Porté par l’association Le Sel de la vie, le projet « Les Daronnes prennent le large » permet à 24 femmes des quartiers prioritaires de Marseille de passer leur permis bateau et de s’initier aux plaisirs des sports nautiques. Reportage.
« On peut naître à Marseille, on peut y vivre, et on peut mourir sans avoir découvert la beauté de cette ville côté mer. S’il faut lutter contre une forme d’injustice, je pense que c’est celle-là », résume Salim Grabsi, face au Mucem quelques minutes avant d’embarquer.
Avec son initiative « Les Daronnes prennent le large », le cofondateur de l’association Le Sel de la vie a pour ambition de briser les barrières socio-économiques d’accès à la mer, en permettant à des femmes issues de quartiers paupérisés de la ville de passer leur permis bateau.
« Après une régate olympique qui a embarqué 12 minots, organisée avec l’Union des centres sportifs de plein air (UCPA), les mamans aussi se sont demandées quand elles pourraient apprendre à naviguer », explique-t-il.
Ces « daronnes », comme elles se surnomment, sont au nombre de 24 pour cette première vague du projet. Pour leur première sortie en mer le samedi 13 avril dernier, elles ont mis le cap vers l’archipel du Frioul, à bord de la barquette à moteur électrique de Capitaine Coco et d’un semi-rigide de la société Lokaboat.
S’« offrir un peu de liberté »
« Oh que c’est beau ! ». Entre deux révisions du code marin, Sarah, membre du collectif des Belles de Saint-Mauront (3e), s’émerveille alors que la silhouette de la Bonne-Mère s’éloigne à l’horizon.
Dans le groupe, elles sont nombreuses à être impliquées dans la vie de leur quartier. « La mer, ça fait partie de moi. Je le fais aussi pour faire profiter mes filles, qui adorent nager, lance Assia, la soixantaine, fondatrice du collectif des Femmes de la cité des Hirondelles dans le 13e arrondissement, à la barre du voilier. Quand on a vraiment envie de faire quelque chose, il n’y a pas d’âge pour apprendre ! ».
« Je cherche à m’offrir un peu de liberté, à m’approprier l’environnement marin que je vois de loin depuis de nombreuses années, que j’aime beaucoup, mais qui me fait un peu peur », admet Samia, résidente du 16e arrondissement. La maman solo souhaite aussi permettre à ses trois fils « de s’approcher davantage de la mer, de la façon la plus responsable possible, afin de profiter avec eux de cet espace magnifique ».
Système D
« On partait de loin. Parmi les mamans, beaucoup ne savaient pas nager », souligne Salim Grabsi. Depuis l’été dernier, elles ont participé à des séances de natation et de secourisme à l’Estaque avec l’association Le Grand Bleu, et continuent de suivre des cours théoriques quatre heures par semaine en préparation de leur examen.
« Pour faire des activités marines, il faut avoir de l’argent, un bateau, des connaissances… », poursuit le cofondateur. Faute d’y connaître grand-chose au monde de la plaisance, il a opté pour le « système D à la marseillaise : on gratte l’amitié et on tombe sur des gens extraordinaires, des propriétaires de bateaux qui se disent : « Comment je peux aider cette initiative, faire découvrir ce que je vis moi, tous les jours ? » ».
Après plusieurs mois de formation intensive, elles auront l’opportunité de passer leur permis bateau option côtière en juin prochain. L’initiative est lauréate du dispositif « Tous aux Jeux », qui permettra aux Daronnes d’assister aux épreuves de voile des JO et de participer à l’arrivée de la flamme olympique. Le Sel de la vie vient par ailleurs d’être reconnue d’intérêt général par l’État.