Nichée dans le quartier de la Madrague de Montredon (8e), la Cabane Georgina est un espace d’exploration artistique et social qui accueille depuis 1997 des résidences d’artistes et des expositions. La dernière en date, “Les prémices de la Tortue”, est ouverte sur rendez-vous jusqu’au 30 septembre.
Enchevêtrée parmi les cabanons du quartier du Mauvais Pas, à la sortie du village de la Madrague de Montredon, au sud de Marseille, une curieuse maison aux façades colorées se détache du paysage. D’un côté, une fresque représentant le soleil, inspiré du tarot de Marseille, de l’autre, un banc de poulpes géants : bienvenue à la Cabane Georgina.
Ne l’appelez pas galerie d’art. Aux antipodes du modèle du « white cube », qui vise à supprimer tout contexte autour des œuvres par la supposée neutralité de ses quatre murs blancs, la Cabane Georgina est un lieu inclassable, laboratoire de création, espace d’expositions et de rencontres.
Résidences d’artistes
Un « cœur-lieu », comme aime à l’appeler son créateur, Jérémy Chabaud. Pour cet artiste-peintre originaire de Lille, « l’art doit être au cœur de la vie. Il doit se situer dans un rapport au quotidien et servir à tisser des liens avec les autres ».
Amateur d’escalade et de plongée, tombé amoureux de ce quartier-village à l’entrée des Calanques, il a fait de cette ancienne maison de pêcheur son atelier en 1995. Souvent amené à voyager pour son travail, il décide de mettre la Cabane à disposition du collectif Jeune Création, dont il est aujourd’hui le président. Fondée en 1949, il s’agit de la plus ancienne association d’art contemporain encore active en France.
Jérémy propose par ailleurs, à l’étage, des résidences d’artistes, qui ont accès à une chambre et un atelier avec vue sur la mer. Peintres, musiciens et écrivains y ont séjourné, mais aussi « psychanalystes, scientifiques, cuisiniers »… ce cadre idyllique est ouvert à quiconque souhaitant « prendre un temps pour créer quelque chose, ou décaler son regard sur sa pratique ».
La saga Georgina
L’artiste Martin Faure y a installé sa palette et ses pots de peinture, ses instruments et ses livres pour l’été. Depuis son arrivée, il a recouvert le plafond du salon d’une immense fresque florale à l’occasion de la nouvelle exposition collective de la Cabane Georgina, poétiquement nommée “Les prémices de la Tortue”.
Car chaque année depuis dix ans, la Cabane fait peau neuve pour accueillir un nouveau « chapitre » de sa saga. Inaugurée le 11 juillet dernier, l’exposition réunit les œuvres de 60 artistes de toutes générations, horizons et expressions plastiques. Tableaux, dessins, céramiques, sculptures, collages, tissages et autres réalisations envahissent chaque recoin de la bâtisse.
Des œuvres d’artistes renommés y côtoient celles d’étudiants des Beaux-Arts. Un tableau de maternité du peintre expressionniste Maurice Rocher datant de 1952, une tenture “paysage” en tissu aux couleurs vives de l’artiste marseillaise Elsa Noyons, un portrait du philosophe Gaston Bachelard signé par son élève Marianne Bourges…
Plus de 3 000 artistes y ont été exposés. Depuis 26 ans, la Cabane Georgina « raconte une histoire. L’histoire d’un quartier, l’histoire de Marseille et ses liens avec le monde », poursuit le peintre.
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Une fête de quartier pour chaque vernissage
Bien qu’il y ait « toujours eu des cabanons d’artistes » à Montredon, la Cabane Georgina est le premier espace de création à avoir ouvert au public dans cette partie de la ville. Ce village à flanc de falaise dominé par le « Mont Rose », port de pêche au passé industriel, a été construit à l’origine, illégalement, dans les années 1960 par des pieds-noirs originaires d’Espagne, rapatriés d’Algérie.
Si certains ont pu voir l’arrivée de cet ovni coloré d’un œil méfiant, Jérémy Chabaud a réussi, de fil en aiguille, à tisser des liens forts dans ce quartier où une forte vie communautaire s’est développée. Notamment grâce au succès des grandes fêtes costumées, organisées à l’occasion de chaque vernissage de la Cabane Georgina, qui ont permis de relancer la traditionnelle paella géante qui avait lieu autrefois à la fin de l’été.
Lors du dernier vernissage, « il y avait même un bonhomme avec une cape qui se présentait comme Johnny Hallyday ! », lance Denise Bailly, voisine et ancienne locataire de la Cabane Georgina assise à l’ombre de la maison avec son mari Denis et sa belle-fille.
« C’est tout un pan de Marseille que l’on connaît mal, reprend Jérémy Chabaud. Ce sont toutes des personnes qui ont été, quelque part, rejetées, qui sont arrivées avec peu de moyens. C’est un quartier où des gens, avec plein de tracas, mais aussi plein de solidarité, se sont rassemblés pour créer un petit paradis ».
La mission de la Cabane s’accomplit ainsi hors les murs, en inscrivant la pratique artistique et les œuvres « dans un rapport à la vie, et pas uniquement de manière marchande avec les gens ».
Informations pratiques
Exposition « Les Prémices de la tortue », du 11 juillet au 30 septembre 2023
Cabane Georgina, 2 chemin du Mauvais pas, 13008 Marseille
Ouvert sur rendez-vous, réservations sur la page Instagram
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En plus des “Prémices de la Tortue” à la Cabane Georgina, l’association Jeune Création propose un parcours de six expositions à voir durant l’été, à la galerie du Tableau rue Sylvabelle (6e), au Beer District rue de la République (1er), ou encore à la Mairie des 6e et 8e arrondissements.