Face au fléau des grandes copropriétés dégradées et la complexité pour la puissance publique d’agir, Emmanuel Macron annonce une loi pour « exproprier beaucoup plus facilement ». Certaines d’entre elles à Marseille feront l’objet d’opérations d’intérêt national.

Mercredi 28 juin matin, c’est au pied des barres de la résidence Benza dans le 10e arrondissement de Marseille qu’Emmanuel Macron a décidé de faire une halte pour son troisième et dernier jour de visite dans la ville.

Car le sujet du jour concerne les copropriétés dégradées. Et celle-ci est en voie de le devenir. Qu’il s’agisse du cortège d’élus locaux, d’associatifs, d’habitants ou du Président de la République accompagné de son ministre du Logement Olivier Klein, tous dressent un tableau désolant.

Des « marchands de sommeil » qui remplissent des logements indignes et « touchent les loyers garantis par la CAF », comme le décrit le maire Benoît Payan.

Mais aussi des syndics « qui sont là pour encaisser des charges abusives, sans contrôle », poursuit la maire adjointe Samia Ghali, « choquée » de ce qu’elle a vu. « Des habitants doivent sortir 600 euros de charges par trimestre alors qu’il n’y a même pas l’ascenseur ».

C’est justement le montant que paie Moheddin [photo en Une], retraité du bâtiment, dont la pension de 1 000 euros est ainsi ponctionnée par des syndics. « Ce prix, quand on voit l’état du quartier… L’ascenseur est toujours en panne. Chaque fois, c’est plusieurs jours, coincé chez moi », raconte le propriétaire âgé.

Il décrit aussi l’extérieur. Les façades qui craquellent et les barrières pour protéger les passants. Sans oublier les appartements qui prennent feu, « bloc 3, bloc 4, et ici aussi, lève la tête », dit-il en regardant vers le haut. Les vestiges du dernier incendie en date.

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L’appartement incendié au dernier étage de la copropriété Benza

« Sans leur accord, on ne peut rien toucher »

Les copropriétés sont une bête noire dans la lutte contre l’habitat indigne et dégradé. Il est facile de trouver le responsable dans les barres HLM avec un seul bailleur social identifié, et souvent public. Mais ici, des centaines de petits propriétaires privés se partagent ces grands ensembles. Un casse-tête juridique lorsqu’il s’agit d’intervenir pour les rénover ou les détruire.

C’est le cas de la barre G du parc Kalliste, dans le 15e arrondissement de Marseille. Elle est devenue un symbole des copropriétés dégradées et de l’insécurité la plus totale. Aujourd’hui, « les 180 logements sont vides, explique Samia Ghali. Deux ans de travail avec le préfet pour convaincre les propriétaires de partir. Mais on ne peut toujours pas la démolir », se désole-t-elle.

Pourquoi ? « À cause de deux propriétaires introuvables. Ils sont peut-être à l’étranger, peut-être décédés. En tout cas, sans leur accord, on ne peut rien toucher, déplore l’élue. Le président aurait pu annoncer le chantier de démolition, si la loi était mieux faite ».

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Emmanuel Macron et Samia Ghali à Benza

« On va pouvoir exproprier beaucoup plus facilement »

« Nous allons changer la loi, annonce-t-il devant les caméras dans la copropriété Benza. Le ministre [du Logement] a travaillé sur un texte (…) On va pouvoir exproprier beaucoup plus facilement, à la main des administrateurs judiciaires, les mauvais payeurs », pose Emmanuel Macron.

L’avenir dira si le texte permettra d’exproprier les propriétaires introuvables « en provisionnant le montant de l’achat s’ils réapparaissent », comme le souhaite Samia Ghali. Et si elle permettra « de créer des syndics publics, pour en finir avec la gestion calamiteuse dans ces quartiers ». Une mesure également souhaitée par la municipalité marseillaise.

Pour l’heure, dans l’urgence, concernant les grands ensembles privés les plus en souffrance dans la ville, l’État va « donner un coup d’accélérateur en les « nationalisant », en quelque sorte », annonce le Président de la République.

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Des opérations d’intérêt national pour les copropriétés les plus dégradées

« Un dispositif hors du droit commun » grâce à une grande opération d’intérêt national. « On exproprie, on indemnise et on reloge pour faire les travaux beaucoup plus rapidement. Là où on met 7 à 8 ans, on va mettre 18 à 24 mois », estime-t-il.

Dans les faits, ce programme prendra deux formes, comme le décrit la mairie. D’abord, une « opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national », portant le nom barbare d’Orcod-IN. Elle ciblera quatre ensembles à Marseille : Les Rosiers (14e), le Grand Mail (14e), Maurelette (15e) et Consolat (15e).

Un Programme d’Intérêt National (PIN) voit également le jour. Il traitera dans la ville les copropriétés Gyptis (3e), Kallisté (15e ), Corot (13e), Maison blanche (14e) et Bellevue (3e).

La municipalité aimerait faire rentrer d’autres résidences privées marseillaises dans ces dispositifs exceptionnels. Elle estime que « 29 copropriétés devraient pouvoir en bénéficier, soit 9 380 logements ».

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