En 2024, les biffins de Gèze investiront les anciens entrepôts Casino pour créer de grandes halles marchandes de 2 500 m2. Visite du site avec l’association Amelior qui porte ce projet d’insertion.
« C’est très bien, très grand, et c’est couvert, on sera à l’abri ! » Mariame visite les anciens entrepôts Casino qui font face à la station de métro Gèze. Elle fait partie des quelque 800 vendeurs de rue (à la louche), ou biffins, qui posent quotidiennement leurs étals à même le sol, entre le marché aux puces de Marseille et le boulevard du Capitaine-Gèze.
« Ça fait 20 ans que je vends des habits dans la rue vers les puces ! raconte-t-elle. Ça va tout changer d’être là, en sécurité, à l’intérieur, avec des espaces pour stocker, des sanitaires, un accompagnement… »
En effet, l’Association des marchés économiques locaux individuels et organisés du recyclage (Amelior), vient de signer la convention avec la Ville de Marseille, propriétaire, pour occuper le site durant trois ans.
De l’économie parallèle à un statut professionnel
L’objectif : organiser un grand marché couvert pour y regrouper les biffins du quartier. Avec de multiples enjeux. Pour les acteurs publics, il s’agit « d’apaiser l’espace public ». À savoir, régler les problématiques de déchets et de trafics qui accompagnent les vendeurs de rue.
Pour le président d’Amelior, Samuel Lecoeur, il s’agit d’encadrer et de dynamiser cette pratique « vertueuse. Les biffins font de la récupération, de la gestion de déchets, du recyclage. Il s’agit de personnes précaires qui trouvent ainsi un revenu. Et ils proposent des produits bon marché pour les populations de ces quartiers très pauvres. C’est un poumon économique dans le secteur ».
Pour son association, la création de ce marché est également l’occasion de proposer un accompagnement social et administratif pour ces commerçants souvent sans-papiers. « Une première étape vers l’insertion avec un accompagnement dans les démarches institutionnelles, des cours de français, la création d’un statut professionnel… »
Des grandes halles commerçantes de 2 500 m2
D’ailleurs, Mariame montre fièrement sa carte d’adhésion en tant que commerçante à l’association Amelior. « N°2 » peut-on lire. Ce fut une des premières à s’inscrire, sur les « 200 à 300 qui sont en train d’adhérer, explique Fred, travailleur social et premier salarié du projet. Certains ont encore peur de venir car ils n’ont pas de papiers ».
Mais il espère les convaincre en allant les démarcher sur les trottoirs et en ouvrant d’ici la fin du mois une permanence sur place. Le site fait 3 500 m2, au rez-de-chaussée des anciens Établissements économiques Casino, devenus des ateliers et entrepôts de stockage de la mairie.
On y trouve des quais de déchargement de camions, des zones de stockage, des ateliers et des salles de réunions… Mais surtout, un immense hangar de 2 500 m2. Il accueillera, à terme, « les grandes halles marchandes avec 200 stands de commerçants, décrit Samuel Lecoeur. Ce grand marché devrait ouvrir du mardi au dimanche de 6h à 13h ».
En parallèle, l’association va créer une grande ressourcerie pour reconditionner tous types de produits hors d’usage. Elle ouvrira l’après-midi, après le marché.
Un budget de 800 000 euros encore à construire
Mais pour l’heure, il reste beaucoup à faire dans des locaux encore vétustes. Remise en état, sécurisation, réparation du réseau électrique… « On aimerait aussi créer une entrée pour le public du côté de la station Gèze, pour avoir une bonne visibilité », explique le président d’Amelior.
C’est loin d’être gagné. Il faudra convaincre la Ville, propriétaire, et Euroméditerranée qui prévoit des aménagements de ce côté. Mais il faudra surtout trouver les financements pour les travaux qui devraient atteindre « au minimum 100 000 euros », estime Samuel Lecoeur.
Or, l’association a pour l’instant reçu une subvention de 20 000 euros de la Ville et attend la même somme d’Euromed pour la prévention des déchets. « Nous sommes en train d’aller chercher d’autres financements publics et privés », explique le président d’Amelior.
L’Ademe, Fonds vert de l’État, aide de la Métropole pour les actions de collecte de déchets… Il entend également taper aux portes des grandes entreprises de Marseille. L’association table sur un budget annuel de 800 000 euros environ, dont 200 000 seront autofinancés par le marché et la ressourcerie.
Le marché officiel des biffins ouvert en mars ?
Dans l’immédiat, en attendant les financements, les embauches et la réalisation des travaux, Samuel Lecoeur souhaite démarrer le marché « début 2024 en version réduite. À cheval en intérieur et extérieur. Sur les quais de déchargement couverts, et en débordant sur l’avenue Ibrahim Ali ».
Il a bon espoir de lancer le projet définitif à la fin de l’hiver, avec les halles marchandes, la ressourcerie, un atelier de réparation de vélos, les salles de réunions et de cours de français. « Le 1er mars, c’est la Journée mondiale des récupérateurs. Ce serait une belle date pour l’inauguration du nouveau marché des biffins ! ».