Dans les Bouches-du-Rhône, les Républicains affichent leur détermination à revenir sur l’échiquier politique. 2024 sonne le gong de plusieurs matchs électoraux pour lesquels le parti d’Éric Ciotti se prépare avec punch, pour reconquérir son titre de poids lourd.
Les chaises manquent à la Maison de la mer de l’ASPTT, de la Pointe-Rouge (8e). « On est victimes de notre succès et c’est très bien », sourit Laure-Agnès Caradec, nouvelle présidente de la fédération départementale Les Républicains, en serrant la main de ses invités, tantôt les prenant dans ses bras, quand ce n’est pas la bise chaleureuse. Ambiance conviviale.
Bernard, lui, a trouvé un siège dans le fond de la salle. Ce Marseillais de 71 ans est venu avec sa fille, engagée chez les Jeunes LR. Il a décidé de « reprendre sa carte » au parti gaulliste. « Maintenant, il peut se passer quelque chose », aime-t-il croire, un brin prudent, « parce que ça ne va pas être de la tarte ».
Comme lui, d’autres ont décidé de « renouveler leur confiance », après parfois quelques années d’errance ou la tentation de la flamme. « Un retour à la maison », nous glisse avec un air malicieux une militante de longue date, pleine d’espoirs.
« Il faut partir en reconquête, en conquête et en extension »
En un an, la fédération LR des Bouches-du-Rhône a doublé son nombre d’adhésions atteignant 2200 membres, ce qui en fait la 4e plus importante de France. Trois places dernières celle du patron Éric Ciotti dans les Alpes-Maritimes. « Nous devons être plus présents dans les circonscriptions, soutenir les secrétaires de circonscriptions, montrer que le parti est présent, exprime le gardien des finances Didier Réault. Il faut partir en reconquête, en conquête et en extension, aller chercher de nouveaux adhérents et je pense qu’on a des atouts pour le faire », vante le trésorier.
Outre devenir le N°2, avec 6000 adhérents, l’objectif de l’exécutif départemental est de prendre une nouvelle dimension en nombre, certes. Mais surtout redevenir un poids lourd de la politique, pour peser dans la perspective des prochaines échéances électorales, renouant d’une certaine manière avec ce que Stéphane Le Rudulier, secrétaire départemental, appelle « l’ancien monde ». Ce temps – pas si lointain – du clivage historique gauche-droite qui ouvre le champ des possibles.
« Une alternative crédible pour affronter les combats à venir »
Au-delà des « santé, bonheur et réussite » de circonstance, le leitmotiv pour 2024 est limpide : la mobilisation. « Nous devons reprendre la place qui est la nôtre, c’est indispensable », motive Laure-Agnès Caradec, devant quelque 400 personnes réunies ce soir-là, malgré beaucoup de personnalités du parti retenues sur d’autres cérémonies de vœux.
La vice-présidente de la Métropole dit toute sa désolation face à « l’état de la France ». Santé, logement, sécurité… Tout y passe, jusqu’à la composition du nouveau gouvernement, qui assume désormais son penchant pour la droite. Elle ironise sur les « petits arrangements entre amis de Rachida Dati [la nouvelle ministre de la Culture a été exclue des LR] pour la Mairie de Paris ».
Mais les nominations de personnalités proches de l’ancien président Nicolas Sarkozy ne sont, dit-elle, « qu’un nuage de fumée pour enfumer à l’issue de la loi immigration », dont certaines mesures ont été largement encouragées par Les Républicains.
Une agitation qui « ne doit pas déconcentrer de notre objectif, recadre l’élue. Tenir la base, être fidèles à nos convictions, nos valeurs, la colonne vertébrale de toute notre action. À nous de décliner de façon encore plus puissante notre corpus politique, de nous mobiliser et de jouer collectif pour être une force de propositions pour affronter les combats à venir ».
Round 1 : les élections Européennes de juin 2024
Premier round : les élections européennes des 6 et 9 juin 2024. François-Xavier Bellamy, eurodéputé sortant, s’est imposé comme tête de liste. Cet agrégé en philosophie, qui avait déjà mené la liste du parti il y a cinq ans, sera d’ailleurs en meeting à Marseille dans les semaines à venir.
« C’est vrai que c’est une élection qui par essence nous est difficile. On ne va pas se raconter d’histoire », admet le sénateur Stéphane Le Rudulier, dont le phrasé et les mimiques rappellent ceux de Nicolas Sarkozy, qu’il cite d’ailleurs en exemple. Car la liste que l’ancien secrétaire général du RPR conduit avec Alain Madelin aux Européennes de 1999 n’arrive qu’en troisième position (13%).
Nicolas Sarkozy décide alors de se retirer de la politique nationale. « C’est la traversée du désert pendant deux ans, avant le retour en 2001. Il faut garder espoir, parce qu’on se doit au minimum d’atteindre la barre des 10-12-13% pour envoyer un message très fort à l’exécutif. Les LR ne sont pas morts. Vous n’allez pas les aspirer dans votre parti central », insiste-t-il.
Round 2 : les municipales en 2026
Une opération de relance en vue du second round : les élections municipales de 2026. Elles se disputeront « à l’échelle des 119 communes du département », annonce la présidente de la fédération.
En ligne de mire, la reconquête de Marseille, gagnée en 2020 par le Printemps marseillais, l’union de la gauche. Comme un petit refrain depuis plusieurs mois, le mot « déclin » ou encore « amateurisme » pour décrire leur vision de la situation dans la deuxième ville de France, résonne dans la salle.
Les dossiers polémiques à l’instar du Boulevard Urbain Sud (BUS), de l’affaire Pagnol, de la « dégradation du centre-ville »… sont égrenés. « Nous devons offrir une alternance forte, musclée et crédible pour les prochaines élections, clame-t-elle. La famille LR doit être solide, puissante et solidaire. Nous aurons des alliées avec des familles avec lesquelles nous avons fait alliance par intérêt commun. Aujourd’hui, on n’a pas de candidat, construisons un projet, des équipes pour affronter le combat ». Elle compte d’ailleurs sur la jeunesse pour « réveiller » cette fédération trop longtemps en sommeil. « La relève ».
Tirant les leçons de 2020, localement, les jalons d’une large coalition de la droite pour 2026, ont déjà été posés, sous la houlette de Renaud Muselier, président (Renaissance) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Martine Vassal, présidente (DVD) de la Métropole Aix-Marseille-Provence et du Département des Bouches-du-Rhône. Tandis qu’à l’échelle nationale, les coups portés à la politique du président de la République, continuent de pleuvoir.
Round 3 : la présidentielle en 2027
« On a mangé notre pain noir, mais aujourd’hui nous sommes en mesure de revenir réellement dans le jeu politique. Il faut montrer qu’on est à la manœuvre pour remonter la pente. Nous sommes finalement le seul parti de gouvernement qui peut aujourd’hui contrer le macronisme fumeux », expose Didier Réault, convaincu.
Le vice-président de la Métropole raille les 2h15 de conférence de presse d’Emmanuel Macron, lundi 15 janvier. « Chirac, Giscard-d’Estaing, Sarkozy et même Mitterrand… Ça avait une autre tenue, il y avait une vision, un sens de l’action. L’erreur du macronisme, c’est de nous expliquer comment nous devons vivre. Nous devons garder cette liberté, cette capacité de vivre notre vie. On ne doit pas nous dicter notre conduite », dit-il, sous les applaudissements fournis de la salle.
L’autre ennemi de la liberté sur leur chemin et non des moindres, reste le Rassemblement national. « C’est de la com’, de l’illusion, pense Laure-Agnès Caradec. Je peux comprendre que par moment, certains parfois agacés puissent se dire : ‘on va essayer parce qu’on a tout essayé, mais rien n’a marché’. Mais je suis convaincue que si nous retrouvons notre corpus politique et que nous le réaffirmons, nous pourrons remporter des victoires ».
Quand Stéphane Le Rudulier, lui, veut croire que « nous reviendrons au pouvoir parce que la Ve République, c’est l’hyper personnalisation du pouvoir. Il nous faut un leader qui sera capable de nous mener à la victoire et je vous assure que si on gagne la présidentielle, tout sera redistribué ».
En attendant le troisième round en 2026, la prochaine rencontre pour Les Républicains, a lieu ce 25 janvier 2024. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer jeudi prochain sur la loi immigration. Le parti d’Éric Ciotti a ainsi déposé un mémoire auprès des Sages, afin de défendre le texte que la droite avait considérablement durci au Sénat. « Oui, on a obtenu une petite victoire, mais on risque bien de déchanter », livre le sénateur Le Rudulier.
Un arbitrage qui pourrait remettre en question le retour dans la catégorie poids lourd des LR, toutefois bien résolus à aborder les prochaines échéances sans terminer une nouvelle fois dans les cordes.