Du 14 juin au 6 juillet, le Festival de Marseille 2024 offre une programmation éclectique et engagée, mettant en lumière des créations locales et internationales. L’événement, ancré dans la cité, au pouvoir libérateur, fait cette année la part belle à de nombreuses premières en France.
Depuis près de 30 ans, le Festival de Marseille s’impose comme un événement phare du début de l’été, célébrant l’ouverture au monde, la diversité et la pluralité culturelle.
Cette saison, des artistes locaux, nationaux et internationaux sont invités à « repousser les frontières de l’art et à ouvrir de nouveaux horizons ». Transformant la ville en « un terrain d’exploration, de recherche et de partage », ils permettent aux corps et aux idées de se rencontrer.
Avec 130 propositions artistiques, dont 24 spectacles et performances et 5 films, soit plus d’une cinquantaine de représentations, le festival investit cette année 18 lieux de la cité phocéenne, du 14 juin au 6 juillet 2024 : des plus grandes scènes (Ballet national de Marseille, la Criée…) aux toits-terrasses, bibliothèques, musées, cinémas et espaces publics… avec une volonté de rayonner dans tous les quartiers.
Des projets seront d’ailleurs présentés dans des lieux emblématiques comme le Théâtre de la Sucrière, dans le 15e, reflétant l’ambition de réinvestir les quartiers Nord avec une offre artistique et culturelle diversifiée.
Un festival accessible au plus grand nombre
Le festival s’inscrit aussi comme un espace de découvertes, d’expériences et d’expression pour tous, grâce à des ateliers gratuits de pratique de la danse. Cette ouverture et cette accessibilité au plus grand nombre suscite un fort engouement du public. 18 000 spectateurs ont assisté à l’édition précédente, qui a enregistré un taux de remplissage de plus de 80%.
Une étude menée en 2023 révèle d’ailleurs que 85% des festivaliers sont des Marseillais, principalement motivés par des raisons artistiques et économiques. Outre le billet unique à 10 euros, des initiatives comme la billetterie solidaire permettent un accès gratuit à des personnes en situation de précarité. De plus, des mesures sont prises pour lever les barrières matérielles pour les personnes à mobilité réduite, malvoyantes ou malentendantes, avec notamment des traductions en langue des signes.
D’autre part, les spectateurs sont séduits par la qualité esthétique des spectacles et l’originalité de la programmation. Et pour cause. Marqué par des collaborations interdisciplinaires, des initiatives inclusives et des réflexions profondes sur des thématiques contemporaines, cette 29e édition invite à ouvrir un dialogue entre le public et les artistes invités, originaires de quinze pays différents, qui apportent avec eux des histoires singulières.
L’art de briser ses chaînes et grandes premières
Outre les créations locales, plus des deux tiers des spectacles viennent de différentes régions du monde, avec une représentation de l’Inde, du continent africain, du Proche-Orient et de la Méditerranée. « De nombreuses oeuvres s’intéressent à l’expression de la violence, à l’hybridation entre luttes émancipatrices et langages artistiques et revendiquent souvent joyeusement, l’art comme un espace de liberté formelle et intellectuelle déjouant les assignations et bifurquant des trajectoires convenues », souligne Marie Didier, directrice du Festival de Marseille.
Exemple avec Be Careful, (Sois prudente) performance artistique et politique créée par Mallika Taneja à New Delhi. Cette pièce satirique, à voir au Ballet National de Marseille, dénonce les violences faites aux femmes en utilisant des gestes symboliques, des mises en situation du public et une prise de parole directe.
Sur la même scène, Joie UltraLucide prônera l’écoute de soi et l’émancipation des femmes victimes de violence, combattant les stéréotypes et célébrant leur force. Une pièce chorégraphique marseillaise signée Maryam Kaba et Marie Kock avec vingt « performeurs·euses » de la Maison des femmes de Marseille.
La danse occupe une place centrale dans la programmation du festival avec des créations et des performances impactantes artistiquement et socialement. Parmi les temps forts, la première en France de Pina, My Love de Bassam Abou Diab qui explore la liberté à travers le mouvement. Libanais vivant au Moyen-Orient, Abou Diab transforme la menace d’emprisonnement en scénarios dansés. La pièce interroge l’impact de la privation de liberté et les mécanismes de résistance du corps.
Dans Under the Flesh, il explore aussi, avec Ali Hout, la survie face à la guerre et à la mort, utilisant la danse traditionnelle (dabkeh) et la danse contemporaine pour exprimer les effets de la violence sur le corps et l’esprit. Des soirées pour briser ses chaînes à vivre à la Friche Belle de Mai.
Autre première en France, While we are here de la chorégraphe flamande Lisa Vereertbrugghen. Inspirée par la techno hardcore, Vereertbrugghen elle sonde les détails souvent négligés de cette pratique, allant des mains au visage, pour créer une danse où chaque mouvement compte. Elle mélange la rave hardcore avec des danses folkloriques, créant ainsi une danse techno-folk hybride qui célèbre la joie, le dépassement de soi et la force du collectif.
Incontournable encore, la collaboration du Festival avec la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin, souvent décrite comme une « fantaisiste rebelle ». Dans …How in salts desert is it possible to blossom…, elle aussi les ausculte les mécanismes de la violence, mêlant fiction et réalité. Un spectacle au pouvoir rédempteur sur la scène de la Criée.
Présentée en première européenne au Festival de Marseille, Nafaq 4: Extending Further, création dynamique du collectif de danse féminin Nafaq, révèle l’énergie remarquable de la scène contemporaine égyptienne. Les danseuses, Hanin Tarek et Amina Abouelghar, transportent le public dans un voyage captivant à travers des mouvements fluides et expressifs, sur une bande sonore envoûtante, au Klap, Maison pour la danse.
FāSL de Nivine Kallas, artiste libanaise, est aussi présentée en première européenne. Utilisant de la musique pop arabe des années 1970-1980 et des dessins projetés en arrière-plan, elle invite le public à partager son voyage intérieur sur la scène du Zef.
Danse et technologie
La danse invite parfois les industries créatives. À la Criée, L’Âge de nos idées revient de manière joyeuse et unique sur le fossé intergénérationnel présumé entre les boomers et la génération Z. Les artistes utilisent divers médias et pratiques artistiques (danse, drag, vidéo, écriture) pour créer un dialogue entre ces deux générations.
The Doppler Effect par Conor Mitchell et le Belfast Ensemble, combine musique, danse et vidéo. Cette performance raconte l’histoire d’un jeune homme gay après le cessez-le-feu de 1998 en Irlande du Nord, explorant ses tentatives d’amour et sa relation avec Belfast. La pièce offre divers angles de vue sans imposer de morale, permettant au public de vivre sa propre expérience.
Danse, musique, texte et vidéo se mêlent aussi dans Le corps de Jésus, création d’Hamza Lenoir et la Cie Kazyadance à Dzaoudzi, pour raconter une naissance, les histoires intimes et mythiques des Comores. Inspirée par Mayotte, l’œuvre rend hommage à ses traditions et cultures en mutation. Un kaléidoscope vivant qui aborde les aspects politiques, économiques et sociaux de l’île, faisant de la scène un espace de partage et de transmission.
Autre temps fort à ne pas manquer, Age of Content de La(Horde). Cette pièce futuriste transforme la scène en un univers où le virtuel et le physique se confondent. S’attaquant aux sujets sociétaux avec énergie, la danse intègre les codes de la communication numérique et des mouvements viraux. Un mélange spectaculaire de danse et de technologie, mettant en scène dix-huit interprètes dans une fresque d’univers entrecroisés.
Beethoven, Kanye West, Phil Colins, Dj sets et karaoké géant
Pour sa première création à Marseille, avec Freedom Sonata, Emanuel Gat offre une sonate chorégraphique, musicale et dramaturgique en trois mouvements, inspirée par la cité phocéenne.
Avec onze danseurs, il célèbre ses 30 ans d’exploration artistique en fusionnant la musique classique de Beethoven avec l’album de Kanye West, « le tout donnant lieu à une chorégraphie toujours spectaculaire, à l’énergie vitale, portée par les compositions sculpturales dont le chorégraphe a le secret ».
Les préoccupations environnementales ne sont pas oubliées avec entre autres Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione, une autre première en France. Une création qui met en dialogue les Quatre Saisons de Vivaldi avec les enjeux du réchauffement climatique sera présentée au Zef.
Le festival fera aussi vivre la musique et le cinéma. La soirée d’ouverture sera marquée par un film-concert célébrant les cultures musicales tunisiennes, suivi d’un DJ set de la Marseillaise SABB. Elle nous plongera dans une ambiance festive et énergique, explorant des styles afro-diasporiques, bass music ou encore dark disco.
Partenaire du Festival de Marseille depuis 2009, ARTE vous invite à son karaoké géant au coucher du soleil, animé par l’enthousiaste Aline Afanoukoé et accompagné par DJ Da Vince, sur la place Bargemon.
Clôture en « Fêu » de joie dans les quartiers Nord
La clôture du festival, les 5 et 6 juillet, Fêu de Fouad Boussouf, mettra en scène une création énergique pour dix femmes, célébrant la créativité et la force féminine, accompagnée par la musique électronique de François Caffenne. Le chorégraphe marocain s’inspire des souvenirs de son enfance au Maroc. La pièce évolue du clair-obscur à la lumière pour révéler la présence intense des dix artistes… à vivre de l’intérieur.
Deux danseuses vous invitent à traverser en groupe les états et les mouvements des dix interprètes de Fêu le temps d’un atelier, avant de devenir leurs complices ! À la fin de la représentation, vous rejoindrez la scène et inviterez les autres spectacteurs·ices à entrer dans la danse. Ce spectacle, produit en collaboration avec la Mairie des 15-16e, aura lieu au Théâtre de la Sucrerie.
Durant toute la durée du festival, le public est invité à participer à des rencontres et ateliers… Une journée sera consacrée au handicap autour de pratiques artistiques, performances et films. Une table-ronde « luttes et empowerment par la création artistique » abordera la question du féminisme. Des ateliers de danse gratuits vont également rythmer cette 29e édition d’une grande intensité !
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