Une usine de production de fer réduit bas carbone, nécessaire pour fabriquer de l’acier décarboné, se projette dans la ville de Fos pour 2027. Porté par GravitHy, le projet pourrait générer 3 000 emplois tout en accélérant la transition écologique des industries de la zone.
Si la sidérurgie était un pays, elle serait le 3e pays le plus émetteur de CO2 au monde. En France, 55 industriels sont responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre. Pour cause, l’Etat s’est fixé l’objectif de réduire de moitié les émissions industrielles à horizon 2030. C’est le défi dans lequel s’inscrit GravitHy, une start-up née en 2022 de l’incubateur européen EIT InnoEnergy.
Son dessein est clair : elle veut créer une usine de fer réduit bas carbone, appelé DRI pour « direct reduced iron », destiné à la fabrication de l’acier. Cette méthode de production permettrait, grâce à l’hydrogène vert, « de réduire de 90% les émissions de CO2 », explique la jeune entreprise sur son site.
Pour atteindre une production de deux millions de tonnes, les porteurs du projet veulent implanter leur usine sur 70 hectares au sud d’Ascométal, sur les bassins ouest du port à Fos-sur-Mer, la ville la plus polluée de France après Dunkerque.
Après deux ans de réflexions, le projet entame l’épreuve de la concertation publique déployée dans les 21 communes concernées, du 27 novembre au 31 janvier prochain.
Cette étape parachève le travail de l’équipe projet qui a levé 10 millions d’euros pour mener les études de faisabilité, recruter le président directeur général au Brésil, José Noldin, et étudier le foncier disponible pour accueillir une usine de cette ampleur.
Des débouchés économiques pour le port
La situation géographique choisie est stratégique pour l’entreprise. D’abord, être installée sur le port de Marseille-Fos permet de faciliter l’importation de trois millions de tonnes de minerais de fer, nécessaires à la fabrication de deux millions de tonnes de fer réduit.
La localisation simplifierait également les exportations de la production vers l’international. Cette activité se présente comme une aubaine pour l’activité du port qui a longtemps misé sur le trafic des énergies fossiles comme le charbon. « Le trafic de vrac solide du port est en déclin et la décarbonation va encore réduire ces volumes. À horizon de 2035, l’activité générée par GravitHy pourrait représenter entre 30 et 50% des volumes », observe Frédéric Pellegrin, le président de Hes Med Terminals à Fos, dont le principal client est le leader mondial de l’acier Arcelor Mittal.
Implanter son usine à quelques pas du site historique du géant de la sidérurgie, permettrait à GravitHy de fabriquer en proximité directe avec ce futur potentiel gros client. « Le niveau d’export du DRI dépendra d’Arcelor Mittal. Soit il fera de GravitHy son client, soit il importera », souligne Frédéric Pellegrin, également représentant du pool Docker de Fos-sur-Mer.
Le président du directoire du port, Hervé Martel, ne cache pas son enthousiasme de voir tomber ce projet dans l’escarcelle du GPMM. « C’est une chance incroyable », lançait-il en avril dernier devant les élus et les partenaires, lors de la présentation du projet. D’autant que GravitHy permettrait de conserver les emplois des manutentionnaires à quai, et ainsi, les savoir-faire acquis au fil des décennies.
3 000 emplois crées pour 2,2 milliards d’investissements
Le projet promet aussi d’être pourvoyeur d’emplois : 500 directs et 2 500 indirects. « C’est une opportunité qu’on ne revivra pas. Les réglementations européennes et françaises permettent de faciliter l’installation de ce projet. Il ne faut pas louper le coche », insiste le maire socialiste de Fos-sur-Mer, René Raimondi.
En effet, la loi industries vertes promulguée fin octobre doit accélérer l’ouverture d’usines de ce type grâce à la simplification de la procédure d’autorisation environnementale. Si le projet GravitHy se poursuit à la suite de la concertation publique, cette démarche sera enclenchée dès le premier semestre 2024. Démarreront ensuite les travaux de la construction de l’usine fin 2025.
Pour mettre l’usine sur pied, le directeur financier Nicolas Chabannes prépare une levée de fonds de 70 millions d’euros pour janvier prochain. Si cette somme paraît colossale, elle représente uniquement 5% de l’investissement total sur le territoire, estimé à 2.2 milliards d’euros d’ici 2027.
La consommation énergétique de la région va doubler d’ici 2030
En plus d’être gourmande financièrement, la production de DRI nécessite une puissance électrique phénoménale. l’usine de GravitHy représenterait 1 Gigawatt à elle seule. « La moyenne de la consommation régionale se situe entre 5 et 6 Gigawatts aujourd’hui. À horizon 2030, quand on regarde les différents projets qui se préparent comme Carbon, H2V ou GravitHy, on prévoit un doublement des besoins en électricité, nous explique le maître d’ouvrage RTE Méditerranée, c’est comme si 5 millions de personnes venaient habiter en même temps dans la région. »
Pour répondre aux besoins croissants des projets industriels sur Fos, Emmanuel Macron avait émis l’idée de l’installation d’une petite centrale nucléaire au bord de la mer, lors de son déplacement en juillet dernier pour faire un point sur l’avancée du plan Marseille en grand.
À cette occasion, René Raimondi alertait le Président sur l’urgence de construire des infrastructures routières pour acheminer les marchandises et les futurs salariés de la zone. « Les services de l’Etat mettent les bouchées doubles. Ils ont entendu nos revendications avec Pierre Dharréville (député communiste de Port-Saint-Louis du Rhône, Ndlr) », assure le maire.
La Région Sud travaille actuellement sur un deuxième volet du Contrat de plan Etat-Région (CPER) 2023-2027 dont l’enveloppe dédiée aux routes (90 millions d’euros) devrait sensiblement augmenter. « L’axe Martigues-Port-de-Bouc est en route. Maintenant, il faudrait financer les études pour l’axe Fos-Salon… », se félicite René Raimondi qui veut faire de Fos l’exemple de la décarbonation des industries françaises.