À l’occasion des Journées du patrimoine, Gyptis, réplique d’une barque antique de pêche, sans clou, ni vis, sera exposé durant trois jours devant le futur tiers-lieu de la mer à l’entrée du Vieux-Port.
C’est la copie conforme d’un navire utilisé par les premiers colons grecs il y a 2600 ans. La réplique baptisée « Gyptis », du nom de l’épouse du fondateur phocéen de Marseille, Prôtis sera exposé trois jours durant à l’entrée du Vieux-Port, sur la terrasse du futur tiers-lieu de la mer [à lire ici], à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.
Gyptis a été mis à l’eau pour la première fois en octobre 2013 dans le Vieux-Port de Marseille. À l’origine, cette grande barque côtière datée d’environ 550 avant J.-C était utilisée notamment pour la pêche au corail. Sa particularité : pas la moindre vis ni le moindre clou n’ont été nécessaires à l’assemblage du bateau. Seules des coutures et des ligatures ont été utilisées par des spécialistes en archéologie expérimentale qui ont reproduit les gestes et le savoir-faire des charpentiers grecs de l’époque. Des techniques réinventées grâce aux vestiges archéologiques.
Chercheurs, charpentiers, étudiants, retraités et associations ont contribué à la réalisation de ce projet d’archéologie expérimentale qui a nécessité vingt ans de recherche et 8 000 heures de travail.
Cinq kilomètres de fil de lin dans près de dix mille cavités
« L’histoire commence avec cette épave de navire grec datant du VIe siècle avant J.-C. Extraordinairement bien conservée, elle a été découverte en 1993 lors des fouilles archéologiques de la place Jules-Verne, à Marseille, dans le port antique de Massalia », raconte le CNRS dans un article illustré retraçant la conception de ce bateau « cousu-main ». Au total, cinq kilomètres de fil de lin ont été enfilés dans près de dix mille cavités et 10 000 chevilles en bois posées pour sa construction.
Un projet unique pensé et dirigé par Patrice Pomey, ancien directeur de recherche au CNRS. Disparu en mars 2021, Patrice Pomey, homme de terrain passionné, grand théoricien de l’archéologie navale, a piloté le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm – Ministère de la Culture) de 1984-1990, basé à Marseille, puis le centre Camille-Jullian (une unité mixte de recherche qui dépend d’Aix-Marseille Université et du CNRS).
« Il proposé une voie d’analyse fondée sur les concepts de « principe de construction » et de « méthode de construction ». Cette approche, qui permet d’appréhender le projet architectural du navire tant sur le plan immatériel – la conception des formes et des structures – que sur le plan matériel – la réalisation –, a éclairé d’un jour nouveau de grandes questions telles que les phénomènes de transition technique, entre ruptures, évolutions sur le temps long et survivances », écrivent ainsi à son propos Giulia Boetto, André Tchernia, dans un article lui rendant hommage.
Cire d’abeille et de poix pour garantir l’étanchéité
C’est sous sa direction que débute en mars 2013 la construction du bateau. Les premières pièces de la charpente en chêne et pins d’Alep sélectionnés en 2010 dans les forêts de Cadarache et de Gémenos., ont été assemblées dans les ateliers du Chantier naval Borg, à Marseille.
La réplique de Gyptis a dévoilé ses courbes lors de l’agencement des premières virures, les planches disposées au fond du bateau. « Après l’assemblage de la quille et de la charpente axiale, les planches qui constituent la coque du bateau ont été installées et cousues entre elles. Elles sont soutenues par quelques chevilles en bois », retrace le CNRS dans un article illustré consacré à la fabrication du Gyptis. Avant sa mise à l’eau, la coque a été recouverte à l’extérieur et à l’intérieur par une couche de cire d’abeille et de poix. Ces deux matériaux garantissent l’étanchéité du bateau.
Une fois la coque décorée et lestée, le Gyptis, doté d’avirons, de gouvernails latéraux et d’une voile de 25 m², réussit ses premiers essais en 2013. Bateau léger et rapide, Gyptis est un vrai succès scientifique contribuant à faire progresser l’archéologie navale.
Le Gyptis remis à flot pour l’arrivée de la flamme olympique
Aujourd’hui, la barque côtière est propriété d’Aix-Marseille Université. Avant d’être exposé, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine, elle était à flot dans le Vieux-Port. Jusqu’à la crise sanitaire, le bateau naviguait tous les ans, puis a été régulièrement amené à la MMSH à Aix-en-Provence pour être restauré sous la supervision de Pierre Poveda, depuis la mort de Patrice (Pomey) et ses équipes.
« Ils le répare, le recousent et le recirent. Ce travail n’a pas été fait depuis deux ans et l’été dernier en raison des fortes chaleurs il a été attaqué par des vers marins et il commençait à couler. Heureusement, nous avons été avertis par les marins du port », nous explique Marie-Brigitte Carre, présidente de l’association culturelle et de loisirs Arkaeos et ancienne chargée de recherche au CNRS, centre Camille-Jullian.
De façon provisoire, l’embarcation est sécurisée dans un hangar privé à Arles. En début d’année, il devrait être restauré par l’entreprise Scotto, spécialisé dans la réparation et la maintenance navale, « pour être remis à l’eau, pour la saison d’été dans le cadre de l’Olympiade culturelle dont l’association Arkaeos est partenaire. « Je pense que la bateau va naviguer dans ce cadre et on aimerait bien le faire participer à l’arrivée de la flamme olympique », poursuit Marie-Brigitte Carre.
En attendant, Gyptis est à découvrir sur la terrasse du tiers-lieu maritime les 15, 16 et 17 septembre, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Au programme également, une découverte des métiers de l’archéologie pour les enfants de 7 à 12 ans, de 10h à 12h et de 14h à 17h, menée avec Arkaeos dans le cadre de l’Olympiade Culturelle.
Infos pratiques
Horaires : de 10h à 12h et de 14h à 17h.
Adresse : La Consigne Sanitaire, 2 Quai du Port, 13002 Marseille.