À Marseille, le camp militaire de Carpiagne devrait accueillir une centrale solaire d’ici 2026. Ce projet vise à alimenter en électricité verte des quartiers alentours, comme Luminy, mais prévoit de raser une parcelle boisée.
Le camp militaire de Carpiagne, situé dans le 9e arrondissement de Marseille, sur le massif de Saint-Cyr, projette d’accueillir une centrale solaire de 50 000 m2 d’ici 2026.
Le ministère des Armées a lancé un appel à manifestation d’intérêt en 2021 dans le cadre du plan de l’Etat baptisé « Place au soleil ». Il vise à ouvrir une part de son immense foncier aux professionnels du photovoltaïque.
La société provençale de développement et de production d’énergies renouvelables, Tenergie, et SerenySun, spécialisée dans les communautés d’autoconsommation énergétique, ont décroché le lot.
Alimenter 1 900 foyers en électricité
« Nous espérons déposer les permis de construire d’ici la fin de l’année, ou le début de l’année prochaine », précise Gauthier Dieny, directeur du développement chez Tenergie. Il table sur « une mise en service en 2026. Mais ça pourrait être en 2025 si les choses se passent bien ».
Cette centrale photovoltaïque vise une puissance de « 4,8 mégawatt-crête (MWc), soit une production annuelle d’environ 6,5 gigawatt-heure (GWh) », poursuit-il. Avant de traduire : « Ça correspond à la consommation électrique d’environ 1 900 foyers », selon ses estimations.
Une dérogation pour atteindre Luminy, Cassis ou Carnoux
Dans une logique d’autoconsommation, les porteurs du projet souhaitent alimenter directement des résidences plutôt que réinjecter l’électricité dans le réseau. La production pourrait bénéficier à divers quartiers autour de Carpiagne. « On pense à Luminy, comme à des quartiers de Cassis, Carnoux ou Roquefort-la-Bédoule », précise Gauthier Dieny.
Cependant, la loi ne prévoit pas de dépasser deux kilomètres entre la centrale et le foyer alimenté dans un projet d’autoconsommation. La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, devra ainsi signer une dérogation. « Pour qu’on puisse atteindre un périmètre de 10 kilomètres », précise le directeur du développement de Tenergie.
Laurent Simon, vice-président de la Métropole Aix-Marseille-Provence délégué à la transition énergétique, assure de son « soutien administratif et politique » en tant que membre du comité de pilotage. Il se veut confiant : « C’est un beau projet de transition que le ministère devrait approuver ».
Produire de l’électricité verte en coupant des arbres
Pour l’heure, « nous sommes en phase d’études environnementales concernant les enjeux de biodiversité », explique-t-il. Et justement, le camp de Carpiagne n’en manque pas. Ses 1 500 hectares sont à cheval sur le Parc national des Calanques.
Une biodiversité remarquable s’y développe, comme l’explique le technicien forestier de l’Office national des forêts (ONF) Matthieu Wolff. « Il y a de nombreuses espèces rares, une vingtaine de chauves-souris différentes », ainsi que des oiseaux remarquables et des batraciens. Sans compter une meute de loups, installée depuis 2021 [lire notre reportage en page 42 de notre magazine].
Côté végétation, le patrimoine naturel boisé de 1 000 hectares compte « des îlots de feuillus, comme les vieux chênes blancs séculaires… Carpiagne est un beau résumé des milieux naturels de Méditerranée ».
Si la future centrale photovoltaïque se situera au cœur du camp, hors des périmètres protégés, il s’agira toutefois de raser 5 hectares boisés.
« Dans un département aussi urbanisé, ça vaut le coup de se poser des questions »
« On ne se réjouit jamais de voir des arbres coupés, même si c’est pour de l’énergie renouvelable, réagit le technicien forestier. Dans un département aussi urbanisé que le nôtre, ça vaut le coup de se poser des questions pour couvrir des zones artificielles avant d’impacter le milieu naturel ».
L’adjoint au maire de Marseille en charge de la transition écologique, Sébastien Barles, fait partie du comité de pilotage du projet. « Nous sommes bien sûr favorables à l’autoconsommation énergétique. Mais nous avons attiré l’attention sur un minimum d’impact pour la nature, et pour étudier d’autres zones, non boisées ».
Le directeur du développement de Tenergie tempère la valeur naturelle de la parcelle. « Elle n’est que légèrement boisée, n’est pas classée, et fait l’objet de nombreuses pollutions pyrotechniques du fait des activités militaires. De plus, nous allons proposer des mesures compensatoires ». Sollicitée dans le cadre de cet article, l’armée, pour l’instant muette, aura le dernier mot sur le projet.