le couple a souhaité « ouvrir le domaine au plus grand nombre pour faire vivre une véritable expérience aux visiteurs, en les plaçant en tant qu’acteurs et non plus seulement spectateurs », soulignent les De Barry.
Le Château de Saint-Martin offre une variété d’animations et d’expériences œnologiques. Les visiteurs peuvent ainsi explorer les caves historiques du château, participer à des séances de dégustation et découvrir les secrets de fabrication des vins et spiritueux à travers des parcours audiovisuels et sensoriels immersifs.
Le parcours VinoSpirit Expériences offre une immersion complète à travers cinq espaces interactifs et pédagogiques. Le « P’tit jardin du liquoriste » présente les plantes utilisées pour les macérations et infusions, soulignant l’importance des ingrédients naturels dans la création des liqueurs.
La « distillerie » et la « cave de vinification » montrent les processus de production des spiritueux et des vins, avec des alambics en cuivre et autres équipements traditionnels.
Les « Vinoscénies » et les « LiquoStories » offrent des parcours audiovisuels et sensoriels, plongeant les visiteurs dans l’histoire et les secrets de fabrication. « Nous avons conçu les LiquoStories comme un grenier magique où l’on trouve autant de cabinets de curiosités qu’il existe de familles de spiritueux », explique Renaud.
Ces espaces permettent de toucher, voir et sentir les ingrédients des boissons emblématiques, offrant une compréhension et une appréciation du travail et de la passion derrière chaque bouteille.
*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.