Ferme aquatique, habitats marins… Ecocean développe des outils de restauration écologique pour compenser l’artificialisation du littoral. La société inaugure la station MIR à Marseille pour pérenniser ses activités.
Difficile d’imaginer que dans ces containers estampillés « CMA CGM », en plein cœur de l’immense port industriel de Marseille, une telle biodiversité foisonne. Des aquariums s’empilent en hauteur, à la manière d’un dortoir. Ici, des rougets de quelques millimètres, là, de jeunes loups atteignent 3 centimètres. Plus loin des sars, des muges et même un minuscule corb.
Nous sommes dans la nouvelle station Méditerranéenne d’innovation en restauration écologique, baptisée MIR, en clin d’œil à la station orbitale. Après des années d’expérimentation, la société Ecocean s’est définitivement installée ici pour y pérenniser le projet Casciomar.
Les initiales de Cassis, La Ciotat et Marseille, villes portuaires où les petits pêcheurs partenaires prélèvent des juvéniles de toutes les espèces locales, à l’état de post-larves. « 98 % meurent en condition naturelle. Et c’est sans compter l’impact humain, précise Antony Fortin, aquariologiste. En les élevant ici entre 2 et 6 mois, 80 % survivent lorsqu’on les relâche en mer», affirme-t-il.
L’équivalent de 20 kilomètres de côtes naturelles
C’est le principe simple sur lequel s’appuie le fondateur d’Ecocean, Gilles Lecaillon : « On prélève, on élève et on relâche. Nous avons ainsi remis en mer 20 000 poissons depuis 2015. Désormais nous sommes à un rythme de 2 000 à 3 000 par an ».
Le dispositif vise à compenser l’artificialisation des milieux naturels côtiers depuis le 20e siècle « qui a détruit l’habitat écologique de la faune marine. On ne peut pas enlever le port de Marseille, déplore-t-il, mais il soutient que Casciomar produit chaque année autant de juvéniles de sars que 20 kilomètres de côte naturelle ». Soit plus que la zone portuaire marseillaise.
« Ce n’est pas une goutte d’eau dans la mer ! », lance Gilles Lecaillon. D’autant qu’il étend le même procédé à Toulon, en Occitanie et même aux Philippines. Il rappelle surtout que la station MIR développe d’autres projets pour appuyer la restauration écologique, comme les « biohuts ». Ces habitats artificiels immergés dans les ports permettent aux jeunes poissons de grandir à l’abri.
Le fondateur d’Ecocean affirme ainsi qu’une étude « a estimé que l’élevage des juvéniles dans notre ferme combiné aux « biohuts » a permis de restaurer naturellement 30 % de ce qui a été artificialisé sur le territoire où on travaille ».
Ecocean se lance dans la culture de coraux
Mais les containers recyclés de la station MIR cachent encore des surprises. L’un d’eux s’appelle « OP Corral ». Plongé dans le noir et rafraichi à 15 degrés pour imiter les profondeurs, des boutures d’espèces coralligènes sont entrain de prendre racine.
« De s’encrouter plutôt », nous reprend Antony Fortin, rappelant qu’il ne s’agit pas de plantes. L’aquariologiste explique qu’il s’agit ici d’une expérience, sur le principe de Casciomar, « pour voir si ces boutures élevées en labo survivront mieux une fois réintroduites ».
Jusqu’ici, les gorgones, espèces méditerranéennes malmenées par le réchauffement climatique, montrent une belle croissance. « Il y a des rejets de 5 centimètres en moins de 2 ans, c’est très intéressant ». Le partenaire Andromède les remettra en mer dans quelques semaines du côté de Nice.
Financé pour moitié par l’Agence de l’eau, mais aussi par des investissements de groupes privés, Ecocean compte désormais quatre employés dans sa station MIR. Une mise en orbite réussie pour la restauration écologique.