Une association d’habitants du quartier de La Fourragère a décidé de planter un verger partagé sur un ancien domaine bastidaire. Baptisé La Bastide à fruits, le projet combine participation citoyenne et recherche scientifique.
Au croisement des quartiers de Saint-Barnabé et La Fourragère (12e), un terrain en friche, situé sur un ancien domaine bastidaire, est en train de se métamorphoser en un verger collectif. Sur cette parcelle de 4000 m2, aujourd’hui propriété de la Ville de Marseille, une association d’habitants prépare le terrain pour la plantation d’une centaine d’arbres fruitiers.
Ce projet de « Bastide à fruits », initié par Sylvain Takerkart, riverain et ingénieur au CNRS, vise à produire des fruits de façon naturelle, « sur le mode des jardins partagés, sans parcelles divisées ». Tout en préservant ce poumon vert dans la ville, à quelques centaines de mètres de la rocade L2.
Curieux de la permaculture et de ses techniques, Sylvain Takerkart a bénéficié d’un accompagnement de la Cité de l’agriculture pour lancer cette initiative. Avec d’autres habitants du quartier, il a créé le collectif VVOUM (Vers des Vergers Ouverts, Urbains, Méditerranéens).
Des abricotiers et des amandiers
« Sur la partie centrale, nous allons planter des abricotiers et des amandiers », projette ce dernier. Le choix des essences à planter a été mûrement réfléchi pour s’adapter au climat méditerranéen. Tout autour de la parcelle, « une haie fruitière dense de prunes, pêches, kakis, grenadiers, noisettes… apportera de nombreux services, en amenant de la biodiversité tout en protégeant du vent et de la pollution ».
En tout, 400 arbustes devraient être plantés, « et autant d’herbes aromatiques, de plantes vivaces… Seule la moitié de la parcelle va être exploitée, afin de préserver un bosquet d’arbres existant et de laisser s’épanouir une prairie spontanée », précise l’ingénieur.
Une autre partie de la parcelle sera cultivée selon l’agriculture syntropique, un système d’agroforesterie développé au Brésil, qui consiste à planter une densité importante de végétaux dans leurs conditions optimales de lumière et de fertilité. Notamment des plantes « qui seront là uniquement pour remettre le broyat au sol et le nourrir directement afin d’atteindre l’autonomie en production de biomasse ».
Aucun entrant chimique
L’objectif du projet est de réussir à cultiver ces essences avec un minimum d’irrigation, en n’utilisant aucun intrant phytosanitaire. « En agriculture traditionnelle, les fruitiers reçoivent énormément de traitements de produits chimiques, rappelle Sylvain. À titre d’exemple, un verger de pommiers en reçoit entre 30 et 40 par an ». Y compris en agriculture biologique, où certains produits sont encore agréés.
Pour éviter la propagation de maladies dans ses cultures, le collectif compte ainsi « développer au maximum la biodiversité » sur le terrain. Une diversité tant végétale, qu’animale « en développant la vie dans le sol », mais aussi la biodiversité aérienne, « en attirant les oiseaux et les insectes ».
Le projet de la Bastide à fruits repose sur les principes mis en avant par la permaculture, un mode d’agriculture qui s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels. « Dans un écosystème très diversifié, on peut arriver à un équilibre, reprend le fondateur. Même s’il y a des maladies ou des ravageurs, ils n’auront pas une influence monstrueuse, car ils seront contrôlés par d’autres individus de l’écosystème qui vont réguler leur développement ».
Une expérimentation scientifique
Une réflexion qui « intéresse des sociologues, des nutritionnistes… ». Par ailleurs, de nombreux chercheurs sont impliqués dans le projet. Dans le cadre d’une « expérimentation unique », ce verger collectif mettra la participation citoyenne au service de la recherche scientifique.
« En plus de participer au travail de la terre, d’entretenir et de tailler les arbres et de bénéficier des récoltes, les bénévoles vont aussi collecter des données en suivant des protocoles de recherche participative, explique Sylvain Takerkart. Les chercheurs analyseront les résultats obtenus ».
Ainsi, le plan de plantation du verger a été co-construit avec le Grab (Groupe de Recherche en Agriculture Biologique), un laboratoire d’agronomie avignonnais spécialisé en arbre fruitiers, en répertoriant les envies des riverains. L’IMBE (Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie) et l’Imsic (Institut Méditerranéen des Sciences de l’Information et de la Communication) à Marseille participent également.
Chantiers participatifs
L’association VVOUM compte actuellement une cinquantaine d’adhérents, dont certains se réunissent toutes les deux semaines, le samedi ou le dimanche matin, à l’occasion de chantiers participatifs pour préparer le terrain. Le prochain aura lieu le dimanche 5 novembre.
La plantation des arbres devrait commencer dès cet hiver, entre décembre et février prochains. « Nous avons déjà commandé les arbres fruitiers auprès de pépiniéristes professionnels de la région, ainsi qu’en Ardèche et dans la Drôme, explique Sylvain Takerkart. Les autres végétaux proviennent pour la plupart du catalogue de la pépinière de la Ville de Marseille ».
Si les riverains pourront cueillir framboises, cassis et groseilles dès l’année prochaine, il faudra un peu de patience pour récolter les premiers abricots et amandes. Leur travail devrait porter ses fruits d’ici 3 à 4 ans à partir de la plantation des abricotiers, et une année plus tard pour les amandes.
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Publié le 19 février 2024, mis à jour le 5 août 2024