Les trois gigantesques éoliennes flottantes de Provence Grand Large entreront en service début 2024 dans le golfe de Fos, avant un déploiement commercial 10 fois plus important. De quoi raviver le débat.
Elles flottent depuis septembre à 17 kilomètres au large des côtes de Port-Saint-Louis-du-Rhône. Perdues en pleine mer, sans repère d’échelle, difficile de mesurer le gigantisme des trois éoliennes du projet-pilote Provence Grand Large. Pourtant, elles dépassent de plus de 30 mètres la plus haute tour de Marseille, celle de la CMA CGM.
Avec une hauteur totale de 174 mètres de haut, des pales de 75 mètres, le projet se veut innovant. Notamment avec la « ligne d’ancrages tendus » reliant des câbles d’attache à des ancres à succion fixées à 100 mètres de fond. Ce système d’attache permet de maintenir la structure stable même par temps fort.
Mais aussi avec les trois turbines de 8,4 mégawatts, « les plus puissantes de France à l’heure actuelle », note la directrice du projet chez EDF Renouvelables, Christine de Jouëtte. Soit 25 mégawatts de capacité totale. De quoi « fournir l’équivalent de la consommation électrique annuelle de 45 000 habitants. C’est à peu près une ville comme Martigues ».
Le temps de finir le raccord par câble à la station électrique RTE de Port-Saint-Louis-du-Rhône, la mise en service de cette ferme éolienne flottante est annoncée pour « le printemps 2024 ».
🎥 Dans le golfe de Fos, trois éoliennes flottantes vont produire l’équivalent des besoins annuels en électricité d’une ville comme Martigues.
Découvrez le projet pilote Provence Grand Large mené par @EDF_RE avec le soutien @AgnesRunacher @Ecologie_Gouv @MaRegionSud… pic.twitter.com/SxjflqVAXY
— Made in Marseille (@MadeMarseille) December 8, 2023
Cap sur l’éolien en mer
Le projet était débattu ce jeudi 7 décembre au pied des éoliennes flottantes, à bord d’une navette maritime. Car cette ferme pilote d’éolien flottant fait partie des multiples enjeux abordés par la grande consultation publique nationale lancée par l’État, « La mer en débat », qui se déroule jusqu’en avril prochain.
La commission nationale du débat public avait donc réuni des associations environnementales, des pouvoirs publics, des sociétés de l’énergie, des scientifiques, des élus… Ainsi que la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher.
Pour elle, dans la stratégie de décarbonation de l’énergie française, « l’éolien marin est un outil majeur, car il fonctionne 90 % du temps. Il représente [aujourd’hui] 30 % de la capacité de production des éoliennes en France avec seulement deux parcs ».
C’est pourquoi l’État entend accélérer le déploiement de la production électrique d’éoliennes offshore pour atteindre 45 gigawatts en 2050. « C’est l’équivalent de 13 réacteurs », estime la ministre.
Des oiseaux et des hélices
Dans le golfe de Fos, alors que la ferme pilote n’a pas encore démarré sa phase expérimentale, il est déjà prévu de multiplier la production par 10, a minima. Il s’agira d’une seconde phase, commerciale, de 250 mégawatts, à quelques kilomètres de Provence Grand Large.
L’enquête publique doit débuter prochainement, mais ce premier débat a déjà laissé émaner diverses réticences. L’impact sur des espèces sauvages comme les oiseaux, en particulier migrateurs, à l’entrée de la zone naturelle de transit camarguaise, avait déjà été évoqué en amont.
EDF renouvelable y répond avec l’installation d’un « radar de grande portée dès janvier sur une éolienne pour analyser et enregistrer tous les déplacements et comportements des oiseaux », explique Christine de Jouëtte. Pour la directrice du projet éolien, « il n’y a quasiment aucune donnée aujourd’hui sur ces questions. Nous fournirons toutes nos données au comité de suivi scientifique ».
Écologie d’échelle
France nature environnement alerte également sur l’impact des câbles sur la flore sous-marine, en particulier la posidonie, plante indispensable à l’écosystème méditerranéen et puits de stockage de carbone. L’association environnementale pointe également l’atterrage des câbles sur la côte Bleue. Avec la crainte de dégâts dans des espaces naturels protégés comme la réserve marine de cap Couronne ou des zones Natura 2000.
Sans minorer ces alertes, et prônant un déploiement éolien marin « au cas par cas », l’argumentaire d’Agnès Pannier-Runacher consiste à « prendre de la hauteur » pour estimer que « les bénéfices seront supérieurs aux impacts ».
Selon la ministre, la production d’énergie décarbonée permettra de lutter contre « le réchauffement climatique », première menace pour « l’effondrement de la biodiversité ».
« Si vous voulez l’adhésion de la population, il faudra changer la manière »
Les espèces sauvages ne sont pas les seules à craindre le déploiement d’éolien, comme le rappelle le maire PS de Fos-sur-Mer, René Raimondi. Il estime que les habitants de sa commune perdent déjà « 8 000 hectares avec le déploiement des usines. Il ne leur reste que la mer, et vous voulez amputer 15 000 hectares marins ».
L’élu rappelle l’importance de la navigation de plaisance et de la pêche halieutique pour le territoire. Il raconte que des accrochages et conflits d’usages ont déjà eu lieu autour de Provence Grand Large cet été. « Si vous voulez l’adhésion de la population, il faudra changer la manière ».
Les pêcheurs professionnels craignent également « une privatisation des espaces maritimes ». C’est ainsi que le décrit Thomas Sérazin, chargé de mission du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) Occitanie.
Questions écologiques, économiques, d’usages… Le déploiement de l’éolien en mer ne manquera pas de susciter le débat.