La Ville de Marseille a présenté l’aménagement public qui prendra place sur le site des effondrements de la rue d’Aubagne. Un « lieu ressources » pensé comme un patio méditerranéen avec un jardin partagé, un petit bâtiment public et un lieu de recueillement.
Certains l’appellent « la dent creuse ». Voilà plus de 5 ans que l’espace est resté « désespérément vide », selon les mots de Virginie, qui vit juste en face des numéros 63, 65 et 67 rue d’Aubagne. Ici, le 5 novembre 2018, l’effondrement des immeubles a emporté la vie de huit Marseillaises et Marseillais.
Le site est resté nu, creux, blanc. En l’état, « c’est difficile d’y aller, trop intense, trop dur » pour certains proches des victimes qui souhaiteraient s’y recueillir, témoigne Linda Larbi, qui a perdu son cousin Chérif Zemar.
Les yeux sont rouges, des voix tremblotent. L’émotion est encore vive ce mercredi 15 mai 2024, lorsque les familles, les riverains, les élus et les architectes présentent le projet qu’ils ont pensé ensemble pour redonner vie au site. « Ça nous permet de dire que ce lieu ne restera pas béant », espère Linda.
« Des gâteaux, des rires, de la musique… La vie va reprendre son cours »
« La démarche a compté autant que le résultat », retrace Sophie Camard (GRS), maire de secteur (1-7). L’élue rappelle le long processus d’écoute et de travail pour parvenir à « un compromis » sur l’aménagement qui sera réalisé sur ce site sensible.
Depuis sa maison en Italie, Maria, la mère de Simona Carpignano, disparue dans le drame, évoque l’idée générale. « Des gâteaux, des rires, de la musique y seront partagés. C’est la vie qui va reprendre son cours ». La mère endeuillée se dit prête « à voir renaître de la douleur de la tragédie un point de rencontre […] On voit quelque chose de positif ressurgir. Donc on vous félicite », lance-t-elle à l’adresse des parties prenantes.
Dont les architectes de l’agence Baito qui ont remporté l’appel à projets, et peinent à reprendre la parole derrière Maria pour présenter leur projet. « Un patio méditerranéen, à la fois jardin privé et lieu public, intime, accueillant et joyeux. Avec une pépinière urbaine populaire et une cuisine collaborative », décrit l’architecte Maxime Sollier.
Un projet évolutif sur la rue d’Aubagne
Sur la rue d’Aubagne, une façade ouverte, en pierres, sera construite, inspirée des « trois fenêtres marseillais, pour recomposer la séquence architecturale » précise son confrère Mathieu Ménager. Derrière, la parcelle de 275 m2 se décomposera en quatre espaces.
Avec d’abord un petit bâtiment en bois sur deux niveaux, aux cloisons modulaires en fonction des besoins. Une salle polyvalente, « un petit équipement municipal de quartier », précise Sophie Camard. Il permettra d’accueillir des associations, des événements, des ateliers et expos… Et une cuisine mobile, populaire solidaire et partagée. Cette construction est pensée pour pouvoir évoluer, en hauteur et en largeur, à l’avenir.
En haut de la parcelle, une pépinière urbaine offrira un espace de jardinage partagé et un peu de végétalisation au quartier. Le tout s’articule autour du patio ouvert qui donne sur l’élément mémoriel du site. Il s’agit du « contrefort », « un reste de colonne » contre le mur, au fond de l’espace.
« C’est tout ce qui nous reste d’avant, témoigne Linda. C’est ici que toutes les familles ont eu le réflexe d’aller poser des fleurs dès la première commémoration. Ça s’est fait naturellement », raconte la cousine de Chérif. C’est donc autour de cette excroissance qu’un aménagement mémoriel se réalisera en concertation avec les familles.
Livraison espérée pour les commémorations annuelles en 2025
Pour ce projet, Baito a travaillé en groupement avec le paysagiste Der Sahakian, le collectif spécialiste d’espaces collaboratifs Yakafokon et le bureau d’études Mobius. Mais c’est la Spla-in qui aura la charge du chantier, bras armé de la stratégie de traitement de l’habitat dégradé initié à la suite du drame de 2018.
Le directeur de la société publique locale d’aménagement d’intérêt national, Franck Caro estime que les travaux devraient débuter « au printemps 2025 pour une livraison à la fin de la même année ». La maire Sophie Camard espère plutôt que le projet sera terminé pour les commémorations du 5 novembre. « Je leur mets la pression », glisse-t-elle.
C’est la Ville de Marseille qui finance l’aménagement. La construction est estimée « autour de 570 000 euros hors taxe », selon Franck Caro. En comprenant les études et la maîtrise foncière, le projet global approcherait plutôt 1,2 million d’euros.
La rue d’Aubagne entre dans une phase plus globale de réhabilitation. La société publique doit également entrer en action sur la réhabilitation de logements vétustes en haut de la rue. Elle a acquis 7 immeubles vétustes situés du 71 au 83. La Spla-in doit réaliser des travaux de structure début 2025 pour les sécuriser, avant des les confier à des bailleurs sociaux.