Depuis quelques semaines et la parution d’une pétition intitulée « Protégeons le vrai Savon de Marseille », le petit cube emblématique de Marseille fait l’objet de divers articles dans la presse. Made in Marseille vous explique pourquoi l’un des symboles de la ville fait autant parler de lui et surtout pour quelles raisons deux camps s’opposent au sujet de sa protection.

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Retour sur l’histoire du savon de Marseille

Depuis le 14ème siècle, date à laquelle le premier savonnier a été recensé dans la région marseillaise, le savon de Marseille est produit dans la ville et en est même devenu l’un des emblèmes. Aux alentours des années 1880, c’est même l’âge d’or pour ces petits cubes confectionnés par milliers de tonnes dans des dizaines de savonneries. Une industrie qui s’est peu à peu essoufflée dès la moitié du 20ème siècle face à la concurrence des détergents de synthèse qui lui ont finalement été préférés.

Toutefois, depuis quelques années, le savon de Marseille signe un beau retour en France grâce à ses côtés à la fois écologiques et économiques. Sauf que 95% des savons vendus sous l’étiquette « Savon de Marseille » ne viennent pas de Marseille mais sont fabriqués à l’étranger comme par exemple en Tunisie, en Turquie et en Chine. Et bien souvent sans respecter la recette initiale du savon de Marseille.

Pour aider les consommateurs à retrouver le « vrai » du « faux », les derniers fabricants de savon de Marseille de la région Paca suivant la recette ancestrale veulent mettre en place une IGP (Indication Géographique Protégée). Un label qui assure au consommateur que le produit qu’il achète a bien été fabriqué dans la zone qui lui est associée et selon un cahier des charges bien spécifique. Mais les discussions entre le groupement de fabricants ont mené à une rupture entraînant la création de deux associations différentes. Chacune a déposé sa propre IGP auprès de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) avec à l’intérieur une conception du savon de Marseille bien opposée.

savon de marseille, [Analyse] Faut-il protéger le vrai savon de Marseille ?, Made in Marseille
© La Grande Savonnerie

Respecter la recette traditionnelle marseillaise

D’un côté, l’Association des Fabricants de Savon de Marseille (AFSM) composée de 12 entreprises de la région de Marseille, allant du petit fabricant comme la savonnerie La Licorne à Marseille au gros industriel tel que l’Occitane. De l’autre, l’Union des Professionnels du Savon de Marseille (UPSM) qui compte quatre membres : les savonneries marseillaises du Fer à cheval, du Sérail et du Midi et la savonnerie Marius Fabre de Salon-de-Provence.

Cette dernière association prône, dans son dossier d’IGP déposé en décembre 2015, la recette ancestrale pour la fabrication du savon de Marseille c’est-à-dire l’utilisation exclusive d’huile végétale, l’usage de la manière traditionnelle au chaudron, l’exclusion de tout ajout de produits chimiques quel qu’il soit (colorant, parfum, conservateur) et une fabrication limitée géographiquement aux Bouches-du-Rhône, zone d’origine du savon de Marseille.

« L’IGP serait pour nous une reconnaissance de notre savoir-faire et de notre métier. Puisqu’elle est reconnue par l’État français, elle nous permettrait aussi d’avoir une meilleure communication auprès des consommateurs pour les aider à distinguer le « vrai » savon de Marseille du « faux ». Jusqu’à présent, on ne peut que leur expliquer qu’un savon qui a une couleur ou un parfum ne peut pas être un vrai savon de Marseille », souligne Bernard Demeure de l’UPSM.

Des formes, des couleurs et des odeurs

Une couleur, un parfum et une forme imposés, autant de critères que ne partagent pas l’AFSM et ses 12 membres. Et ce pour des raisons économiques.

« Le cube brut représente moins de 10% des savons que l’on vend à nos clients. Se limiter à cela pour dire que c’est du savon de Marseille c’est fermé le marché et ce n’est pas adapté aux envies des consommateurs », défend Serge Bruna, directeur de la savonnerie la Licorne et président de l’AFSM.

Contrairement à l’UPSM, l’Association des Fabricants de Savon de Marseille a intégré d’autres points dans son dossier d’IGP déposé au cours de l’été 2015. Tout d’abord l’utilisation d’adjuvants, d’huiles essentielles, de compositions aromatiques et même de pigments. La forme du savon peut ne pas se limiter seulement au traditionnel cube mais peut être variée et prendre celle d’un poisson par exemple. Quant au territoire géographique, il s’étend à toute la région Paca puisque les différents membres ne sont pas installés seulement dans les Bouches-du-Rhône mais également dans les départements voisins.

« J’ai beaucoup de clients à l’export qui veulent un savon de Marseille avec des formes. L’important c’est la qualité qu’il y a derrière, peu importe si le savon ait une forme ou une odeur qui ne respecte pas le cube brut original », souligne Serge Bruna.

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L’utilisation de parfums et de colorants dans le savon de Marseille divise les fabricants.

Une concertation possible entre les deux parties ?

À ce jour, chacune des deux associations a déposé sa propre demande d’IGP auprès de l’INPI. L’institut peut choisir de l’octroyer à l’une des deux parties ou, et c’est là le risque, de ne la donner à personne.

« On ne tirerait aucune gloire d’avoir l’IGP seul. C’est en étant solidaire qu’on pourra défendre au mieux le savon de Marseille et que l’on sera plus fort », considère Serge Bruna.

Le président de l’AFSM a même avoué être prêt à faire des efforts pour que l’IGP puisse être mise en place comme « abandonner les formes originales » ou « n’utiliser que des huiles essentielles et aucun autre ajout ». De son côté, l’Union des Professionnels du Savon de Marseille est plus sceptique comme l’explique Bernard Demeure : « Aujourd’hui, nous avons une vision et une définition du produit qui peut difficilement conduire à un accord ».

Pour l’heure, il n’existe comme label de garantie que la marque collective « Savon de Marseille » dont le logo représente un cube de savon. Apposée sur un produit, elle assure au consommateur que le savon a bien été fabriqué selon la tradition marseillaise. Un label dont il faudra se contenter en attendant de connaître la réponse de l’INPI concernant les deux dossiers d’IGP.

Par Agathe Perrier

Un commentaire

  1. Bonjour,
    Je ne comprends toujours pas que le savon de marseille ne soit pas protégé !!!!!!!
    Pendant la dernière guerre, mon grand père a été payé par une cargaison de savon de marseille ! Pourquoi ? je ne sais pas !
    Il m’en reste quelques cubes, dont un morceau de l’emballage !
    J’ai toujours utilisé ce savon, aussi bien pour le linge que pour nettoyer un bobo ou même une plaie, pour moi ou mes petits enfants ! « prends le savon magique » me disait mes petits enfants, lors de chutes !
    J’ai des photos de ce superbe produit « Notre dame de l’océan » 72% Extra pur « huileries et savonneries Desmarais Frères »
    Une utilisatrice très très très convaincue et en attente d’une protection d’utilité publique !!!!! (76 ans depuis le 29 aoüt)
    AL

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