Baptistin Vuillemot
A Made in Marseille, on pense que la presse doit être indépendante et pluraliste. Il se trouve qu’à deux pas de chez nous, le Ravi, mensuel « pas pareil » de Provence, est menacé. Si parfois il dérange en enquêtant dans les recoins sombres de notre démocratie locale, souvent il fait rire, et toujours il se bat. Mais depuis le 28 novembre, le journal fait l’objet d’un redressement judiciaire. Alors, après ce qu’il s’est passé à Charlie, on a voulu leur rendre visite. Pour survivre, ils ont lancé un « Couscous bang bang royal ». Objectif : 5102 abonnés en 2015.
La rédaction © Baptistin Vuillemot
Le Ravi crèche dans un grand appartement ancien du boulevard National transformé en espace associatif. Dans la petite salle de rédaction, les bureaux des journalistes sont imbriqués comme dans Tetris. C’est pas le grand luxe, mais chacun a son coin pour bosser. Ce qu’on ne sait pas, c’est combien de temps encore ça va durer. Depuis que La Tchatche, l’association qui édite le journal, est sous contrôle d’un administrateur judiciaire, c’est comme qui dirait la trêve hivernale. Les dettes du journal sont gelées. On se serre la ceinture, en espérant tenir déjà jusqu’au mois de mai et la fin de la période d’observation ordonnée par le Tribunal de grande instance (TGI).
Guérini veut se payer le Ravi !
« On a partagé un couscous et une bouteille de vin rouge avec Charb à Belsunce »
La tuerie parisienne a eu lieu juste avant le bouclage d’un Ravi « de crise » pour le mois de janvier. Dans un article signé de l’ensemble de la rédaction, journalistes et dessinateurs rendent hommage à leurs confrères assassinés. Sidération, peine, colère… « Des lignes pas faciles à écrire », confie le rédacteur en chef.
Canard déchaîné à la sauce provençale
Côté ligne éditoriale, le canard marseillais navigue quelque part entre satire rigolarde et investigation de fond, à mi-chemin entre un Canard Enchaîné et un Mediapart (avec qui il signe d’ailleurs des enquêtes communes). « Notre fil conducteur, c’est le fonctionnement et (surtout) les dysfonctionnements de la démocratie locale », résume le rédacteur en chef. Dans les Bouches-du-Rhône, bien sûr, mais aussi dans le Var, le Vaucluse et au-delà, le Ravi fait tâche dans la crèche médiatique et politique. Il met son nez là où ça dérange, s’incrustant sans gêne (c’est son bon droit) dans les instances de décision, conseils municipaux, communautaires, et autres assemblées départementales ou régionale pour y effectuer son « contrôle technique de la démocratie ». Et s’il s’inquiète depuis 11 ans de la montée de l’extrême droite et des scandales qui sclérosent la vie politique provençale, le journal, en bon Ravi qu’il est, n’a pas l’intention de baisser les bras. Cosignataire, avec plus d’une quarantaine d’autres médias, d’un appel « pour que vivent la liberté d’expression et mille médias indépendants », il tente d’alerter le gouvernement sur la nécessité d’une refonte des aides publiques à la presse. En attendant, c’est à notre solidarité qu’il s’en remet : 35 euros pour recevoir tous les mois le journal dans sa boîte aux lettres pendant un an (22 euros pour les chômeurs, étudiants et petits revenus). Il y a bien là de quoi « être Ravi« .
© Baptistin Vuillemot
Baptistin Vuillemot