La Ville de Marseille présente sa nouvelle stratégie économique ce vendredi 20 octobre en conseil municipal. Laurent Lhardit, adjoint en charge du dynamisme économique, de l’emploi et du tourisme durable, revient sur les grandes ambitions de cette nouvelle feuille de route pour élever Marseille au rang de capitale économique de l’Europe en Méditerranée, pourvoyeuse d’emplois.
« Pragmatique, novatrice, mais surtout très ambitieuse ». C’est en ces termes que Laurent Lhardit qualifie la nouvelle stratégie économique de la Ville de Marseille. La feuille de route 2023-2030, qui contient les principales orientations, a d’abord vocation à rendre visible l’action municipale auprès d’un certain nombre d’acteurs : les Marseillais, les entreprises, les collectivités territoriales, mais aussi l’État et la Commission européenne.
S’inscrivant dans les schémas économiques métropolitain et régional, le document a été bâti à partir « du réel », avec pour préalable « de ne plus considérer Marseille comme une ville de la Côte d’Azur, mais bien l’inscrire dans ce qu’elle est vraiment : une ville en friche, tournée vers la Méditerranée, et ça change beaucoup de choses dans le positionnement de l’action municipale ».
Développement du foncier économique, tourisme durable, formation… Au stade d’orientations, la stratégie pose un certain nombre de sujets sur lesquels la municipalité entend travailler, avec comme « objectif ultime » de soutenir la création d’emplois pour les Marseillais et faciliter les conditions d’exercice de l’activité économique à Marseille. « On veut être une ville facilitatrice, mais on est aussi exigeant ».
Définition de capitale économique
Pour l’adjoint, « le réel » c’est aussi avoir conscience des freins, tout comme des atouts de la deuxième ville de France et l’inscrire comme une véritable capitale économique pour l’aire métropolitaine et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Pendant des années, ce rôle a été contesté à Marseille dans le cadre de la construction de la métropole, mais le territoire de Marseille est aujourd’hui le premier employeur privé de la métropole, c’est la définition même d’une capitale économique ».
Marseille compte aujourd’hui 90 000 demandeurs d’emplois dans différents secteurs d’activités. Des actions vont être menées pour libérer et développer du foncier économique. « À Marseille, les possibilités de projections étant limitées, freinées par le manque de mobilité, les entreprises vont s’installer dans le pays d’Aix ou à Aubagne et ça ne nous arrange pas, parce que très peu de Marseillais bénéficient de ces emplois. On a besoin de mettre à disposition des entreprises du foncier économique pour qu’elles puissent se développer ».
Au-delà de « l’ambition clairement méditerranéenne », en nouant notamment des relations nouvelles avec l’Afrique, l’élu porte son regard beaucoup plus loin. « Nous sommes engagés dans une compétition vertueuse avec l’ensemble des grandes capitales mondiales sur le sujet des transitions (écologique, énergétique, sociale…) ».
L’enjeu est de passer de capitale de la France en Méditerranée à capitale économique de l’Europe en Méditerranée. « Ce n’est pas tout à fait joué, mais dans le pari que fait le Président de la République, il y a de ça ». Le destin de la deuxième ville de France se joue sur son ouverture sur la Méditerranée, avec « un projet à vocation économique et écologique absolument inédit », avait d’ailleurs déclaré Emmanuel Macron, en juin dernier sur le parvis du fort Saint-Jean.
Made in Marseille : La nouvelle stratégie économique inscrit comme priorité le développement du foncier économique. De quelles marges de manœuvre disposez-vous ?
Laurent Lhardit : En 2022, par exemple, 50 entreprises qui voulaient s’installer à Marseille et qui représentaient 3 000 emplois n’ont pas pu le faire faute de foncier et sont parties autre part. On compte sur le travail tripartite entre la Ville, la Métropole et l’Établissement public foncier régional (EPF). Sur instruction de la Ville et de la Métropole, l’EPF préempte. Parfois nous pouvons avoir une opération transitoire, ce qui nous permet d’imaginer une destination, lancer un cahier des charges et évidemment mettre à disposition des acteurs économiques qui vont investir dans le projet.
C’est ce qu’on a fait pour la Station Alexandre, par exemple. Sur la Canebière, trois bâtiments de la Ville, de la Métropole et d’Aix-Marseille Université ont été regroupés. Ils ont fait l’objet d’un portage par l’EPF. Le porteur de projet va entièrement réhabiliter les lieux pour y développer de l’activité tertiaire. Ce sujet s’articule bien sûr avec la foncière économique créée par la Ville de Marseille et la préemption des locaux vacants commerciaux.
La formation est un axe sur lequel vous travaillez également. Comment intervenez-vous sur ce volet ?
Il y a des filières aujourd’hui sur lesquelles on veut vraiment appuyer. Dans le domaine du cinéma, il y a une grande ambition et c’est un volet du plan Marseille en Grand. On a besoin de formations dans les industries créatives et culturelles (ICC) qui permettent d’accéder aux emplois. La Ville soutient Trace Talent, l’école Kourtrajmé, la CinéFabrique qu’on héberge… C’est un moyen d’action.
Évidemment le maritime et le portuaire. Ce développement existe et il est fondamental pour la ville de Marseille. Sur ces métiers, la volonté du maire est de travailler sur la préfiguration d’une Université de la mer et des métiers portuaires, pour laquelle il faut mettre tout le monde autour de la table, et aussi de voir comment les jeunes peuvent accéder à ce type de formation. Parce que souvent il y a des barrières à lever. On sait aussi que sur le port, si nous avons beaucoup de travailleurs détachés, c’est que les compétences sont ailleurs.
Et dans le domaine de l’insertion…
Il y a un écosystème de l’emploi à Marseille extrêmement riche, et il faut être capable de l’animer. Avec France Travail, l’État fait un important travail de structuration du service public de l’emploi et nous, au niveau territorial, nous devons mettre en cohérence tous les acteurs de l’emploi. Je souhaite d’ailleurs que la Maison de l’emploi [qu’il préside] joue un rôle dans cette mise en cohérence, car chacun a sa spécificité (mise en confiance, identification des publics, formations…).
Sur le tourisme durable, une feuille de route spécifique sera dévoilée à l’occasion du dernier conseil municipal de l’année en décembre. Pouvez-vous nous donner quelques orientations ?
On a aujourd’hui la main sur un outil, l’Office de tourisme, [Laurent Lhardit est président délégué de l’Office du tourisme de Marseille depuis janvier 2023, ndlr] ce qui nous permet de mener une politique de tourisme durable, alors que jusqu’à présent nous étions en demande vis-à-vis de la Métropole. Ce sera la confirmation d’une politique que l’on a commencée à initier, d’abord sur le développement de la partie loisirs, c’est-à-dire, d’avoir véritablement une offre qui s’adresse à la fois aux Marseillais et aux touristes. C’est l’un des moyens aussi de répondre à une réalité : beaucoup de Marseillais ne connaissent pas leur ville.
Depuis justement, certains acteurs économiques estiment qu’ils n’ont plus voix au chapitre au sein de l’Office de tourisme. Que leur répondez-vous ?
La création du comité des acteurs du tourisme au sein de l’Office de tourisme permettra justement de discuter de différents thèmes. C’est un organisme statutaire, qui aura des moyens, et pour lequel nous sommes en train de recruter un secrétaire général.
Le colloque des acteurs du tourisme, organisé le mois prochain à la Friche, sera aussi l’occasion de présenter un certain nombre d’axes et de travailler dans des ateliers. Les acteurs du tourisme ne sont pas juste les restaurateurs et les hôteliers, il y a en a beaucoup d’autres, ce sera l’occasion de tous les réunir.
Vous souhaitez développer le “fabriquer à Marseille”. Comment ?
La volonté du maire est de dire que nous avons un tissu industriel, mais aussi de services, de commerces… avec une identité particulière. Nous sommes au point de départ de la démarche. C’est un projet que nous allons construire avec les entreprises. Le mot-clé, c’est “fabriquer à Marseille”, mais je n’aime pas mettre le titre avant d’avoir écrit l’article (rires). À ce stade, nous allons lister les partenaires, faire du benchmarking sur des villes ou des territoires en France qui auraient lancé ou travaillé sur le même concept, pour savoir ce qu’ils font, comment ils le font, etc.
Vous avez annoncé bientôt signer des accords avec les agences de développement économique, à la fois de la Métropole (Provence Promotion) et de la Région (Rising Sud). La Métropole vient de lancer son agence de marketing territorial. Comment la Ville de Marseille y est-elle intégrée ?
Très clairement aujourd’hui, on ne l’est pas du tout. Nous n’avons pas été invités, nous ne sommes pas intégrés à One Provence. Il y a un problème quand même, c’est quand le marketing territorial devient l’action. Le marketing vient normalement en appui de l’action.
Il faut arrêter avec tout ce vocabulaire sur les pépites, les filières d’excellence… ça n’a strictement aucun sens. Il faut appuyer notre politique sur du réel. C’est ce que nous essayons de faire. Pour le “fabriquer à Marseille”, on commence d’abord par consulter le monde économique pour savoir comment on peut s’associer dans l’intérêt du développement économique et des Marseillais. On veut travailler, par exemple, sur une labellisation, quelque chose qui soit intéressant en termes de contenu. Parmi les sujets sur lesquels il ne peut y avoir de polémiques avec les autres institutions, il y a l’économie.