Alors que la période des soldes d’hiver débute cette semaine, Marion Lopez, styliste et fondatrice de l’école Studio Lausié, partage sa vision écoresponsable de la mode et ses alternatives à la « fast fashion », nombreuses à Marseille.
Au sein du Hangar Belle de Mai, lieu culturel partagé dans le 3e arrondissement de Marseille, les élèves du Studio Lausié s’affairent à esquisser leurs créations, avant de découper des matériaux récupérés. À l’aide d’une machine à coudre, Coline assemble entre eux deux morceaux de tissu bleu à motifs floraux. « C’est ma tante qui m’a donné ça, je crois que c’est un drap acheté à Ikea qui doit dater des années 80. J’essaye d’en faire un pantalon qui se drape autour de la taille avec une lanière à nouer ».
En seulement trois ans d’existence, la première école de mode alternative de la région a accueilli plus de 100 apprenants. Fondé par Marion Lopez, Studio Lausié forme 18 étudiants, de 18 à 30 ans, dans un cursus de styliste et développeur produit. Pour s’inscrire, aucun diplôme ni expérience dans la mode ne sont requis.
La transformation de vieux matériaux en créations neuves
Cette école pas comme les autres a pour fil rouge le réemploi de textiles. L’écoresponsabilité et l’upcycling, soit la transformation de vieux matériaux en créations neuves, sont au cœur de l’enseignement dispensé par Marion Lopez. « Ce qui est important, c’est de créer avec ce qu’on a pour revaloriser l’existant, au lieu d’aller acheter de la matière nouvelle. Pour changer les choses dans la mode, il est nécessaire que les jeunes professionnels soient formés à ça », considère-t-elle.
Cette formation inclusive, professionnalisante et globale permet aux élèves de « toucher à tout. Du modélisme à la conception, en passant par tous les autres métiers de la mode, la direction artistique, le stylisme photo et accessoire, les achats… C’est ce côté concret qui m’a beaucoup manqué pendant mes études », raconte la trentenaire, diplômée de l’École supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod) de Lyon.
Des solutions locales contre la surconsommation
Avant de fonder Studio Lausié, Marion a travaillé en tant que styliste pour les marques Eleven Paris et Daily Paper. À ses débuts en tant que directrice de production, elle est amenée à voyager entre l’Europe et l’Inde, la Chine et le Vietnam, où elle découvre « l’envers du décor de la fast fashion : les rivières d’ordures pleines de produits chimiques utilisés pour la teinture, les conditions de travail catastrophiques des travailleurs dans les usines… ».
« Derrière un tee-shirt en polyester à 5 euros, il y a des gens – souvent des femmes – non rémunérés ou payés 5 dollars pour douze heures de travail, reprend-elle. Sans parler des produits nocifs, à la fois pour la santé et pour l’environnement. Ces expériences m’ont fait me rendre compte que je ne voulais pas du tout participer à ça ».
Avec 4 milliards de tonnes de CO2 générées chaque année*, la mode se place sur le podium des industries les plus polluantes au monde. Alors que la période des soldes d’hiver débute ce mercredi 9 janvier, Marion encourage chacun à « se sensibiliser, s’informer et se renseigner sur les marques alternatives ».
Son credo : « Consommer moins, mais consommer mieux. Et avec l’argent non dépensé, on va pouvoir se prendre une pièce intemporelle chez une marque responsable, qui produit dans des conditions décentes et que l’on gardera plus longtemps ».
« Marseille est la capitale de la mode écoresponsable »
Loin de vouloir culpabiliser le consommateur, la créatrice préconise des alternatives viables comme le troc, ou encore la location de tenues, comme proposé par Studio Paillette. Et, évidemment, l’alternative des vêtements de seconde main.
À Marseille, ses friperies préférées sont Sepia Swing Club, Maison Mère, Digger Club, Coco Vintage, Marcel et Simone, Kitsch, Mélanine Vintage, quasiment toutes situées dans le quartier du Cours Julien (6e). Ou encore Marseille Vintage et Merguez Fripe, « qui fournissent énormément de textiles à l’école ».
Parmi ses marques engagées locales de prédilection, elle cite Georjia Aura, l’Atelier Regain, les sacoches d’Élément Perturbateur qui donnent une seconde vie aux bouées plastiques, les accessoires fabriqués à partir de chutes de bijoux refondues de Capo Bianco… le choix ne manque pas.
« Pour moi, Marseille est la capitale de la mode écoresponsable, affirme la Toulonnaise d’origine. C’est une mode solaire, spontanée, très honnête et engagée, avec beaucoup d’entraide et de collaboration. Le message du Studio Lausié est aussi de dire que la mode, ce n’est pas qu’à Paris : je veux mettre en lumière les talents marseillais, les former, les professionnaliser, et qu’ils aient aussi des perspectives dans le Sud ».
De consommateur à créateur
Et parce que les pépites ne se cachent parfois pas très loin, Marion conseille régulièrement à ses élèves et aux gens « de fouiller dans les placards de leurs parents et de leurs grands-parents ! », sourit-elle en désignant son pantalon noir en laine donné par sa grand-mère. « C’est elle qui m’a appris à coudre et m’a offert ma première machine à coudre ».
En plus du cursus de styliste, Studio Lausié propose des formations courtes de quatre jours, destinées « à ceux qui veulent apprendre à transformer les vêtements ». Ainsi, « le consommateur peut devenir créateur » en se formant à l’upcycling, au modélisme ou la réparation de vêtements.
Défilé de fin d’année
Il reste encore quelques mois avant le grand événement de l’école, le défilé de fin d’année du studio Lausié, en juin. Les élèves y présenteront cinq looks upcyclés, sur le thème de leur choix, qu’ils montreront d’abord à un jury de professionnels, puis face au public. « L’année dernière, plus de 700 personnes ont assisté au défilé, on ne s’attendait pas à un tel succès ! », se réjouit Marion Lopez.
Pour confectionner leurs modèles, les jeunes créateurs peuvent piocher dans les échantillons classés par catégories et matières, stockés dans des boîtes de rangement transparentes. Le réseau de Marion Lopez et son ancrage local permettent à l’école de recevoir tous les textiles nécessaires de la part de grandes marques locales comme Sessùn ou American Vintage, qui donnent régulièrement échantillons, vêtements défectueux, et même du matériel.
Depuis son ouverture, l’école reçoit de nombreuses demandes d’inscription, contraignant de nombreux étudiants à se retrouver sur liste d’attente. Sa fondatrice visite actuellement des lieux en vue d’agrandir les locaux du Studio, « afin de pouvoir accueillir deux fois plus d’élèves dès la rentrée prochaine ».
« Pour la première fois, la formation pourra être financée par Pôle Emploi et le CPF [Compte personnel de formation] », annonce Marion Lopez. Rendant d’autant plus accessible l’apprentissage d’une nouvelle génération de créateurs, qui dessinent à Marseille le futur de la mode.
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