Après son adoption à l’Assemblée nationale le 23 janvier 2024, le projet de loi sur le logement dégradé est en cours d’étude au Sénat. Des citoyens marseillais ont publié une tribune dans Libération pour un texte plus ambitieux.
Deux millions de personnes sont concernées par des problématiques de logement insalubre en France. À Marseille, depuis les effondrements de la rue d’Aubagne en 2018, la société civile s’est fédérée pour accélérer la lutte contre les marchands de sommeil, et plus globalement pour rénover les logements vétustes.
Depuis fin janvier, un projet de loi est à l’étude au Sénat pour endiguer ce fléau, après une validation du texte en première lecture par l’Assemblée nationale. Les élus Renaissance, Lionel Royer-Perreaut, député des Bouches-du-Rhône (13), et Guillaume Vuilletet, député du Val d’Oise (95), portent le dossier.
Une tribune publiée dans Libération le 8 février a salué les avancées « techniques » de ce projet de loi, notamment en termes de sanctions pénales renforcées. Mais les signataires – des associations de citoyens, avocats, sociologues – pointent « un manque d’ambition au regard des enjeux ».
Mieux protéger les occupants avant et après un drame
Plusieurs mesures prioritaires sont évoquées dans la tribune, aussi bien pour renforcer la protection des occupants que pour encadrer la qualité des logements du parc immobilier privé et public.
Pour anticiper les dégradations des bâtiments, les signataires proposent de créer un « contrôle technique » au niveau du logement. Dans leur texte, ils souhaitent étendre cette protection aux petits propriétaires : une mesure qui est inscrite dans la charte du relogement marseillaise. « La prise en charge de leur relogement doit également être financée et organisée comme un acte de solidarité, lorsque leurs revenus sont insuffisants », peut-on lire.
Si le logement tombe en arrêté de péril, l’obligation d’un accompagnement social, juridique, vers un « logement adapté » aux besoins des habitants est également exigée. « Nous sommes très inquiets de la disposition prévue à l’article 7 du projet de loi actuel, prévoyant au contraire de faciliter l’installation de préfabriqués, rendue possible jusqu’à cinq années, sans limiter ce recours au profit d’une véritable stratégie de relogement digne », écrivent les militants.
Renforcer les sanctions contre les bailleurs indignes privés
Par ailleurs, « une redéfinition du délit de location d’un bien indigne », est demandée : c’est-à-dire la création d’un délit de marchand de sommeil. Le maire de Marseille, Benoît Payan, l’a redemandé lors des rendez-vous annuels du logement, en novembre dernier.
L’élu marseillais exigeait également des peines plus lourdes associées à ce délit. Sur ce champ, le projet de loi prévoit une répression pénale forte à l’encontre des propriétaires indignes, comme l’indique un communiqué des députés Renaissance. En cas de délit avéré, le texte prévoit 7 ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende. Cette sanction peut aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour une peine aggravée. Le marchand de sommeil pourra aussi écoper d’une peine complémentaire d’interdiction d’acheter un bien immobilier d’habitation si ce n’est pas sa résidence principale.
Depuis 5 ans, la Ville de Marseille et la Spla-in, une société publique créée pour rénover les logements insalubres dans le centre-ville, expriment en parallèle des difficultés à obliger les propriétaires et les copropriétaires à réaliser leurs travaux. C’est pourquoi, les citoyens demandent la création d’une « agence nationale des travaux d’office » pour contraindre les propriétaires à les exécuter.
Intégrer le logement social
La dégradation du parc social a été « injustement écartée » du projet de loi, pointe également la tribune. Elle met en lumière l’exemple de la cité Air Bel (11e) « où l’absence de gestion des équipements collectifs d’eau chaude a conduit à des cas de légionellose, ou chez nos voisins de Martigues où plus de 150 personnes ont été récemment évacuées face à un risque d’effondrement ».
Les bailleurs sociaux, doivent, pour les signataires, être mieux contrôlés et accompagnés vers de meilleures pratiques. Ils proposent de rendre effective la suspension des allocations logement, appliquée dans le parc privé, en cas de non-respect des normes de décence.
Fin janvier, le projet de loi a bénéficié d’une procédure accélérée par le gouvernement, en attente du remaniement. C’est le nouveau ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, le porte-voix de la loi « antisquat », qui supervise désormais le dossier depuis sa nomination le 8 février.
Signataires de la tribune du 8 février 2024
- Liliana Lalonde mère de Julien Lalonde, victime de l’effondrement de la rue d’Aubagne
- Kevin Vacher membre du Collectif du 5 novembre – Noailles en colère
- Antonin Sopena, Ludivine Feral et Aurélien Leroux, avocats, Syndicat des avocats de France
- Sharon Tulloch délogée pendant 1 523 jours, autrice d’Un voyage accidentel
- Chantal Bourglan avocate honoraire, coprésidente et représentante de l’Association méditerranéenne pour l’insertion par le logement
- Alieu Jalloh président de l’Association des usagers de la Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile de Marseille
- Bernard Eynaud coprésident de la LDH Marseille Jérôme Mazas paysagiste, membre du mouvement citoyen « Nos vies, nos voix »
- Karima Berriche cofondatrice du Syndicat des quartiers populaires de Marseille
- Djamila Haouache présidente de l’Association de défense de locataires et membre du collectif d’Air-Bel, conseil citoyen 11/12
- Charles Réveillère et Camille François sociologues, membres du collectif d’Air-Bel
- Emmanuel Patris et Alima El Bajnouni coprésident·es d’Un centre-ville pour tous, FUIQP Marseille, Association droits et habitats Marseille.