La justice juge irrecevable la demande de suspension du permis de construire pour le projet immobilier sur le site de l’ancienne usine chimique Legré-Mante. Le tribunal étudie toujours des recours contre cette opération sur un site pollué.
Ce n’était pas la décision qu’attendaient les associations Santé littoral Sud (ASLS), Union Calanques Littoral (UCL) et la Fédération d’action régionale pour l’environnement (Fare Sud). Le collectif avait demandé la suspension du permis de construire du programme immobilier « 195 La Calanque ».
Porté par le promoteur Ginkgo et le groupe Constructa, il prévoit la création de 330 logements (dont 133 en résidence seniors et 47 en résidence touristique) à la Madrague-de-Montredon. Le site de l’ancienne usine Legré-Mante est pollué au plomb, aux métaux lourds, à l’arsenic… De quoi susciter la crainte des associations et riverains, notamment sur les méthodes de dépollution, qui ont donc décidé de saisir la justice.
Toutefois, le tribunal administratif a jugé « irrecevable » leur requête en référé-suspension, une procédure d’urgence. C’est ce qu’annonce le collectif associatif, qui estime que cette décision est « discutable, car elle repose sur une question de procédure (délais de dépôt) », et non sur le fond de la demande.
Ainsi, les opposants étudient « l’opportunité de saisir le Conseil d’État d’un pourvoi à l’encontre de cette décision ».
Se protéger contre le début des travaux
Rolland Dadena, président de l’association ASLS, soutient que les permis accordés par la Ville « présentent une vingtaine d’illégalités […] Ils ne respectent pas la loi sur l’eau, la loi littorale… Et ils n’apportent pas, entre autres, la dérogation obligatoire d’atteinte aux espèces protégées », énumère le retraité, militant depuis 20 ans pour faire avancer la dépollution du littoral sud marseillais.
L’association a déposé un premier recours à titre gracieux en mars 2023. Sans réponse de la Ville de Marseille. Les membres ont déposé deux recours visant les deux permis de construire du programme en juillet 2023, accompagnés par leur avocat Maître Marquès.
Ces recours sont encore à l’étude par le tribunal administratif. L’audience n’est pas attendue avant le second trimestre 2024, au mieux.. La procédure en référé-suspension visait surtout à démontrer l’urgence de protéger les habitants d’un début des travaux « qui pourraient commencer à tout moment », souffle Rolland Dadena.
Gingko se veut rassurant
Ce que le promoteur Ginkgo conteste. Pour Pascal Roudier, le directeur environnement du groupe, « la crainte des associations est non fondée, car nous n’avons aucun intérêt à commencer les travaux avant que les recours soient traités ».
Le dirigeant rappelle également que « les deux permis de construire ont été validés » à la suite d’une commission d’enquête publique « dont l’avis a été rendu favorable ».
Ce document met toutefois en lumière sept réserves. « Le problème, c’est que le permis a été accordé alors qu’elles ne sont pas levées, témoigne l’association. Mis à part la suppression d’un bâtiment ».
Les méthodes de dépollution au centre des débats
Outre les permis de construire, le combat de l’association concerne « les méthodes de dépollution insuffisantes », juge le Docteur Gilbert, médecin et habitant du quartier. Il rappelle les taux de pollution aux métaux lourds, le plomb et l’arsenic, sont particulièrement élevés. Notamment dans la cheminée rampante et le « crassier » (montagne de déchets) au bord de la plage.
L’association a, de fait, déposé un 3e recours visant l’arrêté préfectoral publié début 2023 qui autorise Gingko à dépolluer le site. « Ce dossier est une horreur, décrit sans ambages Maître Tizot, avocat de l’association au cabinet marseillais TTLA, qui attaque le document, comme les méthodes de Gingko.
« Pour traiter le crassier, ils ont prévu un bassin de rétention d’eau. Mais il n’y a pas la place de l’installer sur la plage car il doit faire l’équivalent d’une piscine olympique. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres », avance l’avocat.
Pendant la durée du chantier, les militants souhaitent également être rassurés sur l’envol des poussières. « On est d’accord que le site ne pourra pas être dépollué à 100%, admet Docteur Gilbert. Mais nous voulons bénéficier des techniques de dépollutions modernes, c’est tout ce qu’on demande ». Il présente notamment l’utilisation de tentes étanches pour emprisonner les particules.
« De 9 à 15 mois de retard » pour le chantier
De son côté, Gingko assure « utiliser ces méthodes sur les zones les plus polluées ». Des zones mesurées lors d’une « modélisation 3D de l’envol des poussières demandées par les habitants », rappelle Pascal Roudier. Pendant le chantier sur Legré-Mante, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air, Atmosud, mesurera aussi le taux de pollution des particules fines dans l’air, assure le propriétaire.
Le début des travaux, prévus initialement début 2024, devrait « prendre entre 9 et 15 mois de retard », affirme Pascal Roudier. Le temps que la justice étudie les trois recours, et demande ou non, de faire modifier les permis.